LE NOUVEL ORDRE PSYCHIATIQUE.
L’évolution actuelle de la psychiatrie sert de caution scientiste à une politique néolibérale qui ne cesse de se durcir.
Ainsi la nouvelle loi sécuritaire du 5 juillet 2011 marque un tournant historique en permettant de traiter de force tout trouble du comportement individuel à domicile.
À
l’heure où une politique d’austérité généralisée vient répondre à
l’emballement insensé du système économique, le contrôle social de la
« santé mentale » des populations est ainsi assuré par la peur de la
folie et de l’exclusion. Pour que la psychiatrie publique ne devienne
pas le nouveau ministère de l’Intérieur psychique, ni la police des
comportements, l’auteur nous invite à lutter contre ce nouvel ordre
psychiatrique profondément déshumanisant.
Olivier
Labouret est médecin psychiatre en hôpital public. Il est président de
l’Union syndicale de la psychiatrie, membre de la Ligue des droits de
l’Homme et du conseil scientifique de l’Association pour la taxation des
transactions et l’action citoyenne
—
(Le nouvel ordre psychiatrique, Guerre économique et guerre psychologique, extrait, p. 225-270)
La mondialisation de la perversion narcissique
« Jouir à tout prix » : après Christopher LASCH prophétisant il y a plus de trente ans son avènement, beaucoup d’auteurs se sont penchés, tel Charles MELMAN[9], sur la métamorphose contemporaine de la subjectivité comme perversion narcissique propre au néolibéralisme. Le laisser-faire économique doit lâcher la bride aux pulsions égoïstes des individus, dont la confrontation fera naturellement l’intérêt collectif. Ainsi s’instaure, explique Wendy Brown, la nouvelle gouvernementalité d’une subjectivité calculatrice et rationnelle, autrement dit profiteuse et prédatrice[10].
Une semblable néosubjectivité réalise une économie collective perverse, où la négativité et l’altérité n’ont plus leur place, dans la grande confusion qu’impose le règne de la loi du marché et de la technoscience : voilà la perversion ordinaire, selon Jean-Pierre Lebrun[11].
Cette confusion est précisée par Pierre DARDOT et Christian LAVAL : « Le sujet néolibéral est produit par le dispositif “performance/jouissance” […].
Le double sens d’un discours managérial faisant de la performance un devoir et d’un discours publicitaire faisant de la jouissance un impératif. » [12] Le néolibéralisme nous caresse dans le sens du désir, et c’est ainsi qu’il nous entraîne dans une compétition économique outrancière : Dany-Robert Dufour a montré la parenté qui existe entre les conceptions d’Adam SMITH et celles du marquis de SADE, réduisant l’homme à un objet d’échange, et rappelé la collusion entre le marketing et une conception objectale dévoyée, comportementaliste, de la psychanalyse[13]. On a vu en effet que la propagande marchande a été élaborée aux États-Unis par le neveu de FREUD, Edward BERNAYS, pour lequel elle vise sciemment à exciter les désirs érotiques, faisant ainsi oublier la crise économique par la persuasion psychologique[14].
La cité perverse, c’est ce système économique débridé devenu universel, dans lequel ne compte que la satisfaction pulsionnelle égoïste, au détriment de toute considération altruiste. Historiquement, culturellement, la perversion narcissique est donc consubstantielle du néolibéralisme : ils se nourrissent l’un de l’autre, jusqu’à l’écœurement.
Mais en réalité, pour le seul bénéfice de la loi du marché, le comportement individuel est de plus en plus normé, par une influence propagandiste et bureaucratique à l’origine d’un conformisme pathologique généralisé, vidant la vie sociale de toute confiance, de toute humanité. La fausse liberté d’un désir sans limites vantée par le néolibéralisme est une vraie servitude, où la promesse de la possession matérielle et du bonheur psychologique épuise finalement plus qu’elle n’attire : l’illusion narcissique est profondément mortifère…
Ce paradoxe révèle une société non plus seulement
paranoïaque, mais perverse, où le cynisme est roi : l’ère du mensonge,
où le déni sadique de l’altérité signe inéluctablement la fin de
l’homme.
La personnalité culturelle perverse narcissique contemporaine
Le narcissisme pathologique est un amour de soi excessif, dont la fascination mène d’ailleurs à l’effondrement de soi : Narcisse meurt au bout du compte, captif de son reflet. D’après le DSM-IV, en 1996, les principales caractéristiques diagnostiques de la personnalité narcissique étaient les suivantes : les individus qui en sont atteints ont « un besoin excessif d’être admirés », avec des fantasmes de succès sans limites ; ils « pensent que tout leur est dû » et sont souvent méprisants et jaloux. « Ils ont tendance à nouer des relations […] seulement si cela leur est utile pour atteindre des objectifs », et cela « peut aboutir à l’exploitation consciente ou non des autres » [15].
L’utilité, l’exploitation des ressources humaines au service du succès et des objectifs : on croirait lire un projet de management ! Pourtant, le rapport du Centre d’analyse stratégique sur la santé mentale positive, déjà abondamment cité, définit depuis 2009 la santé mentale comme la capacité à profiter des opportunités pour s’adapter à une situation à laquelle on ne peut rien changer. Mieux : reprenant une définition canadienne, la santé devient « la capacité […] à améliorer notre aptitude à jouir de la vie » [16] !
En profiter, être opportunistes, se conformer et jouir : tout le programme de la perversion narcissique nécessitée par la mondialisation néolibérale est contenu dans ce rapport stratégique gouvernemental, érigeant en modèle de comportement ce qui était auparavant une pathologie, et justifiant la position sadienne ! Pour saisir cette transformation historique, il faut se pencher sur la psychopathologie, dont on a déjà donné quelques aperçus d’inspiration phénoménologique.
La division du sujet par le langage inscrit le manque au cœur de l’existence humaine. C’est dans cet espace symbolique que se noue le désir, comme représentation du manque, et dont le phallus est le signifiant. Mais il manque naturellement à combler le manque : par définition, le désir reste inassouvi, puisqu’il meurt dans son assouvissement. La perversion est le déni de cette impossibilité, de cette vulnérabilité fondamentale de l’être : l’objet n’est plus sainement symbolique, transitionnel, il est fétichisé, incorporé, dans l’illusion que la jouissance phallique puisse annuler la castration, et vaincre le temps[17].
Mais ce faisant, l’objet est
détruit en tant qu’objet propre : la jouissance narcissique entretient
un rapport singulier avec le désespoir, et la possession avec la mort.
Objet chosifié de perversion sadique et/ou sexuelle, l’autre-sujet, en
particulier, est possédé pour être détruit. Purement utilitaire, réduit à
un objet de consommation, une simple marchandise, l’autre n’existe
qu’en tant qu’il me sert, instrument de ma seule jouissance. N’oublions
pas dès lors que le déni se dénie : pour échapper à la destruction par
l’objet qu’elle détruit, la perversion feint de s’en séparer. Elle opère
par clivage, ambivalence, double langage : le mensonge à soi lui est
indispensable, comme la canne l’est à l’aveugle.
Nous sommes tous des pervers polymorphes de naissance, la frustration du désir nous aidant à grandir, mais l’enfant-roi est appelé à régner dorénavant à vie dans un système où l’appropriation de l’objet vient faire taire l’interdit que symbolisait la triangulation œdipienne.
Car c’est la « soustraction de jouissance » [18], ce manque à être fondamental de l’être humain que tente d’éluder, de supprimer vainement, jusqu’au bout, le fétichisme de la marchandise, la possession matérielle, comme métaphore de la possession phallique. Dominer l’autre, posséder plus, comme vaine tentative de suturer la plaie ouverte au cœur de la condition humaine, pourtant constitutive du désir et de toute vie sociale.
Mais pour nier quelque chose, il faut bien en avoir eu conscience préalablement : le sujet néolibéral est un pervers narcissique tellement fasciné par lui-même et ses objets de convoitise qu’il en oublie toute la souffrance dont il sait qu’elle l’entoure et l’imprègne, mais n’en veut rien savoir. De fait, le désir égoïste de s’enrichir du capitalisme spéculatif repose entièrement sur l’illusion autoconvaincante de la réalisation du désir.
La course au profit est une perversion narcissique de la saine existence sociale : il existe un lien dialectique entre psychologie et économie, nouveau trouble de la personnalité et consommation, quête du bonheur et spectre du malheur. Le problème est que ce système pathologique nous aspire tous comme dans un maelström, dans sa fuite éperdue, son déni absolu qui signe aussi sa fin.
DUFOUR comme DEJOURS ont montré comment le néolibéralisme nous
contamine, nous obligeant à adopter un comportement pervers pour espérer
grappiller quelques miettes, ne pas être oublié, éliminé en chemin…
Mais comment fait-il pour nous entraîner dans cette spirale insensée de
la jouissance et de la destruction ?
La propagande marchande par la publicité, comme on l’a vu,
est le principal vecteur de l’autoexcitation narcissique : renouant avec
l’omnipotence des désirs infantiles, elle met tout objet à portée de
possession et de jouissance.
D’ailleurs, les instituts de recherche des motivations ont dépensé des dizaines de millions de dollars dès les années 1950 pour conclure qu’un produit « doit flatter le narcissisme du consommateur, lui apporter de la sécurité émotive, lui assurer qu’il est méritant, l’inscrire dans son époque, lui donner un sentiment de puissance, d’immortalité, d’authenticité et, enfin, de créativité ». De cette façon, conclut Franck MAZOYER, le produit ne sera pas acheté pour son utilité réelle, mais « pour le “manque” qu’il [promet] de combler » [19].
Parmi les médias dominateurs de la propagande marchande, la télévision, plus spécialement, vouée à la réussite et à la séduction individuelle, au culte du corps et de l’argent, est le mode de diffusion privilégié d’une telle autofascination perverse. Elle fait vivre en direct le bonheur sur télécommande, et permet d’éteindre toute contrariété, toute altérité.
Le miroir télévisuel me place ainsi au
centre de l’univers, me faisant admirer et intérioriser imaginairement
le « compte de fées » à la fois mièvre et sordide qu’il renvoie, où tout
sourit aux meilleurs.
Dans sa déclaration tristement célèbre, Patrick Le LAY, le pdg de tf1, affirmant que son métier consistait à vendre le cerveau à la publicité, avait ajouté cette phrase terrible : « La télévision, c’est une activité sans mémoire. » [20] Ainsi préfère-t-on s’enfoncer dans la démence que d’affronter la souffrance et la mort : le mirage publicitaire, « l’emballement d’un narcissisme sur écran » [21], c’est la maladie d’Alzheimer avant l’heure.
Je suis la nouvelle star d’un spectacle sans passé, sans fin et sans limites : le monde se trouve réduit magiquement à être un prolongement de ma seule volonté, de mon seul désir égocentrique. Du voyeurisme au sadisme, cette violence perverse est à la démesure d’une mort présentée comme un jeu, d’une information réduite à un produit publicitaire, où la sensation terrasse la vérité, où l’horreur même n’est plus qu’une distraction. La jouissance immédiate annule ainsi toute profondeur et toute durée, dans l’écran plat d’un monde où tout devient consommable, interchangeable, équivalent, sans suite. La réalité même n’est plus que virtuelle, dissoute dans un morcellement kaléidoscopique dont nulle valeur éthique ne peut plus recoller les morceaux. La télévision et les autres industries culturelles sont finalement « des machines à liquider le soi », conduisant « à la ruine du narcissisme et à la débandade économique et politique » [22].
Et plus je me sens vide, plus j’ai besoin de me remplir en consommant ; plus je perds mon identité, plus j’ai besoin de m’approprier les objets qui m’entourent : la propagande marchande est le dealer d’une toxicomanie de masse avilissante. SZTULMAN confirme qu’elle détruit le principe de réalité : « Il ne me reste que le plaisir, la jouissance illusoire, dangereuse, mortelle du “tout, tout de suite” si bien exploitée par les techniques marchandes. » [23]
Tout
particulièrement, la « paranoïa sociale » de la précarité généralisée
pousse à fuir la mélancolie dans « l’hédonisme de désenchantement qui
consiste à profiter de la vie au maximum » [24].
Nous avons défini ce mouvement d’autoexcitation hyperactive, synchrone d’un temps politique et psychologique de plus en plus rapide, saccadé et superficiel, par les termes de zapping et d’hypnose[25] : ils traduisent mieux que tout autre la destruction contemporaine de toute conscience et de toute temporalité, l’entreprise perverse de déréalisation et de dépersonnalisation à l’œuvre.
Et ce mouvement s’exprime par une ivresse, une exaltation, une fascination devant tous les objets de jouissance dont la fonction est justement de favoriser le déni de la réalité, mouvement que la télévision (et autres objets fétiches technologiques, à l’exemple des téléphones portables ou des jeux vidéo) reproduit continuellement et de plus en plus vite…
La subjectivité narcissique contemporaine, c’est celle de la fuite virevoltante, qui s’accélère et s’éparpille, qui permet d’oublier, comme l’alcool, de s’oublier même, de soi-disant « faire la fête », dans une parfaite et factice communion avec l’objet. Le sujet néolibéral est comme un derviche tourneur : le vertige le conduit à la félicité.
Dans le tourbillon hédoniste de la
consommation, il répète le plus souvent possible la jouissance
orgastique de l’instant. Cette sarabande dans laquelle nous entraîne la
promesse du bonheur consumériste n’est évidemment pas sans signification
psychiatrique. On sait, depuis Eugène MINKOWSKI, que la fuite des idées
du maniaque, qui dépense d’ailleurs sans compter, est une accélération
du temps vécu, qui lui permet de fuir devant la dépression[26].
Toutes les « nouvelles » personnalités impulsives, hystériques, hypomaniaques, addictives, limites, « faux self », hyperactives, émotionnellement labiles, etc., ne sont ainsi vraisemblablement que les écarts infimes d’une norme narcissique largement répandue sinon universelle. Le trouble déficit de l’attention/hyperactivité (tdah), en particulier, traduit la toxicité de ce commerce de l’excitation contemporain dû au « capitalisme pulsionnel » [27], pour lequel les « psychotechnologies » (STIEGLER) ont capté l’attention du spectateur-consommateur, jusqu’à la fixer aujourd’hui neuroscientifiquement dans une causalité génétique.
Car au bout du compte, cette perversion narcissique culturelle contemporaine n’est pas une vue de l’esprit : on est tous entourés de la multitude de ses acteurs symptomatiques, il suffit d’ouvrir les yeux (et même souvent de se regarder dans la glace) ! Des personnes charmeuses, mais caractérielles, ambivalentes, mais exigeantes, sans attaches, mais passives-dépendantes, frivoles, mais convaincues, qui n’en font qu’à leur tête, mais ne dérogent jamais. Fascinées par la mode et par leur corps, elles s’abandonnent avec la constance du papillon au butinage d’une consommation effrénée : télévisuelle et technologique, festive et amoureuse, toxique et alcoolique.
M’as-tu-vu et envieuses, prêtes à tout pour arriver à leurs fins, leur rêve petit-bourgeois est de posséder à leur tour une belle maison avec piscine, la grosse voiture, les vacances dans les îles…
Leur hypersexualité n’a d’égale que
leur insatisfaction : les relations sont multiples, jetables, sans un
regard, sans un regret. Excessives et clivées, puériles et cruelles, ces
personnalités éternellement instables détruisent tout autour d’elles
sans même paraître s’en douter. Jouir sans entrave, et nier toute
contingence : tout est dû, tout est permis. Être le nombril du monde : On le désirerait tous ?
La perversion du pouvoir
Petit ou grand pervers, voici comment le leurre publicitaire et médiatique me piège dans l’illusion du plaisir immédiat et de la prodigalité. Le fétichisme de la consommation ostentatoire et envieuse me donne le sentiment d’exister[28].
Ce faisant, le système néolibéral me compromet, me rend complice de sa décrépitude, et m’embrigade dans sa coupable malignité. À travers ses objets de jouissance qui pénètrent en moi et me font perdre la tête, confirme effectivement Cynthia FLEURY, « le capital s’inscrit dans une morale sadienne. »[29] Comme un vice sans fin, le goût du luxe est indissociable de la luxure : une sexualité accomplie devient le but dévorant de l’existence, alors qu’elle devrait n’en être que le fragile symbole.
Ainsi que le soutient Hervé KEMPF, « l’alliance du sexe et de la télévision, puis d’Internet, est un des outils les plus puissants utilisés par le capitalisme pour aliéner ses sujets. Une économie libidinale sortie de ses gonds est la réponse à la frustration d’individus toujours en manque de biens dans la course ostentatoire » [30].
Je dois prouver que je suis le meilleur, donc
posséder plus que les autres, et posséder les autres. L’imitation et
l’envie sont les ressorts de cette propagation du mythe du succès :
« Les moyens de communication de masse […] donnent pâture aux rêves
narcissiques de gloire et de renommée, encouragent l’homme de la rue à
s’identifier aux gens célèbres, à haïr le “troupeau” et lui rendent
ainsi difficilement tolérable la banalité de l’existence
quotidienne. »[31] Le besoin de puissance, la volonté de dominer sont
contagieux[32] : la grande perversion contemporaine, la chosification de
l’autre érigée en système, c’est cette jouissance autoexcitante
néolibérale devenue générale. Il n’y a pas de limite morale à
l’enrichissement : le culte de l’argent roi domine cet univers de
paillettes et de gloire.
C’est parce que « le millionnaire » est un jeu qui touche des
millions de spectateurs envieux que quelques milliardaires sont laissés
libres de régenter le monde. Même si chacun sait dans le fond, bon sens
populaire en sourdine, que tout ce qui brille n’est pas d’or, et que
l’argent ne fait pas le bonheur…
De la même manière que je m’admire sans fin dans le miroir spéculaire de la télévision et de la consommation, la spéculation financière est l’image du bonheur à venir, sur le malheur des autres.
À ce « jeu de la mort » du libre échange mondialisé, seuls les plus riches s’en sortiront. Car tant pis pour le reste du monde si la réalité de l’éclatement de l’économie mondiale dépasse aujourd’hui la fiction de la bulle des subprime.
« L’absence d’accès à la culpabilité, dimension de l’immaturité et de la perversion narcissique […], explique l’apparent cynisme des dominants »[33] : le pouvoir d’achat de l’oligarchie conforte toujours plus sa volonté de régner sans partage. Chez les grands délinquants financiers, comme l’explique la juge Isabelle PRÉVOST-DESPREZ aux pourfendeurs du « président des riches », le rapport à l’argent « agit comme une drogue, un substitut de puissance qui atrophie la pensée »[34]. Mais cette grande délinquance n’est que la partie visible de l’ultime perversion narcissico-financière, « le devenir-mafieux du capital »[35].
Car c’est bien sans conteste Nicolas SARKOZY qui porte le plus haut l’étendard de la jouissance extraordinaire apportée par le pouvoir et par l’argent. Éternel enfant-symptôme hyperactif, le très médiatique chef des affaires de l’État est le modèle identificatoire idéal du mythe égoïste mondialisé de la possession à tout prix, de l’enrichissement personnel à la portée de tous. « J’aime l’argent, confiait-il quelques mois après son élection fêtée au Fouquet’s avec ses amis du club oligarchique, […] et je n’ai aucun complexe à le revendiquer »[36] : le premier homme de France, celui qui a le mieux réussi, sans aucun doute, n’est jamais que le représentant histrionique, l’incarnation de « la perversion devenue structurelle »[37] du système néolibéral. Chef-manager autoengendré vendant à longueur de discours le mérite, le travail, la performance – il suffit d’y croire –, il veut absolument modeler les Français sur sa morale toute personnelle du capitalisme : « Le monde change à une vitesse stupéfiante […].
Mon devoir c’est de conduire le pays pour qu’il s’adapte à la compétition mondiale. »[38] Mais son devoir n’est certainement pas d’ériger pour ce faire, en pompier-pyromane, sous le discours du Maître de la médiacratie[39], le cynisme en vertu, en multipliant les affaires, les mensonges, les provocations.
La mise en
scène de la politique-spectacle a heureusement ses limites : si l’on
assistait autrefois au lever de Louis XIV, la téléréalité ne va pas
encore jusqu’à nous faire contempler en direct le coucher du
« président-soleil »[40], représentant d’un pétainisme sécuritaire qui
ne vend plus que de la poudre aux yeux. Quant à la chute tout aussi
médiatique du président du fmi, elle confirme que la jouissance
phallique domine le monde, jusqu’à sa débandade finale : la perversion
du système néolibéral mondial ne pouvait pas s’incarner en autre chose
qu’un notoire sex addict, que la présomption d’innocence ne rend pas
moins coupable de plans d’austérité réduisant des peuples entiers à
l’impuissance… Inévitablement, les possédants les plus riches, maîtres
du monde et du cac 40, sont des paranoïaques-pervers phallocrates, qui
se prennent au jeu mortifère du toujours plus, sur le dos de leurs
semblables, méchamment opprimés et déprimés, et en jouissent vraiment.
S’il reste une morale, elle sera toujours plus représentée par une
« soubrette » guinéenne et par Reykjavik que par Warren BUFFETT et Wall
Street…
Il n’y a plus de limite entre le sexe, l’argent, le spectacle et le pouvoir. Ni symbolique, ni temporelle. Car la banalité du mal de la perversion narcissique se propage depuis cinq ans, et de plus en plus vite, dans toute la société : son support est médiatique, son but est de conformer les masses au marché, notamment technologique, pour le plus grand profit de la concurrence. Pour cela, indissociable du discours de propagande que nous avons déjà étudié, la perversion gouvernementale vise à manipuler, à contraindre chaque Français, par la persuasion cognitive et comportementale, de se ranger à cette rationalité néolibérale au pouvoir.
La garde rapprochée des ministres, par le même double langage convaincant que leur maître, diffuse ainsi la bonne parole visant à annuler toute liberté, toute divergence : il n’est question que d’efficience, de compétitivité, d’excellence, de croissance, de modernité… C’est pour cela qu’il faut prendre ses médicaments et ne plus penser, soigner les délinquants et chasser les étrangers !
En faisant la guerre à l’altérité, guerre qu’il fait passer aujourd’hui pour une évidence technique individuelle commandée par la santé et la sécurité, le scientisme médico-industriel au pouvoir se révèle ainsi comme la pire entreprise de perversion totalitaire depuis la barbarie nazie.
Toujours relayée par les institutions étatiques sanitaires, sociales, éducatives, à travers des réformes accélérées détruisant toute éthique et toute solidarité, cette propagande grandiose vise à conditionner par autopersuasion une psychologie normopathique, condamnée à se faire la complice hypocrite d’un durcissement dramatique des pratiques socioprofessionnelles.
Sans avoir à reprendre tout ce que
nous avons appris jusqu’ici, nous devons préciser dans ses grandes
lignes en quoi la subjectivité est ainsi massivement pervertie
aujourd’hui, contrainte d’adapter coûte que coûte son comportement pour
pouvoir « en profiter » de façon plus performante.
La société néolibérale, égocentrique et sadique
La nouvelle culture narcissique néolibérale qui est en train de s’imposer partout est fondamentalement sadique. Dans tous les domaines de la société, sous un double langage propagandiste de plus en plus faux, règne désormais en maître l’égoïsme du profit et de la concurrence le plus sauvage.
Dans le monde du travail et de l’éducation, le déni du réel est devenu complet : pour échapper à la peur imminente de la précarisation et du décrochage, chacun est contraint de s’évaluer toujours mieux pour travailler toujours plus. Typiquement, comme le rappelle Patrick FAUGERAS, la métaphore omnipotente de l’entreprise vise à suturer l’espace entre le signe et le réel, fondateur de la subjectivité[41].
Tout conflit est clos, l’homme est chosifié, réduit à un objet utilitaire, corvéable et jetable à merci : « C’est la gestion kleenex : on prend les gens, on les casse, on les vire. »[42] Au même titre que « le fétichisme de l’évaluation » [43], le verbiage autoconvaincant sur l’amélioration de la qualité et de la performance dénote ce management désubjectivant symptomatique d’une « société malade de la gestion » (GAULEJAC).
La perversion néolibérale a pour mission essentielle de cacher sa profonde mélancolie : sous le discours clinquant et la résignation, pointe une immense souffrance humaine qui ne peut s’extérioriser que par sa médicalisation, ou par des solutions extrêmes : Bien plus qu’on ne feint de le croire, désormais, il faut « travailler à en mourir » [44].
La violence professionnelle est en effet d’autant plus insigne et insupportable qu’elle se déplace et se cache perfidement dans sa déshumanisation managériale, obligeant chaque travailleur à s’emmurer dans le repli agressif de sa normopathie narcissique. Cette « violence innocente » du déni prend ainsi la forme d’une « cruauté ordinaire », orchestrée par une multitude de « pervers envieux », qui attendent que tombe le collègue jalousé parce qu’il s’expose, pour conforter leur propre place, ainsi que l’explique Yves PRIGENT [45].
Christophe DEJOURS montre les mécanismes par lesquels la position perverse est aujourd’hui devenue la règle : elle témoigne « de l’opportunisme défensif de nombreux sujets qui peuvent y recourir lorsque les circonstances extérieures deviennent menaçantes », par la duplicité du « clivage du moi »[46].
Mais comment une telle tromperie
envers soi-même et envers les autres, une telle violence sociale, une
telle guerre psychologique sont-elles possibles ? Pourquoi si peu en
ont-ils conscience et réagissent ?
Parce qu’elles sont massivement niées en étant projetées vers des boucs émissaires, nous le savons désormais. Véhiculée par des médias aux ordres, la perversion sadique se fixe en effet sur des ennemis désignés, tels que l’étranger en situation irrégulière, le terroriste ultragauchiste, le jeune futur délinquant, le pauvre fraudeur, le schizophrène et autre pédophile. Jouir de l’autre et de sa néantisation permet de s’assurer de son être : le fonctionnement pervers est immuable. Cette projection persécutive vise à déplacer magiquement la violence systémique, pour conforter l’organisation socio-économique en place. Soufflant sur les braises de l’angoisse collective, la perversion sécuritaire agit ainsi comme une prophétie autoréalisatrice, générant les passages à l’acte qu’elle prétend ensuite réprimer. Le psychiatre Daniel ZAGURY confirme que c’est au tour du fou dangereux, aujourd’hui, « d’incarner cette peur dont l’État sécuritaire a besoin pour s’autoaffirmer. Tous les pervers le savent : c’est au plus faible qu’il convient de s’attaquer si l’on veut être certain du résultat »[47].
Car au-delà de quelques faits divers, dans la suspicion généralisée qu’introduit la présomption prédictive, c’est l’ensemble de la population qui est en fait dressé comme un seul homme, éduquée à regarder de travers, couper symboliquement la moindre tête qui dépasse.
Cette politique de la peur constitue, selon Alain BAFIOU, « l’ordre pathologique » d’une « terreur d’État à hauteur de la technique », dans la mesure où la technologie numérique et la politique du chiffre transforment désormais la surveillance policière en « terreur virtuelle »[48] : la propagande psychologisante de l’autosurveillance et les nouveaux procédés informatiques de contrôle réalisent un contrôle panoptique qui détruit toute vie privée, et jusqu’à la possibilité même d’oser vivre ou penser différemment. Pour ma protection, je dois désormais accepter un contrôle permanent et occulte de mes moindres faits et gestes : cette injonction paradoxale sécuritaire omnisciente est une atteinte intolérable à ma dignité, à mon intégrité, à mon identité !
On sait par quelle duperie cette politique de terreur qui n’ose pas dire son nom, embrigade la psychiatrie dans sa vaste opération de persécution sociopolitique. Non seulement notre spécialité médicale est appelée à cautionner désormais le contrôle comportemental et médicamenteux à domicile par des « soins sans consentement » dont le caractère paradoxal dénote l’inhumanité, mais elle doit désormais dépister et traiter la « vulnérabilité » comportementale, que celle-ci signe une simple défaillance, n’importe quelle déviance, et même une future délinquance.
Manipulation perverse là encore : en prétendant trouver la cause du trouble des conduites sociales dans un défaut d’autorité parentale qu’il faudrait corriger par des actions comportementalistes, les rapports gouvernementaux se moquent du monde ! Alors même que l’autorité de l’État ne cesse de se défausser sur ses boucs émissaires, et qu’une propagande paternaliste subtile, promue par les neuroéconomistes conseillant l’autorité en question[49], vise à faire croire à chaque individu qu’il est autonome, responsable, en charge de son capital santé – et fait gober cela à quantité de psychiatres, de psychologues et de sociologues[50] !
L’ensemble de la vie socio-économique repose sur cette illusion d’autonomie psychologique, désymbolisation néolibérale ne cessant de s’aggraver à la mesure du renforcement effectif du contrôle sécuritaire qu’elle exerce. Par une perversion d’État : voilà comment l’autorité se dénie comme telle aujourd’hui.
De ce fait, chacun est renvoyé à son obligation de se soigner, autrement dit de se conformer à une norme passant non seulement pour être invulnérable, mais aussi purement personnelle.
La
psychologisation et la médicalisation systématique de l’existence font
participer aujourd’hui la psychiatrie à cette vaste tromperie politique,
ce déni pervers de toute liberté dont les conséquences historiques sont
d’ores et déjà tragiques. Cette barbarie qui a déjà commencé est celle
d’un nouvel ordre individualiste et comportemental commandé par les
nécessités supposées de la compétition néolibérale.
Un narcissisme consumériste de masse, voué à la jouissance immédiate, pour fuir l’épuisement dépressif provoqué par une pression normative extrême : telle est la perversion contemporaine d’un système néolibéral auquel la psychiatrie sert de courroie de transmission scientiste, tout en participant pernicieusement à sa maltraitance organisée.
La raison psychologique m’enjoint à m’adapter sans cesse, à la recherche du contentement et de la combativité promis par la propagande pharmaceutique et professionnelle, tandis que je suis obligé de me plier à des contraintes et à des modes de contrôle de plus en plus nombreux et pesants. L’admiration est le ressort de l’excitation narcissique médiatique et technologique, mais la réalité socioprofessionnelle et politique est tout autre : il faudrait à la fois que je sois performant, motivé, moteur, mais en même temps conciliant, flexible, mobile. Être maître de moi et meilleur que les autres, mais accepter d’être le jouet de décisions arbitraires ; réaliser des objectifs toujours plus ambitieux, mais avec de moins en moins de temps pour cela. Le discours socioprofessionnel ne cesse de pratiquer ce double langage haletant, de peur et de plaisir, de pseudoliberté et de sécurité mêlés, qui m’oblige à louvoyer sans cesse, au gré des circonstances.
Je suis perdu, sous tension, sujet à des écarts d’humeur, tenté par la consommation et le divertissement, mais leur inanité me renvoie toujours plus à ma solitude. Cette ambivalence est éprouvante : me voici lancé dans un manège harassant où je ne suis plus moi-même, mais parasité en permanence, comme vidé.
Ce vide narcissique, c’est la normopathie du faux-soi, qui me protège tant bien que mal du burn out. Mais aujourd’hui, il n’y a pas moyen de s’arrêter, sauf en maladie – on a vu à quel prix !
La course à la performance, « la vitesse stupéfiante » à laquelle change le monde, la « réalité économique » à laquelle « on ne peut rien changer », la vie professionnelle de plus en plus précaire et son management de plus en plus pressant ne nous laissent plus le choix : il faut se faire une raison et suivre le rythme. Telle se produit « la névrose de guerre économique » (DONNET), forme contemporaine d’un « malaise dans la civilisation » auquel nous sommes tenus psychologiquement de nous soumettre.
Dans notre intérêt…, sinon la science psychiatrique est prête à nous asséner que la vulnérabilité et le trouble du comportement sont des maladies que l’on peut prédire génétiquement, prévenir par des programmes neuroscientifiques, soigner sans consentement, et corriger par la neuroéconomie : Ainsi est garanti le conditionnement cognitif de l’adaptation bienheureuse à l’ordre du monde en place. Il n’y a plus d’altération, et plus d’altérité possibles : La santé mentale, pour les stratèges qui nous gouvernent, c’est de profiter et de jouir opportunément !
Le discours scientifique médical et psychologique, se calquant sur la propagande politique, managériale et industrielle, se vide ainsi de toute réalité : instrumentalisée par le pouvoir, la psychiatrie accrédite officiellement le projet néolibéral, de fonder une nouvelle gouvernance psychoéconomique basée sur l’égoïsme du profit et de la concurrence. Que chacun soit à sa place, assignée par le mérite et par l’argent, et participe naturellement à l’enrichissement du monde : la perversion narcissique est la personnalité culturelle du néolibéralisme, qui exige que chacun devienne un manager sans limites à sa manipulation utilitariste du monde et des autres. Dans un système aussi déréglé, lancé dans une folle fuite en avant, car sa croissance est justement caractérisée par l’absence de limite, pur jeu de miroir spéculatif où Narcisse peut s’admirer jusqu’à en mourir, la psychiatrie aura vite fait de nous remonter le moral, comme une vulgaire « droguerie » (La BOÉTIE). Le refuge dans le plaisir immédiat constitue bel et bien le seul déni possible à la profonde démoralisation causée par cette absence totale de perspectives historiques.
À chacun de s’adapter en espérant s’en sortir mieux que les autres, et advienne que pourra ! Dans la France de 2012, cette réalité tragique prend la forme d’une lutte oppressante pour la survie : l’insécurité sociale généralisée et son déni sécuritaire, l’injustice et l’immoralité d’un système économique présenté comme sans alternative, sont trop décourageantes pour nous révolter vraiment. Telle est la terrifiante obligation qui nous est faite aujourd’hui, à chacun d’entre nous, d’adopter cette mentalité opportuniste et compétitive aux dépens de toute santé psychique et de toute éthique démocratique.
Face à un avenir barré, la banalité du mal est conditionnée désormais par une psychiatrie neuroscientifique normative et prédictive qui évoque irrésistiblement la politique d’élimination eugénique menée en Europe il y a moins d’un siècle. Cette résurgence du totalitarisme scientiste rend la sélection d’ores et déjà impitoyable…
—
[1]
D’après le testament politique du Président François Mitterrand paru
dans le livre de Georges-Marc BENAMOU Le Dernier Mitterrand.
[2] Cf. Le ‘pouvoir’, les ‘crises’, la communication paradoxale et « l’effort pour rendre l’autre fou ».
[3] Cf. Pathologie du pouvoir : Psychologie du leader
psychopathe – Question de narcissisme (1/3) ; Pathologie du pouvoir :
Psychologie du leader psychopathe – Narcissisme sain et pathologiques
(2/3) ; Pathologie du pouvoir : Psychologie du leader psychopathe –
Sommes-nous complice ? (3/3).
[4] Paul-Claude RACAMIER, Le génie des origines, Payot, 1992, p. 280.
[5] Paul-Claude RACAMIER, Pensée perverse et décervelage, in
Gruppo, Revue de Psychanalyse Groupale n° 8, p. 137, 1992.
[6] Le récent succès médiatique du concept de pervers
narcissique a suscité une vague de sévères critiques de la part des
professionnels de la santé mentale – ce dont nous reparlerons tantôt –,
mais pour l’heure, je n’en ai pas trouvé une seule qui blâme cette
notion en toute connaissance de cause. C’est-à-dire que tous les
opposants à ce concept n’ont jamais pris le temps de s’informer
correctement sur l’objet de leur critique.
[7] Je le précise ici, sachant pertinemment que même si
j’avais introduit cette remarque dans le texte principal, peu de
lecteurs y auraient prêté attention : aborder le sujet de la perversion
narcissique en donnant au terme de pervers narcissique une acception
nosographique, c’est déjà être en dehors de la théorie. Ce qui revient
en somme à la pervertir, car le mouvement pervers narcissique décrit un
processus, une dynamique ou une force, etc. à l’œuvre dans des
situations conflictuelles, bien plus qu’il ne pose un diagnostic
catégoriel et catégorique. Autrement dit, la théorie de la perversion
narcissique est dimensionnelle et non pas catégorielle (cf. les
précisions apportées en ce sens-là par l’article Pathologie du pouvoir :
Psychologie des leaders psychopathes – Narcissismes sain et
pathologiques).
C’est de cette indistinction entre l’aspect catégoriel et l’aspect dimensionnel des troubles de la personnalité que naissent la plupart des quiproquos entre professionnels de divers courants lorsqu’ils évoquent entre eux les troubles ou les dysfonctionnements mentaux observables.
[8] Conclusion d’un article d’Axel CAPRILES, Pouvoir et
infériorité psychopathique, traduit de l’espagnol par Élisabeth CONESA
pour les Cahiers jungiens de psychanalyse n°131 2010/1.
Axel CAPRILES est Docteur en économie, psychologue, diplômé en
psychologie analytique de l’Institut CG Jung de Zürich, professeur
adjoint à l’Université catholique Andrés Bello, président de la Société
vénézuélienne de psychologie jungienne, directeur de la Fondation CG
JUNG du Venezuela, auteur du Dictionnaire de la corruption au Venezuela
et le complexe de l’argent, essayiste et conférencier pour des revues
spécialisées, etc. ....
[9] C. MELMAN, L’homme sans gravité. Jouir à tout prix, Paris, Denoël, 2005.
[10] W. Brown, Les habits neufs de la politique mondiale, Paris, Les Prairies ordinaires, 2007.
[11] J.-P. LEBRUN, La perversion ordinaire. Vivre ensemble sans autrui, Paris, Denoël, 2008.
[12] P. DARDET, C. LAVAL, La nouvelle raison du monde, Paris, La Découverte, 2009.
[13] D.R. DUFOUR, La cité perverse, Paris, Denoël, 2009.
[14] E. BERNAYS, Propaganda (1928), Paris, La Découverte, 2007.
[15] DSM-IV, Paris, Masson, 1996, p. 772-773.
[16] « La santé mentale, l’affaire de tous », rapport de novembre 2009, p. 43.
[17] La perversion n’a donc pas de sexe.
[18] J.-P. LEBRUN, op. cit.
[19] F. MAZOYER, « Consommateurs sous influence :
l’irrésistible perversion du besoin », Manière de voir, n° 96, décembre
2007-janvier 2008.
[20] AFP, 9 juillet 2004. Ndlr : Patrick Le LAY, PDG de TF1,
qui interrogé parmi d’autres patrons dans un livre Les dirigeants face
au changement (Éditions du Huitième jour) affirma* : « Il y a beaucoup
de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective
“business”, soyons réalistes : à la base, le métier de TF1, c’est
d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit (…).
Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible (…) Rien n’est plus difficile que d’obtenir cette disponibilité.
C’est là que se trouve le changement permanent. Il faut chercher en permanence les programmes qui marchent, suivre les modes, surfer sur les tendances, dans un contexte où l’information s’accélère, se multiplie et se banalise. »
* Dépêche AFP reprise notamment par Libération (10-11/07/04) : « Patrick Le Lay, décerveleur ».
[21] F. CUSSET, « La société écran », Politis, 23 juillet 2009.
[22] B. STIEGLER, « Le désir asphyxié, ou comment l’industrie
culturelle détruit l’individu », Manière de voir, n° 96, janvier 2008.
[23] H. SZTULMAN, Psychanalyse et humanisme, Toulouse, Rue des gestes, 2008, p. 29.
[24] Rhizome, n° 39, juillet 2010.
[25] Roland JACCARD avait employé le terme de « fonction
hypnotique » dès les années 1970 pour décrire l’action de la télévision
qui engourdit, assomme le spectateur « dans la passivité béate de sa
position assise », et désintègre sa relation au monde. Dans L’exil
intérieur, Paris, puf, 1975.
[26] E. MINKOWSKI, Le temps vécu, Paris, Delachaux et Niestlé, 1968.
[27] P. MEIRIEU, « Lettre ouverte au ministre de l’Éducation nationale », 27 décembre 2008.
[28] V. THPRSTEIN, Théorie de la classe des loisirs (1899), Paris, Gallimard, 1970.
[29] C. FLEURY, La fin du courage, Paris, Fayard, 2010, p. 49.
[30] H. KEMPF, Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, Paris, Le Seuil, 2009, p. 62.
[31] C. LASCH, La culture du narcissisme (1979), Paris, Flammarion, 2006, p. 50-51.
[32] Cf. A. ADLER et F. NIETZSCHE, dans T. BRUGVIN, La
psychosociologie de l’individu face aux pouvoirs politiques et
économiques, texte de 2008.
[33] M. PINÇON, M. PINÇON-CHARLOT, Le président des riches.
Enquête sur l’oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy, Paris, La
Découverte, 2010, p. 160.
[34] Ibid., p. 64.
[35] Ars industrialis, manifeste 2010.
[36] Cité par Politis, 8 juillet 2010. Voir aussi Marianne, 23 mars 2010.
[37] Y.-M. BOUTANG, Politis, 2 juin 2011.
[38] « Face à la crise », interview télévisée, 5 février 2009.
[39] C. FLEURY, La fin du courage, Paris, Fayard, 2010.
[40] « La Ligue des droits de l’homme sonne l’alerte », Libération, 6 mai 2008.
[41] Texte intitulé « Le goût du pouvoir ».
[42] C. DEJOURS, lemonde.fr, 16 septembre 2009.
[43] M. DORRA, « Malaise dans la mondialisation », Le Monde, 25 avril 2008.
[44] P. MOREIRA et H. PROLONGEAU, Travailler à en mourir.
Quand le monde de l’entreprise mène au suicide, Paris, Flammarion, 2009.
[45] Y. PRIGENT, La cruauté ordinaire, Desclée de Brouwer, 2003.
[46] C. DEJOURS, Souffrance en France. La banalisation de l’injustice sociale, Paris, Le Seuil, 1998, p. 110.
[47] « La loi sur la psychiatrie est l’indice d’un État qui préfère punir que guérir », lemonde.fr, 22 mars 2011.
[48] A. BADIOU, De quoi Sarkozy est-il le nom ?, Fécamp, Lignes, 2007.
[49] Centre d’Analyse Stratégique, « Nouvelles approches de la
prévention en santé publique », rapport du 16 mars 2010.
[50] Cf. A. EHRENBERG, La société du malaise, Paris, Odile Jacob, 2010.
[51] Cf. Pathologie du pouvoir : Psychologie du leader
psychopathe – Question de narcissisme (1/3) ; Pathologie du pouvoir :
Psychologie du leader psychopathe – Narcissisme sain et pathologiques
(2/3),
Pathologie du pouvoir : Psychologie du leader psychopathe
– Sommes-nous complice ? (3/3)
Par Olivier Labouret
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