France - Algérie : Pourquoi un tel regain de tensions ?

 

France / Algérie : Pourquoi un tel regain de tensions ?

La crise entre Paris et Alger monte d’un cran avec la fermeture de l’espace aérien algérien aux avions militaires français.

via Associated Press
Comment expliquer les nouvelles tensions diplomatiques entre la France et l'Algérie? (photo d'illustration d'Emmanuel Macron prise le 14 septembre 2021)

POLITIQUE - Nouvelle zone de turbulences. La crise entre Paris et Alger monte d’un cran ce dimanche 3 octobre, avec la fermeture de l’espace aérien algérien aux avions militaires français, au lendemain du rappel de l’ambassadeur algérien à Paris. Mais pourquoi de telles tensions entre deux pays qui doivent bientôt commémorer les 60 ans de la fin de la guerre d’Algérie et son indépendance?

Dans le collimateur des autorités algériennes: des “propos non démentis” d’Emmanuel Macron, retranscrits par Le Monde dans un article samedi. Le journal relate une rencontre deux jours plus tôt entre le président de la République et une vingtaine de jeunes descendants de protagonistes de la Guerre d’Algérie (1954-1962).

Selon le quotidien du soir, le chef de l’État a déclaré qu’après son indépendance en 1962, l’Algérie s’est construite sur “une rente mémorielle”, entretenue par “le système politico-militaire”. Toujours dans des propos cités par Le Monde, il a critiqué “une histoire officielle totalement réécrite” par Alger qui “ne s’appuie pas sur des vérités” mais sur “un discours qui repose sur une haine de la France”.

Macron au centre des critiques

Emmanuel Macron a en outre évoqué la forte réduction des visas pour les Algériens, Marocains et Tunisiens, décidée quelques jours plus tôt, mardi par Paris, qui avait valu à l’ambassadeur de France en Algérie une convocation pour “protestation” des autorités algériennes. Cette réduction des visas ne vise pas les étudiants ni les milieux d’affaires mais “les gens qui sont dans le milieu dirigeant”, a ainsi expliqué le président de la République, cité par journal.

Autre motif d’irritation pour Alger, selon les médias locaux : Quand le chef de l’État décrit le président Abdelmadjid Tebboune comme “pris dans un système très dur” puis ironise sur la façon dont l’Algérie présente, selon lui, les Français comme “les seuls colonisateurs”, oubliant la domination ottomane entre le XVIe et XVIIIe siècles.

Si ce n’est pas la première crise entre les deux pays, la dernière aussi grave remonte à une quinzaine d’années, au 23 février 2005. Le Parlement français avait adopté une loi reconnaissant “le rôle positif de la colonisation”. Malgré son abrogation ultérieure, ce texte avait provoqué l’annulation d’un Traité d’amitié voulu fortement par le président Jacques Chirac et son homologue algérien Abdelaziz Bouteflika. 

Plus récemment, les relations bilatérales ont connu d’autres pics de tension: en mai 2020, l’ambassadeur algérien à Paris, alors Salah Lebdioui, avait été rappelé après la diffusion d’un documentaire par deux chaînes publiques françaises sur les manifestations pro-démocratie (Hirak) en Algérie.

Des relations en dents de scie 

En avril 2021, le Premier ministre français Jean Castex a annulé au dernier moment une visite, à la demande d’Alger, mécontente, selon des sources informées de l’AFP, d’une délégation trop petite à leur goût.

Malgré cela, les relations bilatérales n’étaient pas mauvaises, avant les déclarations d’Emmanuel Macron Macron qualifiées par les médias algériens de “dérapage”. Le président français avait ainsi fait en novembre 2020 l’éloge du président Abdelmadjid Tebboune auprès de la revue Jeune Afrique, ce qui lui avait valu les critiques d’une partie de la diaspora et de la société civile algériennes.   Le chef de l’État français y avait loué le “courage” de son homologue, assurant qu’il allait faire “tout son possible” pour l’aider dans la période de transition après le Hirak.

En juillet 2020, Paris avait fait un geste envers Alger en restituant les crânes de 24 résistants algériens décapités au XIXe siècle lors de révoltes dans le sud de l’Algérie contre l’occupant français. En mars 2020, la France a reconnu pour la première fois que l’avocat algérien Ali Boumendjel, mort en mars 1957, a été torturé et tué par l’armée française lors de la Bataille d’Alger.

La presse algérienne a rappelé aussi samedi que le président de la République jouissait de préjugés favorables pour avoir, pendant sa campagne présidentielle en 2017, qualifié la colonisation de “crime contre l’humanité”, lors d’une visite à Alger.

Une question de mémoire

Mais ce temps paraît désormais bien loin. Les nouvelles difficultés diplomatiques montrent, aujourd’hui, à quel point la question de la mémoire est sensible côté algérien. Les deux pays se sont mis d’accord en 2020 pour confier à des chercheurs des deux rives de la Méditerranée, un travail de mémoire dans une optique de “réconciliation”.

L’historien français Benjamin Stora a remis son rapport en janvier au président de la République préconisant une série d’“actes symboliques” mais “ni excuse ni repentance”. Un document rejeté par Alger un mois plus tard comme “non objectif”, reprochant l’absence de “reconnaissance officielle par la France des crimes de guerre et contre l’humanité perpétrés pendant les 130 années de l’occupation de l’Algérie”.

Samedi, la présidence algérienne a estimé que la dernière position prise par Emmanuel Macron “heurte les principes devant présider à une éventuelle coopération algéro-française en matière de mémoire (et) a l’incorrigible défaut de tendre vers la promotion d’une version apologétique du colonialisme.”

 Source :  Le HuffPost avec AFP

 

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