Relations Humaines : Les quatre modalités du rapport à autrui.
Il
faut être vrai, franc, et pratiquer un altruisme lucide dans les
relations interpersonnelles.
La lucidité dans l’altruisme, cette
disponibilité éclairée pour l’autre, est le viatique de la sérénité de
l’ami ou de l’amoureux équilibré.
C’est elle qui prévient les illusions
optimistes qui font oublier les pièges et les félonies possibles de
toute autre conscience que soi-même.
Rester lucide, donner avec
sincérité son amitié ou son amour, sans jamais idéaliser quiconque ni
fermer les yeux par candeur. Gare à celui qui ne sait voir les signes de
faussetés qui se dégagent de la prestance réflexe, réflexive et
agissante de l’autre à qui il a affaire.
Si je dis réflexe, c’est parce
que c’est dans les attitudes spontanées (réflexes), que l’homme se met à
nu et se dévoile le plus sincèrement, le plus crûment, bien avant sa
parole ou son acte réfléchis.
Les quatre modalités possibles des rapports humains
Il
est quatre grandes modalités possibles de rapports à autrui:
l’optimisme, le pessimisme, le réalisme et l’altruisme. Ces modalités
relationnelles, jouent en quelque sorte un rôle d’embrayeur dans les
contacts et échanges humains. L’homme ne communique pas que par les
codes linguistiques, physionomiques, tactiles. Ces codes sont en fait
des modes directs de rapport entre humains, car bien avant eux, ce sont
des manières de voir l’autre et de l’envisager comme contact, qui
prédéterminent les sortes de relations qu’entretiennent les hommes.
Le
réalisme et l'altruisme sont des modes de vision d'autrui qui
caractérisent respectivement le prudent précautionneux pouvant aller
jusqu'au froid calculateur égoïste qui n'a que des relations de profit
sans aucun sentiment humain et le sentimental qui aime apprécier autrui,
l'estimer dans son humanité tout en voulant échanger avec lui pour le
meilleur.
Force
est de remarquer que le réaliste en relations humaines - à moins que
son réalisme soit une distanciation observatrice pour bien orienter son
rapport à autrui, ce qui n'est plus du réalisme mais de la prudence qui
ne saurait empêcher l'altruisme - est déjà une sorte de monstre
pessimiste, qui ne voit que ses intérêts même les plus mesquins à
défendre sans se donner aucune chance d'estimer cet autre. Quant à
l'altruiste, il est un optimiste lucide en attente qui croit en l'être
humain et aime le voir s'élever en son humanité.
Optimisme
L’optimisme,
l'orsqu'il est sans balises pour le rendre lucide, consiste en la
perception-conception exagérément enthousiaste de l’humanité. Cette
saisie qui considère l’autre essentiellement bon, est caractérisée par
l’engagement de l’optimiste pour l’amélioration de l’homme perçu comme
n’étant jamais volontairement méchant.
Ainsi, l’optimiste imagine la
possible évolution et transformation en bien de tout humain - même du
plus terrible des criminels endurcis, du plus crapuleux des charognards
de mauvaise foi - selon son étalon mélioratif, sa manière d’exaltation
de l’humanité, quand ce n’est tout simplement de l’angélisme patraque
appliqué à la lecture de la réalité humaine.
Modéré
et dans la sphère du privé, l’optimiste non lucide est une conscience
exposée à de petits déboires amicaux ou amoureux qui finiront par le
corriger de sa sensiblerie. Par contre, lorsqu’il est immodéré, dans la
sphère privée, l’optimiste peut, à force de subir les petites et grandes
monstruosités humaines, devenir à son tour un monstre exécuteur qui
veut par le meurtre et la violence les corriger tous. Un grand batteur
de femme, une vilaine femme castratrice, un tueur qui élimine les impurs
sont des optimistes qui maltraitent, ciblent ceux ou celles considérés
anormaux dérogeant à la bonté normale de l’espèce idéalisée. Dans la
sphère publique et du pouvoir, la romance folle de l’optimiste court
presque toujours à la déception aigrie et coléreuse qui peut facilement
dériver en répression, voire extermination des êtres indignes qui
blessent la vision rose du peuple que l’optimiste au pouvoir instillait
artificiellement à la nature humaine et spécialement aux peuples, avant
d’être au pouvoir. Les cas d’optimismes meurtriers sont légion dans
l’histoire des relations de pouvoir.
C'est un optimisme furibond et
rageur, rendu criminel, qui se reconnaît par toute doctrine publique ou
idéologie étatique d’épuration et de correction tyrannique voire
exterminatrice des tares du peuple ou de la société.
En religion,
l’optimisme meurtrier est même un spectre omniprésent, en filigrane, dès
que les chefs religieux détiennent le pouvoir politique. L’inquisiteur
catholique mais aussi, le taliban, le mollah qui exécute les fidèles
fautifs pour les purifier eux-mêmes ou pour épurer la communauté, sont
des optimistes métaphysiques rendus vils criminels par leur idée
romancée de l’homme qu’il faille forcer par le fer, la corde et le feu
s’il est hérétique ou infidèle, à la conversion ou la réintégration.
Optimisme politique et romance révolutionnaire...
L’optimisme
en politique se vérifie souvent et particulièrement en temps de
révolution. La révolution, toute révolution politique, est un altruisme
propulsé par des leaders qui croient à une amélioration transformante de
l’État, de l’Homme, de la Nation par la reconception refondatrice du
mode d’être de la société. Vision tout à fait louable si elle demeure
lucide. Par contre, le drame du révolutionnaire, c’est quand l’optimisme
débridé subjugue sa raison et dénature l’altruisme qui finit par faire
de lui, un optimiste loufoque, et de la révolution souhaitée, l’horizon
nécessaire du peuple voire du genre humain (en cas d’internationalisme).
Dans une telle occurrence, la contingence imaginée comme nécessité,
omet de mesurer la maturité du peuple pour le changement radical, et va
malencontreusement à l’échec cuisant, au sacrifice inutile voire au
suicide involontaire. Un cas typique d’optimisme révolutionnaire
suicidaire, est celui de Che Guevara. Les conditions de la mort du Che,
parlent d’elles-mêmes! Autre faille de l’optimisme révolutionnaire est
de surestimer les vertus du peuple, ce qui, en certaines conditions,
peut amener à la tyrannie féroce des leaders de la révolution réussie,
qui, dans leur optimisme, leur fiction de pouvoir changer chacun et tous
pour le mieux, massacrent inutilement des gens sans aucune menace pour
la suite et le maintien de la révolution et son processus.
Par
ailleurs, l’optimisme non lucide - hors de tout cadre spécifique
pouvant être politique, religieux, ethnique, métaphysique - même le plus
modéré dans les rapports humains, est passablement maladif, puisque
dans sa passion, il oublie d’être sélectif et ne comprend pas que
l’homme ordinaire de la société, joue avant tout, consciemment ou
inconsciemment, des rôles, des personnages; ce qui implique, qu’il
bascule facilement dans des manières de horde selon les situations, et
qu’être optimiste à son égard, est aussi farfelu, aussi candide que
d’espérer un temps hivernal sans neige au pôle nord !
En amitié,
l’optimisme aveugle est crédulité dangereuse, et en amour, il constitue
souvent le prologue mignard à de grandes déconvenues et des crises de
courroux rageurs.
Car presque toujours de terribles désillusions tapies
dans l’exaltation optimiste, attendent de surgir quand tombe le masque
du farceur gesticulateur, le vil hypocrite d’en face ou tout simplement
lorsque se manifestent les graves faiblesses ou tares que l’autre
portait sans même le savoir.
Pessimisme
Le
pessimisme, conception de déception face à l’homme, abandonne l’espoir
de rien améliorer ou changer de l’être humain, considéré mauvais par
essence ou par déchéance irréversible. Le pessimiste se reconnaît par
son désengagement, sa démission vis-à-vis de l’être humain. Un
pessimiste peut rater de belles et bonnes occasions d’amitié fidèle et à
vie comme le grand amour de son existence.
Fermé à partir des
expériences antérieures néfastes, il fait porter à ses relations, le
fardeau de son passé ou du passé douloureux vu chez d’autres dans leurs
rapports interpersonnels.
Le pessimiste érige le refus systématique de
la moindre ouverture à autrui à qui il ne donne aucune chance de
manifestation de soi, projetant irrationnellement la salissure des
méchants sur tous ceux qu’il côtoie et rencontre, omettant de
correspondre avec circonspection au cas par cas, seul chemin menant à la
minorité décente, parfois carrément excellente dont recèle
heureusement, l’humanité.
Par Camille Loty Malebranche
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