Quand l’enseignement privé s’établit sur les ruines de l’école publique !
Pour se démarquer, il s’est forgé son propre modèle.’
Si, au départ, dans les années 80, le secteur de l’enseignement privé était «un peu dans le désordre» et surtout perçu comme une solution alternative pour échapper aux barrières d’accès aux établissements publics, cette perception a connu une évolution dans la mesure où le secteur est devenu le garant d’une meilleure adéquation du couple formation-emploi. D’ailleurs, le taux d’insertion des diplômés des écoles privées est parmi les meilleurs taux d’insertion au Maroc. Le niveau des postes occupés par les diplômés des écoles privées est plus élevé. Certains jugent d’ailleurs que l’essor de l’enseignement privé révèle le désistement partiel de l’Etat.
Le privé veut plus d’étudiants : Avec 190 institutions reconnues, dont 56 proposant une formation médicale-paramédicale, en ingénierie et 130 en marketing et management, la place du privé demeure faible et peu représentative dans le schéma éducatif supérieur national. D’ailleurs sa part ne représente que 5,4% du total. Alors que la charte de l’Éducation et de la formation fixait, comme objectif quantitatif au secteur privé, 20 % des effectifs globaux d’étudiants à l’échéance 2010, il n’a draîné que 7% à l’heure actuelle. En outre, les professionnels estiment que le secteur souffre d’une baisse de presque 20% des inscriptions. Cela n’est pas uniquement le cas des institutions les plus chères dont l’inscription coûte environ 60.000 dirhams par an. Des écoles moins onéreuses (25.000 DH par an) connaissent la même désaffection à cause de l’absence d’une action cohérente des pouvoirs publics pour solvabiliser la demande s’adressant au privé, comme le stipule l’étude récente menée conjointement par le Cesem, (Centre de recherches de HEM) et la Banque mondiale. Les opérateurs préconisent la mise en place d’instruments tels que le système du crédit- étude avantageux, la défiscalisation pour les familles des frais d’études, etc.
Des promesses ont été faites, quand Driss Jettou était à la tête du gouvernement, dans un accord-cadre, mais rien n’a été concrétisé jusqu’à présent. Si au départ les opérateurs du secteur fondaient beaucoup d’espoir sur la loi de 2000, mais leur élan a été compromis après la sortie du décret sur l’accréditation. Alors que l’entreprise marocaine valorise et reconnaît la qualité des diplômés issus des écoles privées, le ministère de tutelle traîne volontairement pour mettre en place et compléter le cadre réglementaire permettant l’équivalence et la reconnaissance des diplômes délivrés par les écoles privées, comme le mentionne l’un des opérateurs.
Défaut de transparence : Sur le plan qualitatif, si les modèles de réussites ne manquent pas dans le privé, les professionnels regrettent l’existence d’une catégorie bas de gamme qui récupère les étudiants n’ayant pas réussi dans le public pour leur vendre des diplômes. L’Etat voudrait continuer, selon, eux à garder la main sur le privé avec un regard sur le contenu, le recrutement et les professeurs, mais c’est l’anarchie. «Il y a des écoles qui se créent aujourd’hui dans des garages sans aucun respect du cahier de normes pédagogique national existant dans un contexte de déficit de transparence », nous confie le directeur d’une école privée de la place. Parmi les opportunités non saisies, l’étude précédemment citée évoque la faiblesse des partenariats public-privé. Même si la loi ouvre la possibilité de la contractualité des formations, très peu d’opérateurs privés ont tissé des relations de partenariat avec l’université pour la formation des formateurs. On est encore loin d’avoir atteint les objectifs de la loi 01-00 qui définit le privé comme un partenaire du public notamment en matière de formation, d’accès à la technologie et de recherche scientifique. «Il faut créer une passerelle entre le privé et le public et renforcer le rôle de l’Etat en ouvrant l’accès aux infrastructures universitaires et généralisant les partenariats public-privé en contrepartie d’avantages fonciers et de crédits », préconise un opérateur.
Partenariats public-privé : L’Etat croit avoir trouvé la solution. Dans le secteur de l’enseignement supérieur, de nouvelles entités ont vu le jour depuis 2011. Il s’agit d’universités privées, fruit d’un engagement entre l’Etat marocain et les investisseurs privés, qui gagnent de plus en plus de terrain. Pour s’imposer, ces nouveaux entrants en nombre de 5 actuellement, ont opté pour une stratégie de différenciation par rapport aux universités publiques et même aux écoles privées. En effet, les universités privées offrent une formation pluridisciplinaire via les facultés. Ainsi les spécialités proposées dépassent largement celles présentes dans les écoles et les universités publiques. Si les écoles privées offrent généralement des spécialités classiques : management, gestion, commerce, les universités privées, elles, élargissent leur champ de formation en intégrant des disciplines telles que la santé, l’aéronautique, l’automobile, les énergies renouvelables…, et aussi la dimension pratique par le rapprochement avec le monde du travail, et l’ouverture à l’international par des partenariats étrangers. Par rapport aux universités publiques, les UP préfèrent la complémentarité plutôt que la concurrence.
Elles restent cependant plus avancées sur le plan technique, pédagogique et administratif. Pour encourager les partenariats entre le public et le privé, le ministère de tutelle entreprend plusieurs démarches visant à créer des pôles technologiques en regroupant plusieurs facultés à l’université de Casablanca qui comprend toutes les disciplines et se place parmi les universités les plus prestigieuses. Il en est de même pour l’université euro-méditerranéenne de Fès ou encore celle de Rabat. Le développement de la recherche scientifique passe par plusieurs partenariats avec des écoles réputées et des entreprises internationales. Par exemple, l’université de Casablanca bénéficie de l’expertise de l’école Centrale de Paris et l’université de Tétouan tire profit de l’assistance du groupe Alstom. D’autres partenariats ont été signés avec des partenaires américains et asiatiques. «On ne peut plus continuer à dire que l’éducation doit être gratuite. C’est un investissement qui doit être financé conjointement par ses bénéficiaires, c’est-à-dire l’État, le milieu professionnel et l’étudiant », déclare un représentant de l’UIC ✱
L’université coûte cher : Selon une étude récente, réalisée conjointement par le Cesem, (Centre de recherches de HEM) et la Banque mondiale, l’université publique « gratuite » coûte en réalité au contribuable une moyenne annuelle de 30.000 dirhams par an et par étudiant, ce montant est très loin des 98.800 DH engagés en moyenne dans l’Union européenne et plus de 105.000 DH par an dans les pays de l’OCDE, selon les statistiques de la Banque mondiale..
Dans l’ensemble un étudiant diplômé coûte, en moyenne 600.000 dirhams à l’Etat. Un étudiant dans les établissements, à accès limité et dans les professions réglementées, reviendrait à un million de dirhams ! En gros, le Royaume consacre 1% du PIB pour la formation supérieure. Toutes les formations n’ont pas la même valeur pour l’Etat. La dépense publique engagée pour une personne inscrite en faculté des sciences juridiques, économiques et sociales (FSJES) atteint 32.100 DH par an, selon les dernières statistiques disponibles. Sur les 195.000 inscrits pour l’année universitaire 2014-2015, le tiers des étudiants se dirige vers cette formation.
Les FSJES accueillent la plus importante population d’étudiants. Le coût de la formation y reste relativement modéré par rapport à d’autres disciplines. Les étudiants en médecine et pharmacie sont les plus chers pour l’Etat. Une année de formation coûte 200.000 DH au contribuable.
La charge est comprise entre 123.000 et 173.000 DH pour un ingénieur et ressort à 140.000 dh pour un étudiant en médecine dentaire.
Archives de Chahid Bendriss
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