Les États-Unis ont un plan pour la suite des événements en Afghanistan mais ce n’est pas un plan de paix.

 

Les États-Unis ont un plan pour la suite des événements en Afghanistan mais ce n’est pas un plan de paix.

le 30 Septembre 2021

Secrétaire Antony Blinken @SecBlinken - 1:34 UTC – 31 août 2021

Je veux faire savoir aujourd'hui que le travail de l'Amérique en Afghanistan se poursuit. Nous avons un plan pour la suite, et nous le mettons en œuvre.

Le nom de code du plan que le secrétaire Blinken est en train de mettre en œuvre n’a pas été communiqué officiellement. Il sera probablement appelé « Eternal Revenge » ou quelque chose dans le genre.

Les États-Unis n’ont jamais été bon perdant. Le président Biden et Blinken non plus. Ils vont se venger du tollé que leur évacuation chaotique des troupes et des civils d’Afghanistan a provoqué. Les talibans en seront tenus pour responsables, alors même qu’ils avaient, à la demande des États-Unis, escorté des groupes de citoyens américains jusqu’aux portes de l’aéroport de Kaboul.

On peut anticiper ce que leur plan implique en examinant le processus qui a conduit à la résolution d’hier du Conseil de sécurité de l’ONU sur l’Afghanistan. La résolution complète n’a pas encore été publiée, mais le rapport de l’ONU en donne l’essentiel :

Le Conseil de sécurité exhorte les talibans à assurer un passage sûr hors d'Afghanistan.

Treize des 15 ambassadeurs ont voté en faveur de la résolution, qui exige en outre que l'Afghanistan ne soit pas utilisé comme refuge pour le terrorisme.

Les membres permanents, la Chine et la Russie, se sont abstenus.

Comme la résolution ne fait que « demander instamment », elle est évidemment minimale et non contraignante. Ce n’est pas ce que les États-Unis voulaient obtenir. Ils en voulaient une beaucoup plus forte, assortie de sanctions possibles (voir « tenir les talibans responsables » ci-dessous) si les talibans ne la respectaient pas.

Avant la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, la France et la Grande-Bretagne avaient proposé de créer une « zone de sécurité » à Kaboul. Cette demande a été silencieusement abandonnée, probablement en raison des préoccupations de la Chine et de la Russie concernant la souveraineté de l’Afghanistan.

Le 29 août, Blinken s’était entretenu avec le ministre chinois des affaires étrangères, Wang Yi, au sujet d’une résolution contraignante. Le compte rendu du département d’État sur cet appel a été minimal :

Le secrétaire d'État Antony J. Blinken s'est entretenu aujourd'hui avec le conseiller d'État et ministre des Affaires étrangères de la RPC, Wang Yi, de l'importance pour la communauté internationale de tenir les talibans responsables des engagements publics qu'ils ont pris concernant le passage en toute sécurité et la liberté de voyager des Afghans et des ressortissants étrangers.

Le compte rendu de la Chine révèle que les sujets de discussion ont été beaucoup plus nombreux que cela :

Selon Wang, la situation en Afghanistan a subi des changements fondamentaux, et il est nécessaire que toutes les parties prennent contact avec les talibans et les guident activement.

Les États-Unis, en particulier, doivent collaborer avec la communauté internationale pour fournir à l'Afghanistan l'aide économique, l'aide à la subsistance et l'aide humanitaire dont le pays a besoin de toute urgence, aider la nouvelle structure politique afghane à assurer le fonctionnement normal des institutions gouvernementales, maintenir la sécurité et la stabilité sociales, freiner la dépréciation de la monnaie et l'inflation, et s'engager rapidement sur la voie de la reconstruction pacifique, a-t-il ajouté.

Les États-Unis ont bloqué les réserves de la Banque centrale d’Afghanistan, ont arrêté tout paiement budgétisé à l’Afghanistan et ont ordonné au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale de bloquer leurs programmes pour l’Afghanistan.

Cela paralysera toutes les fonctions de l’État afghan. La Banque mondiale est par exemple actuellement chargée de payer les enseignants et le personnel médical afghans. L’Afghanistan connaît une sécheresse et devra importer de grandes quantités de nourriture. Avec ses avoirs étrangers bloqués, il n’a aucun moyen de le faire.

La Chine est clairement consciente que l’Afghanistan connaîtra une catastrophe humanitaire si les États-Unis poursuivent leur blocus économique.

Il y a aussi le danger du terrorisme auquel les États-Unis n’ont pas su faire face :

Wang a exhorté les États-Unis, sur la base du respect de la souveraineté et de l'indépendance de l'Afghanistan, à prendre des mesures concrètes pour aider l'Afghanistan à lutter contre le terrorisme et la violence, au lieu de pratiquer la politique du deux poids deux mesures ou de combattre le terrorisme de manière sélective.

La partie américaine connaît clairement les causes de la situation chaotique actuelle en Afghanistan, a noté Wang, ajoutant que toute action à entreprendre par le CSNU devrait contribuer à apaiser les tensions au lieu de les intensifier, et contribuer à une transition en douceur de la situation en Afghanistan plutôt qu'à un retour à la tourmente.

La Chine est particulièrement préoccupée par le « Mouvement islamique du Turkestan oriental » (MITO) basé dans l’est de l’Afghanistan, que l’administration Trump avait retiré l’année dernière de sa liste de terroristes, alors que l’organisation continue de cibler la Chine. L’administration Biden n’a fait aucune tentative pour renouveler la désignation terroriste du MITO.

La Russie a les mêmes préoccupations, comme l’a expliqué son représentant permanent, Vassily Nebenzia, après s’être abstenu de voter la résolution :

Nous avons dû le faire parce que les auteurs du projet avaient ignoré nos préoccupations de principe.

Tout d'abord, en dépit du fait que le projet de résolution a été proposé dans le contexte d'une attaque terroriste odieuse, les auteurs ont refusé de mentionner État Islamique et le "Mouvement islamique du Turkestan oriental", des organisations qui sont internationalement reconnues comme terroristes, dans le paragraphe sur le contre-terrorisme. Nous interprétons cela comme une réticence à reconnaître l'évidence et une tendance à diviser les terroristes entre "les nôtres" et "les leurs". Les tentatives de minimiser les menaces émanant de ces groupes sont inacceptables.

Deuxièmement, au cours des négociations, nous avons souligné le caractère inacceptable et les effets négatifs de l'évacuation du personnel afghan hautement qualifié pour la situation socio-économique du pays. S'il subit une "fuite des cerveaux", le pays ne sera pas en mesure d'atteindre les objectifs de développement durable. Ces éléments qui sont vitaux pour le peuple afghan n'ont pas été reflétés dans le texte de la résolution.

Troisièmement, les auteurs n'ont pas tenu compte de notre proposition d'indiquer dans le document les effets négatifs du gel des avoirs financiers afghans sur la situation économique et humanitaire du pays, et de mentionner le fait que l'aide humanitaire à l'Afghanistan doit impérativement respecter les principes directeurs de l'ONU, stipulés dans la résolution 46/182 de l'AGNU.

La première préoccupation mentionnée par Nebenzia reconnait les préoccupations chinoises. La deuxième est basée sur une préoccupation que les talibans avaient soulevée lorsqu’ils ont refusé de prolonger l’évacuation par les États-Unis de la population afghane éduquée. La troisième est la plus importante.

La Russie avait proposé de lever le blocage des avoirs afghans. Les États-Unis ont rejeté cette proposition. Il est donc évident que les États-Unis ont l’intention de les maintenir en place. Ils s’en serviront pour formuler des exigences que les talibans seront incapables de satisfaire.

Dans le même temps, les États-Unis utiliseront les membres de l’ISPK (ISIS-K) et de l’« Alliance du Nord » en Afghanistan pour poursuivre la guerre et rendre impossible toute tentative de gouverner l’Afghanistan de manière fructueuse.

Ils accuseront ensuite les talibans des mauvais résultats.


*Source : Le Saker francophone


Commentaires