L'alcoolisme au féminin :
Asmaa, la barmaid.
L'alcoolisme n'est pas une affaire exclusivement masculine. Encore une fois, un tour dans la rue, une virée dans les bars, pourra nous donner une idée juste sur le rapport des femmes à l'alcool.
Asmaa est barmaid. Elle officie dans la rue Allal Ben Abdellah. Elle ne sait pas si elle est alcoolique, mais elle peut affirmer qu'elle boit tous les soirs et beaucoup. « Des fois, je suis KO. Je ne me souviens de rien. C'est le trou noir.
Et souvent, on me fait les poches et certains abusent de moi».
Asmaa boit depuis l'âge de dix-sept ans. Aujourd'hui, elle en a quarante-quatre, et elle en paraît soixante. Le teint bruni, la bouche qui vire au bleu, les gencives noircies, des poches sous les yeux qui donnent au regard une espèce de teinte de méchanceté et un embonpoint qui ne la gêne pas.
«Je ne suis pas la seule, dans tous les bars, il y a des filles comme moi qui travaillent comme ça. C'est le seul moyen pour gagner ma vie et je dois dire que j'ai honte vu que la société me traite de pu.e, mais bon, il faut bien manger. Oui, il y a des filles qui font le tapin aussi, mais moi, j'ai deux enfants et je ne peux pas me permettre ça.»
Et à la question, si elle buvait en dehors des journées de travail au bar, Asmaa répond : «Je bois tout le temps, je suis habituée. Il me faut mes bières, mon pastis, mon rouge et parfois je prends de la vodka quand c’est un client qui me l’offre».
L'habitude, c'est justement cela l'alcoolisme. Comme le précise un spécialiste, psychiatre et addictologue : Il faut que l'on clarifie un point qui reste ambigu pour beaucoup : Il y a l'usage occasionnel de l'alcool, l'abus d'alcool et la dépendance à l'alcool. Les trois stades peuvent être dangereux.
Mais en cas de dépendance, cela donne lieu à toute une série de maladies, à des déficiences physiques, notamment au niveau du foie et du système nerveux.
L’autre dégât que peu de personnes connaissent, c'est que l'alcoolisme peut entraîner une impuissance sexuelle.
Ce qu'il faut aussi retenir est que la consommation d'alcool est un danger chez la femme enceinte car elle risque de causer des malformations au foetus. Ceci dit, sans être forcément une forme d'alcoolo-dépendance, une consommation massive d'alcool en une fois peut provoquer ce que l'on appelle un coma éthylique, c'est-à-dire une intoxication qui peut mener à la mort. Pour résumer, disons que la dépendance à l'alcool donne lieu aux dégâts suivants : cirrhose, cancer, accidents de la route, suicides, hépatites alcooliques mais aussi homicides, accidents du travail... et autres délits graves ».
Quand on énumère tous ces dangers à Asmaa, elle cligne de l’œil et fait un geste clair qui veut dire : je m’en fous.
Et après ? « J’ai vu des milliers de personnes boire comme des trous, des litres de bière et des bouteilles de vin de merde et je les vois toujours. Elles ne sont pas mortes ». Pas encore.
Et est-ce une vie, cela, passer ses jours et ses nuits dans un bar, dans une gargote, dans un trou à s’aviner jusqu’au coma ?
C’est un suicide à petit feu.
Mais pour Asmaa, l’essentiel est ailleurs. Il faut boire pour ne pas «Voir le temps passer, pour supporter les longues heures de service, pour ne pas planter un tesson de bouteille dans la gueule d’untel ou untel, pour finir son service et ramener de quoi faire cuire la marmite le lendemain».
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