Khashoggi : Colère de la Turquie accusée de "jeu politique" par la France.
La Turquie a laissé éclater sa colère lundi après que la France eut évoqué un "jeu politique" du président Recep Tayyip Erdogan à propos du meurtre de Jamal Khashoggi et démenti avoir reçu des informations de la part d'Ankara.
Dans une interview à la chaîne de télévision France 2, le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian a dit ne "pas avoir connaissance" d'un partage d'informations turques, contredisant des déclarations de Erdogan. Interrogé sur l'éventualité d'un mensonge du président turc sur ce point, le ministre français a observé que ce dernier avait "un jeu politique particulier dans cette circonstance".
Cette accusation est "inacceptable", a vivement réagi auprès de l'AFP le directeur de la communication de la présidence turque Fahrettin Altun, ajoutant qu'un responsable français avait notamment eut accès à un "enregistrement audio" portant sur le meurtre de Khashoggi. Le président Erdogan a pour la première fois confirmé officiellement samedi l'existence d'"enregistrements" portant sur le meurtre de Khashoggi, ajoutant qu'Ankara avait partagé ces documents avec plusieurs alliés, dont Washington, Berlin, Paris et Londres.
Si Paris a démenti, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a pour sa part confirmé lundi que les services canadiens avaient écouté les enregistrements en question et avaient été "pleinement informées de ce que la Turquie avait à partager". L'Allemagne a de son côté évoqué un "échange entre services secrets" allemand et turc, se refusant toutefois à fournir davantage de précisions.
Si Erdogan n'a pas donné de détails sur le contenu des enregistrements samedi, la presse proche du pouvoir à Ankara évoque depuis plusieurs semaines un enregistrement audio du meurtre de Khashoggi. Cette affaire a provoqué un tollé dans le monde entier et terni l'image de l'Arabie saoudite, en particulier du prince héritier Mohammed ben Salmane, dit "MBS".
Renseignement français informé
Jamal Khashoggi, un éditorialiste saoudien critique du pouvoir à Ryad, en particulier de "MBS", a été tué le 2 octobre au consulat de son pays à Istanbul où il s'était rendu pour effectuer des démarches administratives. Plus d'un mois après la mort du journaliste à l'âge de 59 ans, son corps n'a toujours pas été retrouvés. Selon la presse turque, les enquêteurs estiment que les meurtriers ont démembré puis dissous son corps à l'acide.
Depuis le début de l'affaire, le pouvoir turc, qui décrit un "meurtre prémédité" commis par une équipe de 15 agents saoudiens, s'est efforcé de maintenir la pression sur Ryad grâce à des "fuites" dans la presse locale largement reprises par les médias internationaux. Après avoir d'abord fermement nié son meurtre, les autorités saoudiennes ont fini par affirmer que le journaliste avait été tué au cours d'une opération "non autorisée" par Ryad.
"N'oublions pas que cette affaire aurait été totalement étouffée sans les efforts de la Turquie", a déclaré lundi Altun. Il a affirmé que "des preuves" avaient été "partagées avec les institutions concernées du gouvernement français", ajoutant que "le 24 octobre, un représentant des services de renseignement français a écouté l'enregistrement audio". "S'il y a un problème de communication entre les différentes institutions au sein du gouvernement français, il appartient aux autorités françaises et non à la Turquie de régler ce problème", a-t-il lâché.
L'onde de choc provoquée par le meurtre de Khashoggi a par ailleurs braqué les projecteurs sur la guerre que livre une coalition emmenée par l'Arabie saoudite au Yémen, au prix d'une catastrophe humanitaire majeure. Le chef de la diplomatie britannique Jeremy Hunt a rencontré lundi le roi Salmane à Ryad lundi lors d'un déplacement visant à accentuer la pression internationale sur la monarchie pétrolière. La veille, le ministre américain Mike Pompeo avait appelé à la "fin des hostilités" au Yémen lors d'un entretien téléphonique avec "MBS".
Selon la porte-parole du département d'Etat Heather Nauert, Pompeo a également indiqué que son pays allait "demander des comptes à toutes les personnes impliquées dans le meurtre de Jamal Khashoggi", estimant "que l'Arabie saoudite (devait) faire de même".
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