Des signes de CO2 sur une planète au-delà de notre système solaire !
Montrant à quel point il peut être précis, le télescope spatial «James-Webb» détecte la première signature définitive de dioxyde de carbone dans l'atmosphère d'une exoplanète.
Dans une démonstration remarquable de sa précision et de son exactitude, le télescope spatial James-Webb (JWST), une collaboration entre la NASA, l'Agence spatiale européenne et l'Agence spatiale canadienne, a capturé des preuves définitives de la présence de dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère d'une planète géante gazeuse en orbite autour d'une étoile semblable au Soleil située à 700 années-lumière.
Le résultat, publié dans Nature, fournit des informations importantes sur la composition et la formation de l'exoplanète et témoigne de la capacité de James-Webb à détecter et à mesurer le CO2 dans les atmosphères plus minces des petites planètes rocheuses. Et au-delà des renseignements recueillis, une meilleure compréhension de ces exoplanètes pourrait permettre de trouver des mondes susceptibles d'abriter une vie extraterrestre.
L'équipe qui a fait cette découverte a obtenu du temps d’observation sur le télescope dans le cadre du programme Early Release Science, qui a été choisi pour récolter certaines des premières données de James-Webb après le début de ses opérations scientifiques, à la fin juin.
Dirigée par Natalie Batalha, de l'Université de Californie à Santa Cruz, l'équipe comprend des astronomes du monde entier, dont Björn Benneke, de l'Université de Montréal, qui est aussi membre de l'Institut de recherche sur les exoplanètes (iREx).
La cible du programme d'observation, WASP-39 b, est une planète géante gazeuse chaude dont la masse représente environ un quart de celle de Jupiter (à peu près la même que Saturne) et dont le diamètre est 1,3 fois supérieur à celui de Jupiter. Sa bouffissure extrême est liée en partie à sa température élevée (environ 900 °C).
Contrairement aux géantes gazeuses plus froides et plus compactes de notre système solaire, WASP-39 b orbite très près de son étoile – à peine un huitième de la distance entre le Soleil et Mercure – et effectue une orbite en un peu plus de quatre jours terrestres.
La découverte de la planète, signalée en 2011, a été faite sur la base de détections au sol de l'atténuation subtile et périodique de la lumière de son étoile hôte lorsque la planète transite, ou passe, devant l'étoile.
Lors d'un transit, une partie de la lumière de l'étoile est complètement bloquée par la planète (ce qui provoque l'atténuation globale de sa lumière) et une autre partie traverse l'atmosphère de la planète. Comme les différents gaz absorbent différentes combinaisons de couleurs, les scientifiques peuvent analyser les petites différences de luminosité à travers diverses longueurs d'onde pour déterminer exactement de quoi est constituée une atmosphère.
Avec sa combinaison d'une atmosphère gonflée et de transits fréquents, WASP-39 b est une cible idéale pour la spectroscopie de transmission. L'équipe a utilisé le spectrographe dans le proche infrarouge de James-Webb (NIRSpec) pour parvenir à cette détection.
Première détection claire de CO2
Ce que l'équipe a vu était extrêmement impressionnant. Un signal significatif – une raie d'absorption – a été détecté à des longueurs d'onde comprises entre 4,1 et 4,6 microns dans l'infrarouge. Il s'agit de la première preuve claire, détaillée et indiscutable de la présence de dioxyde de carbone jamais trouvée sur une planète extérieure au système solaire.
«J'étais absolument époustouflé», a déclaré Björn Benneke, professeur de physique à l'UdeM et membre de l'équipe chargée d’étudier les exoplanètes en transit, qui a travaillé à la conception du programme d'observation et à l'analyse des données du NIRSpec avec ses étudiants des cycles supérieurs Louis-Philippe Coulombe, Caroline Piaulet, Michael Radica et Pierre-Alexis Roy ainsi que le chercheur postdoctoral Jake Taylor.
«Nous avons analysé les données ici, à Montréal, et nous avons vu cette énorme signature du dioxyde de carbone: 26 fois plus forte que tout bruit dans les données. Avant James-Webb, nous devions souvent creuser à travers le bruit, mais là nous avions une signature parfaitement définie. C'est comme voir quelque chose clairement de ses propres yeux», a poursuivi le professeur.
Aucun observatoire n'a jamais mesuré auparavant de différences aussi subtiles dans la luminosité d'autant de couleurs infrarouges individuelles dans le spectre de transmission d'une exoplanète. L'accès à cette partie du spectre, de 3 à 5,5 microns, est crucial pour déterminer l’abondance des gaz comme la vapeur d'eau et le méthane, ainsi que le CO2, qui pourraient exister dans de nombreux types d'exoplanètes.
«La détection d'un signal aussi clair de dioxyde de carbone sur WASP-39 b est de bon augure pour la suite des choses, soit la caractérisation d'atmosphères de planètes plus petites, de taille terrestre», a dit Natalie Batalha, chercheuse principale du programme.
«Sur Terre, a ajouté Björn Benneke, le dioxyde de carbone joue un rôle extrêmement important dans notre climat et nous sommes habitués à voir ses signatures spectroscopiques. Maintenant, nous voyons cette même signature très loin. On peut à présent affirmer que ces exoplanètes sont des mondes aussi réels que la Terre et les planètes de notre système solaire.»
À propos de cette découverte
L’étude «Identification of carbon dioxide in an exoplanet atmosphere», par l'équipe scientifique du JWST Transiting Exoplanet Community Early Release, a été prépubliée en ligne sur le site arXiv le 25 août 2022 et sera publiée le 1er septembre 2022 dans Nature.
À propos de l'iREx
L’Institut de recherche sur les exoplanètes (iREx) rassemble des chercheurs chevronnés et leurs étudiants afin de bénéficier au maximum des grands projets d'observation en cours et à venir, dans le but ultime de trouver de la vie ailleurs. L'Institut se consacre à l'exploration de nouveaux mondes et à la recherche de la vie sur d'autres planètes.
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