Comment évoluent les produits turcs sur le marché marocain ?
Décryptage d'un expert
Les produits turcs n'ont cessé, depuis l'adoption de l'accord du libre-échange entre le Maroc et la Turquie, d'occuper davantage de place sur le marché national et de séduire le consommateur marocain. Mais comment évoluent les produits turcs sur le marché marocain ?
C'est dans ce sens que le président du Centre marocain pour la gouvernance et le management (CMGM), Youssef Guerraoui Filali, nous éclaire, dans un interview accordé à la MAP, sur la compétitivité des produits marocains face aux produits turcs.
Comment jugez-vous la compétitivité économique des produits marocains, notamment dans le secteur de la distribution ?
Youssef Guerraoui Filali: Les
entreprises marocaines se développent de plus en plus dans la
distribution. Je connais plusieurs entreprises familiales et des
sociétés anonymes qui mènent leurs activités conformément aux normes
internationales, tout en préservant la culture marocaine de management,
en l'occurrence le mode bureaucratique et hiérarchique.
Par conséquent, l'amélioration de la compétitivité économique
demeure le nerf de la guerre. Les entreprises nationales doivent être
plus compétitives eu égard à la concurrence internationale. La maîtrise
des coûts de revient et l'amélioration de la qualité sont devenues des
impératifs de survie même et d'expansion.
Certaines entreprises marocaines, de tailles intermédiaire et
grande, ont pu parvenir à réaliser des opérations à l'export de leurs
produits finis, ce qui montre une légère amélioration de la qualité des
produits marocains. En effet, la distribution est un secteur de
consommation quotidienne et domestique par excellence. Il est
susceptible de générer des parts de marchés et des chiffres d’affaires
assez élevés si l’on maîtrise son environnement et si on connaît bien le
comportement du client local. Dans cet ordre d’idées, les entreprises
nationales doivent investir davantage dans la "Data" et le "Marketing"
afin de maîtriser la psychologie d'achat et orienter la consommation
vers l'achat de produits locaux.
Est-ce que la présence des enseignes turques au Maroc constitue un risque concurrentiel pour les distributeurs nationaux ?
YGF: Depuis des années, les enseignes et
produits turques enregistrent des ventes importantes sur le territoire
marocain. Ce qui attire le plus dans cette affaire, c'est le bon rapport
qualité/prix des articles turques vendus au Maroc.
Ce phénomène interpelle l'entreprise marocaine à revoir son
processus de fabrication et de distribution, afin de présenter des
produits compétitifs et aux meilleurs prix au même titre que la
concurrence, qu’elle soit turque ou autre. Le ministère de tutelle
devrait continuer à renforcer les contrôles à l'entrée des frontières
pour lutter contre le "Dumping".
Encore mieux, il est question d'encourager la commercialisation
des produits nationaux et la réouverture des petits commerces et usines
de fabrication, afin de relancer l'activité économique durant la période
post-coronavirus.
Néanmoins, il faut garder à l’esprit que la politique
protectionniste ne permet pas de hausser la compétitivité d'une
économie, donc il faut qu'il y ait un équilibre entre protection du
produit local et libre concurrence.
De ce fait, l’entreprise économique marocaine (TPE, PME,
Auto-entrepreneur, Profession Libérale, etc.), qu’elle soit industrielle
ou commerciale, doit travailler sur son coût de revient pour présenter
des articles à des tarifs compétitifs à la portée du consommateur
marocain.
Est-ce que les produits turcs offrent un rapport qualité/prix meilleur que celui des produits marocains ?
YGF: C'est le cas. Si l'on prend par exemple le
segment textile/habillement, une pièce turque coûte moins chère qu’une
pièce marocaine quand il s’agit de la même qualité. Pour cela, il faut
absolument travailler sur les économies d’échelle et le management de la
qualité, en vue de hausser la compétitivité du produit marocain, en
l’occurrence produire avec la qualité escomptée et avec un coût
compétitif à la portée du citoyen.
La matière première à l’international a flambé eu égard aux
répercussions négatives de la crise sanitaire liée au Covid-19.
L’intervention de l'État demeure essentielle pour encourager la
production de la matière première ici au Maroc et à des coûts
compétitifs, au lieu de recourir systématiquement à l’importation. C'est
ce qu’on appelle la politique de substitution aux importations.Un
travail est mené par le ministère de l’Industrie, pour certaines
filières, mais il va falloir généraliser l’action à l’ensemble des
secteurs productifs, notamment le secteur de la distribution.
Pourquoi le consommateur marocain opte pour les enseignes turques ?
YGF: L’enseigne turque est structurée, organisée de l’intérieur et à proximité du citoyen. Au-delà de la compétitivité économique du produit, ces points forts attirent facilement le consommateur marocain.
Le citoyen est devenu très exigeant. Il cherche un produit le
plus rapidement possible, voire très proche de lui et avec un meilleur
rapport qualité/prix. Les enseignes turques ont été capables de relever
ce défi.
En outre, l’enseigne turque répond de manière très large aux
besoins du consommateur local marocain, en lui offrant pratiquement tous
les articles liés à une filière de distribution (alimentaire,
habillement, mode, accessoires de maison…). La force de frappe des
enseignes turques se manifeste dans la qualité et la compétitivité des
produits, ainsi que l’efficacité du processus de distribution en détail.
Quelles seraient les meilleures mesures à adopter pour
améliorer la compétitivité des produits marocains face à l’invasion des
produits turcs ?
YGF: Au-delà du contrôle douanier à
l’importation, les autorités de la concurrence et le ministère de
tutelle doivent surveiller davantage les opérations de "Dumping" qui
menacent l’entreprise marocaine (ventes et distribution de produits
étrangers turcs à des coûts de revient ou prix vente très inférieures
aux marchés intérieurs marocains).
Aussi, l’entrepreneur marocain doit travailler aussi sur sa
compétitivité financière et commerciale, en cherchant à présenter de
bons produits sur le marché et avec des tarifs à la portée des
marocaines et marocains.
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