L’instant… Coup de gueule : - Au nom du divorce…!
L’instant… Coup de gueule :
- Au nom du divorce…!
Un coup de gueule signé Rachid Boufous en soutien à Soukayna Benjelloun
Comme on dit souvent, personne ne sait ce qui se passe dans la vie d’un couple, ni entre un mari et sa femme. Ce qui les pousse après à divorcer non plus.
Le divorce est une chose malheureuse dans un couple, mais il est souvent salutaire quand les deux personnes qui le forment ne sont plus sur la même longueur d’onde ou divergent dans leurs choix de vies.
Chacun prend alors son indépendance. C’est idyllique comme situation quand le couple est assez mûr pour ne pas souffrir ou faire souffrir ses proches, notamment les enfants quand ils existent et qu’ils sont mineurs. La réalité est autre malheureusement, car dans la plupart des cas de divorce, la séparation du couple est douloureuse, fait place à un étalage de tout ce que l’univers ne savait pas ou ne pouvait même pas soupçonner et qui se passait dans la vie du même couple.
Un étalage indécent qui met surtout en péril la vie des proches et des enfants qui en souffrent souvent en silence.
C’est le cas des femmes comme les hommes et la souffrance n’est pas l’apanage d’un sexe par rapport à un autre, la violence des mots et des gestes peut venir de l’un comme de l’autre avec son cortège de dégâts collatéraux.
C’est le cas aujourd’hui d’un couple d’architectes, un confrère et une consœur, dont le divorce défraie les chroniques depuis plus d’un an maintenant, via les réseaux sociaux.
Il n’ya pas un jour où l’on ne tombe sur Soukayna Benjelloune, à parler de ses déboires de couple et de son divorce, apparement le plus cher du Maroc, même si je doute fortement de cela, mais cela fait « vendre » son histoire sur les réseaux. C’est son affaire et son choix.
J’ai connu ce couple d’architectes dans une autre vie, quand je m’intéressais encore à mon métier, avant de réaliser que notre profession était morte et enterrée depuis belle lurette et de quitter volontairement ce monde où les égos sont surdimensionnés et où la méchanceté gratuite est légendaire. Soukayna travaillait à l’époque au ministère de la justice à Tanger et faisait partie des instances locales de l’ordre des architectes avant de migrer vers le national plus tard, si ma mémoire ne me fait pas défaut.
De sa vie de couple, nous ne savions rien à l’ordre et dans la profession en général et cela ne nous intéressait pas. On savait juste qu’elle formait un couple solidaire et qu’elle aidait son mari à travers ses fonctions dans le public, selon les dires de certains confrères et consœurs, sans plus.
Qu’elle a été ma surprise quand je l’ai vue surgir sur les réseaux sociaux, invectivant son mari à longueur de journée. J’ai appris de sa bouche qu’elle était malade mentalement, bipolaire et qu’elle a perdu la garde de ses quatre enfants encore mineurs.
Aujourd’hui j’apprends qu’elle a été incarcérée à la prison de Oukacha à Casablanca, suite à une plainte de son mari, pour diffamation.
Triste épisode dans la vie de ce jeune couple.
Cela pose avec acuité le problème du divorce au Maroc et de ses retombées sociales. Quelques chiffres édifiants :
De 2017 à 2022, on a enregistré 600.000 cas de divorces. Ainsi, par année, ces cas sont passés de 107.136 affaires en 2017 à 115.436 en 2018 puis à 129.417 en 2019 avant de retomber à 105.471 en 2020 à cause de la pandémie du Covid qui a provoqué un arrêt des procédures judiciaires. Mais ils repartent encore une fois à la hausse pour s’élever à 131.309 cas en 2021 et 146.766 en 2022.
Cette tendance explosive a été confirmée par le Haut-commissariat au Plan qui a rapporté dans un récent document sur la situation de la famille marocaine, que plus de 3% des femmes marocaines de plus de 15 ans sont divorcées, soit environ 500.000 femmes. Ces chiffres donnent le tournis.
Dans la majorité des cas, la précarité post-divorce est vécue par les femmes principalement, qui se retrouvent souvent dans une situation économique difficile, surtout quand elles n’ont pas de revenus conséquents ou un métier qui puisse couvrir leurs besoins après la séparation de couple.
De plus, le regard de notre société n’a toujours pas changé vis-à-vis de la femme divorcée, vue comme une femme n’ayant pas réussi à sauvegarder son couple, ni « retenir » son mari , sans même lui accorder une quelconque indulgence et sans même prendre le temps d’écouter ses souffrances ou ce qu’elle a enduré en terme de violences, d’humiliations ou d’insultes, de la part de son ex-mari ou de sa famille.
Les maris peuvent aussi faire l’objet de violences et d’humiliations de la part de leurs femmes ou ex-femmes. Mais la société préfère et de loin invectiver la femme divorcée plutôt que l’homme divorcé.
L’affaire de Soukayna et de son ex-mari est symptomatique de ce qu’est devenue l’institution du mariage quand elle s’effondre. De sa violence et du rejet de la société en cas d’échec du couple et du divorce. La principale victime du divorce reste la femme et de loin…
Car la femme divorcée avec ou sans enfants, on ne lui pardonne rien.
On la fuit, on ne l’invite qu’avec une grande méfiance aux soirées ou au dîners de couples, les femmes étant encore mariées redoutent que leurs amies divorcées ne leur « chipent » leurs maris…
La femmes divorcée est vue par la société comme une « perdante » ou pire, comm une « prostituée » en liberté…
Elle n’est nullement respectée, rejetée souvent par sa propre famille et surtout par une société dure et hypocrite.
Pire, comment accepter que la société admette que l’on enlève ses enfants mineurs à une femme divorcée qui souhaite refaire sa vie avec un autre homme, en les confiant à son ex-mari ou à la famille de celui-ci ? Et la société et la justice, trouvent cela normal.
C’est la mère qui éduque ses enfants et non le père, quoi que l’on dise et aucune femme n’accepte d’abandonner ses enfants à autrui, même si c’est à leur père biologique. La moudawana reste sourde à cela et c’est inadmissible.
Mais ce qui est dangereux, c’est quand on pousse cette femme désespérée dans ses retranchements, quitte à ce qu’elle commette une erreur et que l’on porte plainte contre elle et l’emprisonne. Que gagne la société en mettant une femme divorcée, mère de quatre enfants mineurs en prison ? Rien absolument rien et rien ne le justifie.
Soukayna Benjelloun n’a commis aucun crime. Elle s’en est prise à son ex-mari au vu et au su de tout le monde, dans le seul but de récupérer ses enfants et qu’elle obtienne justice sur les torts qu’elle estime que son ex-mari lui a faits.
Étaler sa vie intime et de couple sur les réseaux est une très grande erreur certes, mais si cela est la seule solution qui lui reste pour crier à l’injustice qu’elle estime vivre, faut-il lui en vouloir pour autant ?
Si elle est malade psychologiquement, il faut l’aider et la faire soigner. Si elle dit des choses erronées ou vraies, la justice doit l’écouter.
Mais sa place n’est certainement pas en prison, même en attendant son jugement.
En agissant ainsi, la société donne un mauvais signal à toutes les femmes divorcées ou violentées dans leurs couples et qui demandent réparation ou une simple écoute de la part de la justice ou de la société, fut-ce par médias interposés.
Je ne juge personne par rapport à ses faits, ses gestes et ses paroles.
Toutefois, il est inconcevable que des mecs se réjouissent sur les réseaux de la déchéance de cette femme, en mettant en avant le courage du mari, d’avoir abaissé ainsi son ex-femme…
Mais la raison, la logique ou la compassion, si tant est que ces valeurs aient encore du sens au Maroc d’aujourd’hui; nous interdisent de jeter à la vindicte populaire une femme divorcée, en quête de justice et à travers elle, toutes les femmes qui luttent pour leur dignité et leur survie dans une société sans miséricorde….!
Toute ma solidarité va à Soukayna Benjelloun en tant que consœur, femme et mère.
Rachid Boufous
29/11/2025

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