Entrechoquement entre la sagesse du général Kaïdi et la folie furieuse de la junte algérienne.
La purge politico-militaire n’en finit pas de faire sauter des têtes.
Quelques jours seulement avant son éviction brutale de son poste
au sein de l’état-major algérien, le général Mohamed Kaidi bénéficiait
encore de la confiance totale de sa hiérarchie.
Le 28 octobre dernier,
le plus jeune des généraux algériens représentait d’ailleurs l’Armée
nationale populaire (ANP) à la 13ème réunion des chefs d’état-major des
armées des pays membres de l'Initiative «5+5 Défense».
Que s’est-il passé depuis pour que Said Chengriha, actuel patron de l’armée algérienne, change totalement de position et décide de destituer ce général, qui occupait l’un des postes les plus stratégiques au sein de l’état-major ?
Qu’est-ce qui l’a poussé à prendre une telle décision
précipitée et mal ficelée qui a suscité une véritable controverse au
sein de l’institution militaire algérienne, déjà terriblement affaiblie
par d’interminables luttes intestines ?
Une décision qui a également
scandalisé de nombreux officiers supérieurs, piqués au vif par la
déchéance vertigineuse de celui qui était pressenti, il y a tout juste
quelques jours, pour diriger les Forces terrestres, un poste sensible et
prestigieux qui offre à celui qui l’occupe l’opportunité d’être promu
chef d’état-major et ainsi de diriger le pays, comme en témoigne
l’ascension de Said Chengriha ou encore celle de Ahmed Gaïd Salah avant
lui.
Rompre avec le discours guerrier d’un régime militaro-politique
Selon le journal d’investigation Algérie Part, cette disgrâce serait la conséquence directe du discours tenu par le général déchu, à l’occasion de cette fameuse réunion organisée dans le cadre de l'Initiative «5+5 Défense» et qui rassemblait les 5 pays maghrébins avec l'Espagne, la France, l'Italie, Malte et le Portugal.
Selon le journal d’investigation Algérie Part, cette disgrâce serait la conséquence directe du discours tenu par le général déchu, à l’occasion de cette fameuse réunion organisée dans le cadre de l'Initiative «5+5 Défense» et qui rassemblait les 5 pays maghrébins avec l'Espagne, la France, l'Italie, Malte et le Portugal.
«La décision de
renvoyer Mohamed Kaidi s’explique avant tout par ses positions
favorables à l’égard de l’Occident, pacifistes et complaisantes envers
le Maroc», lit-on dans une enquête d’Algérie Part.
«Ses propos en
présence de plusieurs hauts gradés militaires, maghrébins et européens,
ont, en effet, précipité sa chute brutale et inattendue», ajoute la même
source.
Toujours selon les investigations conduites par nos confrères d’Algérie Part, Mohamed Kaidi aurait affirmé que «l’Algérie n'a aucunement l’intention d’entreprendre une quelconque action militaire hostile contre son voisin marocain». «En tant que chef du département "Emploi-Préparation" et en sa qualité de représentant de Saïd Chanegriha, Mohamed Kaidi a insisté, lors de cette réunion, sur l’importance d’une politique extérieure de bon voisinage, balayant ainsi d’un revers de main les attaques répétées à l’encontre du Maroc et le langage guerrier tenu par le pouvoir algérien à l’égard de ce pays», souligne la publication.
Dans ses échanges avec ses interlocuteurs
militaires étrangers, Mohamed Kaidi a mis en exergue «la nécessité de
conjuguer et d’intensifier les efforts, dans un esprit de coopération
sécuritaire multilatérale, empreint de réalisme et de franchise entre
les pays membres de l’Initiative».
«Et ce en vue de faire face, de
manière responsable, aux différents défis menaçant notre espace
géographique», a-t-il notamment affirmé.
Sur sa chaîne YouTube, le journaliste et opposant algérien réfugié à Paris, Abdou Semmar explique que le discours de celui qui était considéré comme l’étoile montante de l’armée algérienne a «provoqué un véritable séisme au sein du ministère de la Défense» et a «étonné même les interlocuteurs étrangers».
« Il
s’agit d’un discours qui n’a absolument rien à voir avec la propagande
du pouvoir algérien et son obsession marocophobe », a-t-il souligné,
avant de préciser que c’est «le seul et unique responsable militaire
algérien à avoir utilisé des termes comme "franchise", "coopération",
"bon voisinage" et "réalisme"».
«C’est des notions qui sont complètement
à l’antipode du discours propagandiste des actuels décideurs algériens,
militaires et civils, très hostiles au Maroc et qui ont toujours opté
pour une stratégie de la tension et de l’absolutisme», explique Abdou
Semmar.
«Dans son allocution, Mohamed Kaidi n’a, à aucun moment, évoqué
les mots "hostilité", "violence" ou "différend", qui font partie des
terminologies classiques du régime algérien», a-t-il ajouté, avant de
préciser que «ce genre de discours qui n’a jamais été adopté ni par
l’état-major, ni par la présidence ou aucune autre instance du pouvoir
algérien, représente une rupture radicale avec la politique étrangère
guerrière du régime actuel», ajoute-t-il.
Si le général déchu s’est montré engagé en faveur d’une nouvelle vision moderniste, c’est parce qu’il avait décidé de rompre avec la propagande guerrière de la gérontocratie algérienne. Selon des sources de Algérie Part, «il voulait clairement montrer à ses interlocuteurs étrangers, dont les Marocains, que des courants réformistes existent bel et bien au sein de l’institution militaire algérienne».
Pour le politologue Abdelfattah Naoum, il existe certainement, au sein de l’institution militaire algérien, «des gens sages représentant les voix réprimées et qui sont pleinement conscients de l’image négative renvoyée par l’armée au niveau international et de sa réputation ternie par les nombreuses folies commises par Chengriha et son camp». Selon lui, «ces gens sont souvent chassés du cercle de décision très restreint».
«Pour la junte
algérienne, fidèle à ses vieilles habitudes, tous les moyens, si
abjectes soient-ils, sont bons pour qu’elle liquide ses problèmes "en
interne"», estime M. Naoum dans une déclaration à Libé, avant de
souligner que «l’histoire de l’armée algérienne est, en effet, jalonnée
d’assassinats, d’expulsions et d’exils».
«Ce genre d’agissements n’est
pas nouveau mais remonte à très longtemps, notamment depuis l’époque du
coup d’Etat contre Chadli Bendjedid et de l’assassinat de Mohamed
Boudiaf.
L’armée algérienne a toujours eu recours à ce genre de démarche
parce qu’elle est dirigée par des brigands et des princes de guerre
sans aucun rapport avec le profil des chefs militaires tel qu’il est
consacré dans les Etats modernes», précise-t-il.
Il a également fait
savoir qu’il s’agit «d’une institution militaire disloquée, dominée par
une totale soumission sans commune mesure avec celle afférente à la
hiérarchie militaire telle qu’elle est définie ailleurs».
Abdou Semmar explique dans ce sens que si le discours prononcé par Mohamed Kaidi à l’occasion de cette réunion avec les représentants des pays membres de l’Initiative 5+5 était à l’encontre de la politique étrangère algérienne et des préférences de la junte militaire, c’est parce qu’il a été écrit par Mohamed Kaidi lui-même.
«Il était le porte-parole attitré
de l’état-Major de l’ANP sur la scène internationale parce que c’est
l’un des rares généraux algériens instruits, ouverts sur le monde et
maîtrisant parfaitement plusieurs langues étrangères», souligne-t-il.
«Il voulait cette fois dévoiler sa propre vision des choses et a tenu à
faire savoir que, pour lui, la priorité absolue doit être accordée aux
efforts internationaux et régionaux visant à lutter contre la menace
terroriste et le crime organisé transfrontalier», avance le journaliste
algérien, tout en précisant que l’ex chef du département
"Emploi-Préparation" a également défendu l’idée selon laquelle l’Algérie
devrait s’ouvrir sur le reste du monde et diversifier ses partenaires
comme c’est le cas dans les pays voisins.
Pour sa part, Oualid Kebir, journaliste algérien également exilé, a tenu à rappeler dans son émission «Akhbar Fi Daqiqa», suivie par plusieurs milliers d’internautes, que cette position de Mohamed Kaidi ne constitue pas une première en son genre. «Durant la guerre du Sahara, le général Larbi Belkheir s’était fermement opposé au soutien d’Alger au Polisario», a-t-il noté. «Il est vrai que Mohamed Kaidi n’est pas allé jusqu’à soutenir le Maroc contre le Polisario dans le dossier du Sahara mais ses propos représentent tout de même une vraie rupture avec le discours officiel algérien très hostile au Royaume du Maroc», a-t-il ajouté.
Une propagande qui peine à convaincre et un Hirak qui se redessine.
Après cet incident complètement isolé dans le milieu militaire
algérien, au cours des dernières années, le numéro un de l’ANP, Said
Chengriha qui ne pouvait pas tolérer une opinion différente que la
sienne, a aussitôt tenu une réunion au sommet pour se prononcer sur le
sort de Mohamed Kaidi et a décidé de le relever immédiatement de ses
fonctions et de le remplacer par le général-major Hasnat Belkacem, un
autre bouffon de l’armée algérienne qui a démontré plus d’une fois son
incompétence criante.
Pour Abdelfattah Naoum, «ces récents évènements représentent un indicateur fiable et pertinent de la décadence de la propagande algérienne». «Comment le régime militaro-politique algérien pourra-t-il convaincre la communauté internationale de ce conflit artificiel qu’il essaye de créer pour déclencher une confrontation militaire avec le Maroc, s’il n’est même pas capable de convaincre ses propres militaires de haut rang», s’est demandé cet expert en relations internationales.
«D’ailleurs,
estime-t-il, la communauté internationale, et les organisations
mondiales, ainsi que toutes les institutions que le ministre algérien
des Affaires étrangères a essayé d’interpeller au sujet de la mort de
trois camionneurs algériens n’ont accordé aucune importance à la
question et ont considéré qu’il s’agit d’un scénario monté de toute
pièces qui n’a aucun sens». De l’avis de ce politologue, ce genre
d’incident pourrait avoir un impact direct sur la scène interne de
l’Algérie, notamment sur le l’opinion publique algérienne. «C’est le
genre de situation qui peut parfaitement être l’élément déclencheur
d’une deuxième vague de Hirak», précise M.Naoum.
«Parce que les citoyens
algériens n’en peuvent plus de toutes ces pratiques de l’armée qui
tente d'entraîner le pays dans une guerre gratuite, sans aucune raison
valable, seulement pour dissimuler la vraie crise qui frappe le pays
depuis quelques années. Il s’agit d’une crise de l’Etat, des
institutions et de l’identité qui impacte directement la vie
quotidienne des citoyens», conclut-il.
La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si Mohamed Kaidi passera par la case prison ou lui réserve-t-on un autre sort. En tout cas, lui, aujourd’hui âgé de 60 ans, et d’autres officiers généraux algériens récemment limogés, sont conscients que leur principal ennemi se trouve à Alger et non pas sur leurs frontières de l’ouest. Ils sont surtout terrorisés à l’idée de se retrouver derrière les barreaux comme c’est le cas de plus de 30 généraux qui ont écopé de lourdes peines et croupissent actuellement dans les geôles algériennes, en plus de quelques 150 officiers de haut rang de l’armée et des services sécuritaires. Sans oublier ceux qui ont réussi à s'exfiltrer pour trouver refuge dans certains pays européens.
Les citoyens algériens qui suivent avec inquiétude ces manifestations flagrantes et répétitives de crise qui frappe leur régime de plein fouet n’ont, quant à eux, que les yeux pour pleurer en attendant que le fameux Hirak reprend de plus bel et qu’une deuxième vague de ce mouvement contestataire les libère d’un régime totalitaire et tyrannique, dirigé par des militaires capables de commettre toutes les folies possibles et imaginables pour préserver leurs privilèges et ceux de leurs proches.
Par Mehdi Ouassat
Vendredi 19 Novembre 2021
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