Pour Abdelmadjid Tebboune, la crise s’est aggravée avec le Maroc.
Dans une nouvelle sortie médiatique diffusée en différé hier, mardi 15 février, par la télévision publique algérienne, Abdelmadjid Tebboune a affirmé qu’il refusait toujours toute médiation avec le Maroc.
Cette fois-ci, le Royaume est accusé de vouloir créer des problèmes entre l’armée et la présidence algériennes.
Rien n’a changé chez Abdelmadjid Tebboune ou presque. L’homme est toujours égal à lui-même, c’est-à-dire en-deçà de la fonction présidentielle. Dans ce qui s'apparente à un cycle d'interviews, au cours du nouvel entretien qu'il vient d'accorder à la télévision publique algérienne, diffusé hier soir, mardi 15 février 2022, le président algérien s’est livré à une sorte de communication de crise, dans le but d’éviter le retour des manifestations dans la rue, à l’occasion du 3ème anniversaire du Hirak, qui sera célébré le 22 février. Tebboune a consacré le plus clair de son intervention à des annonces visant à acheter la paix sociale, notamment en accordant une allocation chômage aux jeunes d’un montant de 13. 000 dinars (860 dirhams).
Pour ce qui est des relations avec le Maroc, il y a une grande nouveauté. Pour la première fois depuis qu’il s’adonne à ces interviews télévisées, Tebboune n’a pas prononcé le mot Sahara. Pas un mot sur la première cause nationale du régime algérien. Celle qui mobilise toute la diplomatie de la junte et lui fait dépenser des sommes colossales. Quel étonnement!
L’ellipse inhabituelle de «la cause sahraouie» s’explique très probablement par le sommet de la Ligue arabe que le régime algérien veut à tout prix abriter en novembre 2022. Tebboune fait profil bas, parce qu’il craint de se voir privé d’une rencontre essentielle pour la propagande du régime. Le secrétariat général de la Ligue arabe et les pays influents, particulièrement ceux du Conseil de Coopération du Golfe, ont adressé ce message sans ambages au régime algérien : l’intégrité territoriale du Maroc est une ligne rouge. Tebboune a adopté dès lors une tactique de couard: il fait profil bas, en attendant que l’hypothétique sommet, censé lustrer un régime à la dérive, tienne lieu.
Pour ce qui est des relations bilatérales entre l’Algérie et le Maroc, Tebboune a affirmé que «rien n’a changé», laissant même entendre que ces relations sont allées de mal en pis.
«Par le passé vous avez eu à réaffirmer votre refus de toute médiation pour la normalisation des relations avec le voisin marocain. Est-ce qu’aujourd’hui vous êtes dans même état d’esprit?», lui a demandé l’un des deux journalistes qui le questionnaient.
«Rien n'a changé, mais au contraire, les choses se sont aggravées», a répondu Tebboune, accusant le Maroc d’alimenter une prétendue «propagande» dirigée contre le régime algérien. Il a ainsi affirmé qu’«actuellement, le Maroc s'appuie sur la propagande et les fake news, avec le soutien d’Israël».
Le Maroc, toujours présenté comme étant le premier responsable de l'ensemble des maux dont souffre l’Algérie, est accusé cette fois-ci de créer la zizanie au sein même du régime algérien. «Tout ce qui porte atteinte à l'unité nationale et tente d’attaquer l’armée et tout ce qui vise à inventer des problèmes entre le président et l'armée... viennent de l'appareil de propagande mobilisé par le voisin contre l'Algérie, et soutenu par Israël». Donc, «la porte restera fermée» avec le Maroc, a conclu Tebboune.
Pour preuve de ses accusations envers le Maroc, Tebboune affirme qu’il «n’y qu’à suivre les adresses IP». Une preuve farfelue et qui ferait bien rire même des enfants qui savent modifier une adresse IP à l’aide d’un VPN.
Ces accusations très habituelles, comme d’ailleurs le moment choisi pour les distiller, avec cette nouvelle sortie médiatique, s’inscrivent dans les gesticulations d'un régime qui brandit encore une fois une mystérieuse «main extérieure» pour tenter de conjurer les manifestations populaires anti-régime, à la veille des célébrations du 3ème anniversaire du déclenchement du Hirak en Algérie.
Cet anniversaire fait trembler le régime, qui multiplie ces derniers jours les concessions et autres effets d’annonces. Ainsi après la suppression des taxes sur les produits alimentaires de base, dimanche dernier, le président algérien a sorti l’allocation-chômage qui sera accordée aux demandeurs d’emploi à partir de mars prochain.
«Nous sommes le premier Etat en dehors de l’Europe à instituer une telle prime», de 13.000 dinars (860 DH), a-t-il affirmé pour amadouer les hirakistes, tout en les mettant en garde contre toute manifestation «non déclarée».
Dans sa générosité à acheter, quoi qu’il en coûte, la paix sociale, Tebboune a fait des révélations importantes. Il a ainsi affirmé que six millions d’Algériens touchaient un salaire de moins de 30 000 dinars (2000 dirhams) par mois. Quand on sait que le kilo de viande rouge avoisine les 4000 dinars, le calcul est vite fait pour comprendre que ces 6 millions d’Algériens ne peuvent pas nourrir convenablement leur famille. D’ailleurs, le mot «famine» a été prononcé à plusieurs reprises par Tebboune qui a laissé entendre que les mesures qu’il a prises de défiscalisation et d’allocations visaient à faire barrage à cette même famine.
Se pliant en quatre devant la France, l’ex-colonisateur servant généralement à la propagande locale pour légitimer le pouvoir militaro-politique qui régit le pays depuis 1962, Abdelmadjid Tebboune a parlé d’un «dégel» entre les deux pays. «Avec la dernière décision prise par le président français sur le métro Charonne où sont morts des Algériens à cause de la répression du scélérat [Maurice] Papon [préfet de police de l'époque] les choses commencent à prendre une nouvelle tournure», a ajouté le président algérien, qui s'est ensuite lancé dans un exercice de fanfaronnade: «l'Algérie est un pays incontournable pour l'Afrique et une puissance africaine avérée», sous-entendant par là que la France ne pouvait se passer de l’Algérie.
Sur un autre registre, Tebboune est d’un aplomb peu commun. Alors que plusieurs dizaines de manifestants pacifiques du Hirak ont entamé une grève de la faim, Tebboune a affirmé sans sourciller qu’«il n’y a pas de détenu d’opinion en Algérie» (!). A l'entendre parler, l’Algérie serait même le pays de la liberté d’expression, mais qui ne garantirait jamais «la liberté de l’insulte».
Pourtant, les manifestants du Hirak n’insultent pas Abdelmadjid Tebboune en criant qu’il est un usurpateur: «Tebboune lemzawar jabouh l’âskar» («Tebboune l’usurpateur a été placé par les militaires»), est l’un des slogans-phares du Hirak qui rappelle seulement une vérité.
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