Malgré les voeux de Zelensky, le Canada refuse de s’engager sur l’espace aérien.

 

Malgré les voeux de Zelensky, le Canada refuse de s’engager sur l’espace aérien. ...

 Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a prononcé un discours mardi devant une salle des Communes pleine à craquer.

Le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, a demandé aux élus canadiens d’imaginer la ville de Vancouver assiégée par l’armée russe, la Tour du CN à Toronto touchée par des bombes et Montréal tombée aux mains de l’ennemi, dans un discours poignant prononcé devant le Parlement fédéral, mardi. Il en a profité pour implorer le Canada de protéger l’espace aérien de son pays.

« Combien de missiles de croisière devront tomber sur nos villes avant que vous acceptiez [de protéger l’espace aérien] ? » a demandé le président ukrainien aux parlementaires canadiens, réunis spécialement pour l’occasion dans la salle de la Chambre des communes, remplie à craquer, à Ottawa.

Dans un discours d’une douzaine de minutes livré à partir de son bunker et diffusé sur deux écrans géants du parlement, Volodymyr Zelensky a décrit l’invasion russe de son pays comme un effort d’« annihilation » de sa nation. Il a remercié le Canada pour son appui, tout en se désolant que ses alliés lui demandent de « tenir encore un peu plus longtemps » sans lui fournir une aide qui permette de mettre un terme à la guerre.

« Je sais que vous soutenez l’Ukraine. Nous sommes alliés, amis, mais j’aimerais que vous compreniez ce que nous ressentons tous les jours. Nous voulons vivre. Nous voulons gagner. Nous voulons vaincre pour vivre. »

M. Zelensky a interpellé le premier ministre Justin Trudeau par son prénom, le pressant de prendre des sanctions économiques encore plus sévères contre la Russie et d’augmenter son soutien militaire à l’Ukraine. « Nous demandons plus de votre leadership, et vous prions d’en faire plus, Justin. »

 

Le président ukrainien a répété ses accusations de crimes de guerre dirigées contre les forces russes. Il a rappelé « les explosions massives » qui ont terrassé des villes aux quatre coins de son pays au cours des 20 derniers jours. Des aéroports, des écoles et « des garderies » ont été la proie des bombes, tandis qu’à Marioupol, où le bilan des autorités locales fait état d’environ 2500 morts, « il n’y a presque rien à manger, il n’y a plus d’eau », a soupiré M. Zelensky. « Évidemment, je ne souhaite ça à personne, mais c’est la réalité que nous vivons. »

Les invités massés dans les tribunes ont entonné « Slava Oukraïni ! » (« Gloire à l’Ukraine ») durant l’ovation debout de trois minutes qui a suivi le discours.

 

Champion de la démocratie

Le chef d’État ukrainien prend des allures de héros auprès du monde entier depuis le début de l’agression de son pays par sa puissante voisine, la Russie, à la mi-février. Justin Trudeau l’avait personnellement invité à prendre la parole devant les élus lors de son récent voyage en Europe. Les deux hommes se sont parlé plusieurs fois au téléphone ces dernières semaines.

Le premier ministre Trudeau est d’ailleurs le premier à avoir pris la parole, mardi, en présentant Volodymyr Zelensky comme  un « ami », avant de rappeler que le Canada compte la deuxième diaspora d’Ukrainiens au monde, qui totalise près de 1,4 million de résidents.

« Je vous ai toujours perçu comme un champion de la démocratie, et maintenant, ce sont les démocraties du monde qui sont chanceuses de vous avoir comme champion », a déclaré Justin Trudeau. Le président Zelensky l’a accueilli la main sur le cœur, tandis que tous les élus l’applaudissaient debout.

Aucun membre du gouvernement canadien ne s’est toutefois engagé à mobiliser l’aviation militaire pour protéger l’espace aérien de l’Ukraine, comme l’a demandé son président.

« L’objectif est de ne pas déclarer un conflit international, donc une troisième guerre mondiale », a déclaré la ministre fédérale des Affaires étrangères, Mélanie Joly, après l’événement. Elle dit être en « mode créatif » pour pouvoir aider l’Ukraine à s’équiper, mais n’a laissé entendre aucun changement dans sa stratégie, soit d’annoncer presque chaque jour des aides supplémentaires à l’Ukraine et de nouvelles sanctions contre la Russie. Une quinzaine de responsables russes supplémentaires en ont fait les frais, mardi.

Consensus sur l’Ukraine, mais pas sur l’espace aérien

La cheffe intérimaire du Parti conservateur, Candice Bergen, a porté la demande du président ukrainien devant ses collègues au Parlement lors de son propre discours, mardi. « Nous devons en faire plus avec nos alliés pour protéger l’espace aérien de l’Ukraine. » Les conservateurs réclament une « protection minimum » au-dessus des couloirs humanitaires, qui servent à l’évacuation des résidents des villes bombardées.

En entrevue au Devoir, le fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’UQAM, Charles-Philippe David, a dit voir dans le discours de M. Zelensky un moyen de « préparer l’opinion publique » afin que les Canadiens soient « plus favorables » à une intervention plus active du Canada dans ce conflit, « si ça dégrade ».

L’expert estime d’ailleurs lui aussi que le Canada pourrait appuyer la création « d’un pont humanitaire aérien » pour distribuer des vivres par les airs à certaines villes d’Ukraine, comme Kiev. 

Les pays occidentaux pourraient également assurer la surveillance des couloirs humanitaires existants pour en assurer la sécurité, ajoute-t-il. « Entre regarder le spectacle de la boucherie et entrer en guerre contre la Russie, il y a un escalier [de mesures que le Canada peut prendre]. »

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, n’exige pas la mobilisation de l’aviation en Ukraine, sous prétexte que les forces canadiennes sont de niveau « atome BB ».

Tant Mme Bergen que M. Blanchet ont toutefois réclamé mardi plus d’allègements au processus bureaucratique entourant l’accueil de réfugiés ukrainiens au Canada. « On doit accueillir les Ukrainiens qui cherchent un refuge », a aussi souligné le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh.

Le Canada a déjà décrété l’interdiction de toute importation de pétrole russe, a imposé d’importantes sanctions à des proches du régime de Moscou et a bloqué l’accès aux fonds de sa banque centrale, notamment. En parallèle, le pays promet de faciliter l’accueil de réfugiés ukrainiens et aide déjà l’armée locale en envoyant des armes létales, comme des dispositifs antichars.

M. Zelensky s’est adressé à la Chambre des communes britannique la semaine dernière, et devrait répéter l’expérience auprès des élus américains mercredi. Pendant ce temps, l’invasion russe s’intensifie en Ukraine.                                   Trois millions de personnes ont fui le pays jusqu’à présent, et de nouvelles frappes aériennes ont ciblé la capitale, Kiev, hier mardi.

 

 

 

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