Awrach : Attention à l'effet cocotte-minute !
Lancement officiel ce vendredi du programme gouvernemental Awrach pour la création de 250.000 emplois.
Si le gouvernement se targue d'avoir préparé en 58 jours seulement un plan "grandiose" pour garantir "un travail décent", beaucoup de questions demeurent sans réponses par rapport à ce programme cocotte-minute qui risque d'exploser à la fin de sa période d'exécution.
Le gouvernement Akhannouch, représenté par son ministre de l’Intégration économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, Younes Sekkouri, a choisi la province de Mdiq-Fnideq pour donner le coup d’envoi officiel du programme Awrach le vendredi dernier.
Neuf autres provinces sont concernées dans la première phase : El Hajeb, Errachidia, Azilal, Nouaceur, Al Haouz, Figuig, Oued Eddahab, Sidi Kacem et Taroudant, avant la généralisation progressive dans toutes les régions du Royaume.
L’objectif de ce programme est de créer 250.000 emplois entre 2022 et 2023. Pour préparer ce lancement, Sekkouri a présidé mercredi la première réunion du comité de pilotage de ce programme ciblant en particulier les personnes ayant perdu leur emploi suite à la crise sanitaire liée à la Covid-19 et celles en difficulté d’accéder au marché du travail, sans condition d’éligibilité.
Un programme, deux volets
Awrach se compose de deux volets distincts. Le premier porte sur la réalisation de chantiers publics temporaires avec le recrutement de 200.000 personnes, soit 80% des bénéficiaires ciblés. Ces derniers travailleront dans différents projets publics temporaires, notamment l’aménagement d’infrastructures et des chaussées, etc. pour une durée moyenne estimée à six mois. Ils bénéficieront ainsi d’un revenu mensuel au moins égal au salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) soit un salaire mensuel net de 2.638 DH versé par l’État, et déclaré à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Ces travailleurs profiteront également d’un encadrement, dans le but de développer les compétences et aptitudes, outre l’obtention, au terme du chantier, d’un certificat de l’employeur dans le but d’améliorer leurs chances d’intégration ultérieure dans des activités économiques similaires.
Le deuxième volet du programme Awrach concerne l’appui à l’inclusion durable et s’adresse à près de 20% des bénéficiaires soit 50.000 individus. Là, il ne s’agit plus de recrutement, mais de soutien aux entreprises et coopératives ayant souffert de la crise liée à la pandémie de Covid-19. Ces entités qui seront sélectionnées par des comités régionaux seront désormais accompagnées pendant une durée de 18 mois à travers une subvention incitative de 1.500 DH par mois pour chaque personne recrutée et déclarée à la CNSS. Les entités bénéficiaires devront en contrepartie s’engager à intégrer ces nouvelles recrues pour une durée minimum d’au moins 24 mois pour un salaire au moins égal au SMIG.
La CNSS et l’ANAPEC impliquées
Pour verrouiller l’aspect technique de ce programme, une convention a été signée avec le ministère délégué auprès de la ministre de l’Économie et des Finances, avec la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS) et avec l’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences (ANAPEC). C’est le cœur du dispositif opérationnel de ce programme puisqu’il fixe les modalités des décaissements et des dépenses des primes d’emploi. En d’autres termes, l’ANAPEC s’occupera de la supervision des contrats et de l’encadrement des travailleurs, et la CNSS coiffera le volet couverture sociale des bénéficiaires de ce programme. Mais ce qu’il faut savoir c’est qu’aucun organisme public ne se chargera du recrutement de ces travailleurs temporaires. Ce dernier sera assuré par les associations et les coopératives dans le cadre d’un partenariat avec les conseils provinciaux et d’un comité provincial incluant les départements ministériels qui seront chargés d’orienter les chantiers publics au niveau local. «La gestion de ces multiples chantiers se fera à travers un partenariat avec un secteur associatif qualifié qui répond à des critères bien précis à même d’assurer la transparence, sachant que l’employeur sera l’association ou la coopérative», avait précisé le ministre Sekkouri.
Un programme réalisable ?
Avec une enveloppe budgétaire de 2,25 milliards de DH (MMDH) au titre de l’année 2022, le programme Awrach soulève des questions quant à sa réalisation. Un simple calcul permet de déduire que le budget alloué à ce programme est insuffisant à moins qu'il soit complété par une allocation au titre de l'exercice 2023. Rien que pour le paiement des salaires (équivalant au SMIG) de 200.000 personnes pendant six mois, l’État doit débourser plus de 3 MMDH. Où l’exécutif ira-t-il chercher la différence et comment pourra-t-il subventionner les salaires des 50.000 nouvelles recrues des entités bénéficiant du soutien public ? Selon le département dirigé par Sekkouri, les 2,25 MMDH ne concernent que la moitié de l'objectif (125.000 bénéficiaires). Pour le reste, le budget est à fixer ultérieurement.
Et puis des craintes par rapport à la stabilité sociale des bénéficiaires sont soulevées par plusieurs partis d’opposition. Le Mouvement populaire (MP), parti doté d’une base militante large dans le milieu rural, est sceptique quant à l’efficacité de ce programme qualifié de «nouvelle usine à produire du chômeur» à cause de la durée très limitée des contrats de travail. De plus, le parti de l’épi dit craindre «des cas d’exclusion dans le milieu rural». Enfin, que faire en cas de conflit ? Qui peut faire la médiation ? Quelle est la partie apte à trancher dans ce cas de figure ? Le gouvernement doit prévoir une telle éventualité.
Le programme Awrach lancé ce vendredi est loin d’être la solution miracle pour résorber le chômage ou pour stimuler le marché du travail. C’est un plan éphémère d’emplois temporaires qui ressemble à d’autres formules déjà expérimentées au Maroc sous différentes appellations. Le chef du gouvernement et son équipe doivent être plus ingénieux pour concrétiser les promesses électorales et créer 250.000 emplois stables par an. Faute de quoi, ils plongeront le Maroc dans un état de cocotte-minute.
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