Il était une fois le mensonge déconcertant en Amérique.
L’arrivée au pouvoir de Donald Trump, le 20 janvier 2017, ouvre une nouvelle ère non seulement dans l’histoire des relations internationales mais aussi, tout simplement, dans l’histoire des hommes. Pour la première fois depuis sa naissance en 1776, la plus ancienne démocratie moderne, les Etats-Unis d’Amérique, est dirigée par un authentique communiste élu par une minorité d’électeurs, arrivant au pouvoir sans majorité, tout comme Hitler en janvier 1933, avec la ferme intention de se maintenir à la présidence des USA en ne faisant pas plus preuve de scrupules que Lénine, Staline, Hitler et bien d’autres dictateurs en leur temps ou aujourd’hui en Russie ou en Chine.
En quoi Donald Trump, milliardaire-type du capitalisme américain, serait-il communiste ? Pour comprendre le paradoxe, il faut se reporter au livre exceptionnel du Croate Ante Ciliga paru en 1938, intitulé « Au Pays du grand mensonge« , réédité dix ans plus tard sous le titre « Dix ans au pays du mensonge déconcertant« , et dans lequel l’auteur narre ses tragiques mésaventures en URSS de 1925 à 1935, qui lui valurent d’être arrêtées à Moscou, par le Guépéou, l’ancêtre du KGB puis tenu au secret et finalement déporté en Sibérie, terre de l’exil et de l’industrialisation, pour reprendre le titre d’un second livre qu’il consacrera au Goulag où il y séjournera avant d’être miraculeusement expulsé en décembre 1935.
L’Amérique du mensonge déconcertant cherche acteur
Communiste convaincu quand il arrive à Moscou en 1925, sa cruelle expérience le conduit à considérer que l’Union soviétique de Staline ne construit pas un pays socialiste mais devient dans les faits, sous le discours trompeur de l’édification du socialisme soviétique, un pays capitaliste d’Etat.
Son analyse a le grand mérite d’apporter une explication limpide à des retournements de situation historique difficiles à suivre quand on se contente d’étudier l’histoire contemporaine en recourant à des catégories approximatives telles que capitalisme, socialisme, communisme, fascisme ou nazisme.
Fondamentalement, il n’existe que deux modèles, celui des démocraties libérales et celui des régimes dictatoriaux : dans le premier cas, il s’agit de pays capitalistes libéraux où les moyens de production et les activités économiques sont principalement détenus par des personnes physiques ou morales « décentralisées », n’obéissant pas au pouvoir de l’Etat, dans le second cas, il s’agit de pays capitalistes d’Etat, où l’Etat captif d’une minorité agissante, détient le contrôle direct ou indirect sur l’ensemble des moyens de production et en assure l’organisation par la coercition, y compris par la réquisition et la spoliation des biens ainsi que le recours à la violence physique l’anéantissement de toute opposition déclarée. .
Vladimir le Magnifique, nouvelle Star tsariste du mensonge déconcertant
Le fascisme mussolinien, le nazisme hitlérien, le communisme soviétique ou le maoïsme appartiennent à la catégorie des pays capitalistes d’Etat. Hitler, par exemple, obtiendra par la négociation ou la force, l’adhésion des grandes familles capitalistes allemandes à ces projets de réarmement ; de même, lors de l’effondrement de l’URSS en 1991-1992 les anciens dirigeants communistes entreprendront de se partager sans vergogne les dépouilles du capitalisme d’Etat de l’ancienne grande puissance soviétique, et ce, au final, sans rencontrer les difficultés auxquelles l’Occident s’attendait, seuls les habitants de l’ex-URSS ayant à supporter l’effondrement de la production par une baisse considérable de leurs médiocres moyens d’existence. Quant à la Chine, à partir de 1979, elle n’aura aucune difficulté à rendre efficace le capitalisme d’Etat en se contentant de reconnaître à ses nationaux le droit de s’enrichir à condition de ne pas remettre en question l’autorité du parti communiste chinois sur le pays.
Place Tiananmen, Pékin, 4 juin 1989, photo J.Langevin/Sygma
Tous ces pays capitalistes d’Etat ont eu ou ont en commun d’avoir à la tête de l’organisation dirigeante, des dictateurs qui accèdent et se maintiennent au pouvoir en usant et abusant de ce qu’Anton Ciliga appelle le Grand mensonge ou le mensonge déconcertant, c’est à dire que la vérité n’a aucune importance puisqu’elle n’existe pas en dehors de celle émise par les dirigeants qui n’est ni vérité ni mensonge, mais seulement un mensonge déconcertant.
Il suffit au pouvoir d’affirmer pour que cette affirmation devienne une vérité même si cette affirmation est éloignée ou contraire aux faits.
Les faits et la vérité s’estompent pour laisser la place à ce mensonge déconcertant qui devient une « vérité approximative » qui n’a pas besoin d’être authentifiée ou partagée.
Et c’est ainsi que dans le passé, le régime communiste chinois a vanté les mérites du Grand bond en avant alors que dans le même temps, des millions de personnes dans les campagnes chinoises crevaient de faim ; De même, l’URSS inventa la planification et la statistique soviétiques destinées à produire chaque année un taux de croissance officiel sans rapport avec l’évolution réelle de l’économie, réussissant le tour de force d’abuser les économistes occidentaux sur la puissance supposée de l’empire soviétique.
Quant aux Nazis, ils mirent faussement sur le compte des communistes l’incendie du Reichstag pour accélerer leur prise du pouvoir, briser les forces supposées d’opposition, emprisonner et assassiner des catégories entières de la population classées par les dirigeants comme des ennemis du troisième Reich, résumé en une devise : Ein Volk, ein Reich, Ein Fürher.
Les méthodes de Donald Trump employées pendant la campagne électorale et depuis son accesion au pouvoir, ne sont guère différentes, ce sont celles d’un apprenti dictateur qui ignore les faits et a recours au mensonge déconcertant.
Son objectif partagé avec ses associés milliardaires nommés à la plupart des postes clés, est de transformer les Etats-Unis d’Amérique en un pays capitaliste d’Etat où les entreprises sont détournées de leur objet social et de leur détention par des actionnaires privés, pour être mises principalement au service du capitalisme d’Etat appartenant désormais à la firme Trump qui a aussi sa devise : America first !
Les propos farfelus, les tweets insensés ou les décrets approximatifs sont autant de signes et messages clairs adressés aux dirigeants décentralisés de l’Amérique que sont les acteurs économiques comme l’industrie automobile ou les politiciens locaux et nationaux (gouverneurs, sénateurs, représentants…) : de même qu’il y eut un Führer en Allemagne nazie, il y a désormais The Big Boss en Amérique, et ce Big Boss, c’est Donald Trump.
La prochaine étape de la prise du pouvoir sera la mise sous tutelle de la Cour suprême par des nominations qui lui assureront de ne plus avoir à se préoccuper d’édicter des lois et des décrets s’embarrassant de principes démocratiques.
Car la loi selon Trump, c’est la même qu’au far West ou celle de Poutine qu’il admire, la loi du plus fort qui tord les faits et donne tort à la vérité.
Le plus surprenant, d’une certaine façon, c’est que les futurs dictateurs arrivent toujours de manière impromptue au pouvoir.
Et une fois installés au pouvoir, c’est une autre paire de manche pour s’en débarrasser, tragique leçon de l’histoire qui ne se répète pas toujours en comédie, demandez aux réfugiés qui se retrouvent bloqués dans un aéroport pour cause de crétinisme absolu !
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