Coronavirus : Quel sera l’impact sur la société ? 9 intellectuels y répondent :
C’est notamment le cas de 9 intellectuels et personnalités interrogés par Médias24.
Le philosophe Ali Benmakhlouf par exemple, met en avant la nécessité sanitaire de protection et de prudence tout en refusant de spéculer sur l'avenir du Maroc après cette crise.
Ali Benmakhlouf: "Le confinement, une urgence vitale"
"Selon moi, la rupture avec le passé est désormais une certitude car nous sommes dans une situation d’urgence vitale. Ainsi, le plus important est d’avoir une communication claire vers l’ensemble de la population pour l’adoption de gestes-barrières et éviter la propagation du virus.
"Ces raisons vitales imposent donc une rupture dans notre mode de vie et nos habitudes. Le paradoxe est que les habitudes ont une forme d’inertie telle qu’on y renonce difficilement mais l’urgence vitale impose un arrêt prompt de ces mêmes habitudes.
"Sachant que rien n’attend dans une pandémie, c’est donc là-dessus qu’il faut absolument communiquer. Il ne faut pas se limiter à des signaux ou à des alertes mais passer tout de suite à l’alarme quand il en va de la vie de personnes", recommande Benmakhlouf.
Questionné sur les changements qu’induira cette crise, le penseur refuse de se prononcer sur l’avenir.
"Il est totalement prématuré de se projeter. Le plus important est de se mobiliser sur l’urgence absolue car d’aucune manière, nous ne sommes là pour disserter sur l’après.
"Je ne vous dirai donc rien sur l’après coronavirus car pour moi, chaque heure qui passe compte pour sauver des vies en empêchant les gens de sortir car leurs sorties les menacent et menacent les autres.
"C’est autour de ces menaces qu’il faut communiquer sinon on prend le risque de brouiller le message par des discussions qui peuvent toujours attendre.
"En effet, je pense que vos lecteurs doivent comprendre qu’ils ne doivent plus rencontrer plus de quatre personnes par jour et qu’ils doivent observer une distance physique de 2 mètres. C’est cela qu’il faut marteler car encore une fois, il s’agit de la vie des gens, de danger de mort.
"Quand on est dans l’urgence vitale, les intellectuels sont comme les autres, ils ne doivent pas disserter mais faire prendre conscience d’une nécessité de vigilance et prudence à l’égard des autres.
"Il est donc essentiel de répéter encore et toujours qu’il faut reporter toutes les réunions sauf cas de nécessité absolue. L’heure est grave et je refuse d’en dire plus", nous a expliqué Benmakhlouf.
Nadia Bernoussi: "Revenir aux choses simples de la vie"
Tout aussi touchée, l’éminente constitutionnaliste Nadia Bernoussi nous déclare que cette crise du coronavirus lui inspire d’abord et surtout de la douleur et de la compassion.
"C’est une douleur pour toute la planète et j’ai une pensée émue pour les disparus qui se comptent par milliers. J’ai vraiment l’impression de vivre un cauchemar ou un très mauvais film et j’espère qu’on va finir par se réveiller et que tout finira par revenir à la normale".
"Ceci dit, il faut tirer des leçons et penser à un plan B, à savoir revenir aux choses humaines comme la solidarité, lire et redevenir ami avec soi-même tout en faisant des choses utiles pour les autres.
"Ainsi, à titre personnel, le temps libre offert par le confinement va me permettre de boucler un manuel de droit constitutionnel que me réclamaient mes étudiants.
"De plus, après les privations de cette crise, les gens réapprendront le goût de la vie.
"En effet, on s’est rendu compte d’un formidable élan de solidarité mais aussi que les autorités ont pris des bonnes mesures en jouant leur rôle.
"Sachant que les gens respectent les consignes et que le conseil des oulémas a bien réagi avec la fermeture des mosquées, ces signes montrent que le Maroc devrait sortir grandi de cette crise avec plus de confiance dans leurs institutions et avec le retour d’un lien social qui avait disparu", conclut Bernoussi.
Driss Ksikes : "Un avant et un après"
Après ce cri d’alarme salutaire, l’intellectuel Driss Ksikes nous a déclaré qu’il y aurait un avant et un après-coronavirus.
"En effet, cette crise nous amène à mieux comprendre la très grande interdépendance qu’il y a dans le monde, pas uniquement d'un point de vue environnemental ou climatique, mais également dans les modes de vie qui se transforment.
"Selon moi, c’est une donnée énorme qui résulte du productivisme effréné ainsi que d’une dérive de la mondialisation qui s’appuie sur la religion de la croissance.
"Une crise prévisible"
A ce propos, plusieurs prix Nobel ont depuis 15 ans, tiré la sonnette d’alarme sur les inégalités croissantes et les dérèglements occasionnés par cette tendance.
"Tous les chercheurs qui travaillent sur les écosystèmes et sur la philosophie écologique rappelaient que nous sommes en train de créer les raisons du désastre actuel de notre civilisation.
"Tout cela doit donc nous amener à comprendre que les nouvelles formes de solidarité, en dehors des logiques étatiques et marchandes, sont vraiment fondamentales.
"Comme il devient évident qu’il y a des services publics en lien avec l'humain (santé et éducation) qu’il va falloir absolument sanctuariser.
"Même s’il y a du privé qui y est associé, il faut de la régulation pour ne pas créer de vulnérabilité et des déclassements dans notre société à cause de dépenses remettant en cause la dignité des gens.
FMI, Reagan et Thatcher
"On l’a dit et redit mais aujourd’hui cette pandémie montre que c’est une évidence et qu’on ne pourra plus fonctionner comme avant, car l’Etat se doit d’avoir un rôle protecteur et providentiel.
"Malheureusement, cette dimension a été abandonnée avec la culture de l’autorégulation et même de la dérégulation.
"Ce phénomène n’est d’ailleurs pas à mettre uniquement au passif du FMI mais aussi sur le compte des politiques ultralibérales initiées par Reagan et de Thatcher et devenues des paradigmes indépassables.
"Même les alternatives proposées par des acteurs politiques critiques vis-à-vis de la mondialisation n'ont jamais été suffisamment prises au sérieux. Il va falloir rebattre les cartes à ce sujet.
"Cette question, plus que d’actualité, s’avère être une nécessité mais pas seulement car cette crise a aussi montré le besoin de circuits courts qui réduisent le nombre d’intervenants qui renchérissent le coût de la vie et vivent sur un système vertical basé sur une redistribution inéquitable.
"Aujourd’hui, il convient donc de faire preuve de plus d’humilité et de solidarité", explique Ksikes qui ne pense pas pour autant qu’il soit possible "de décréter le retour de la gauche".
"Ce qui est sûr, c'est que plusieurs questions que la gauche avait du mal à dire clairement et à susciter de l'adhésion autour peuvent devenir avec cette crise plus audibles et pourraient s’imposer.
"En dehors des partis de gauche, il y a d’autres formes alternatives d’expression qui viennent de la démocratie participative, plus que celle représentative. En effet, toutes ces organisations qui sont dans l’action sociale, culturelle et économique apportent des solutions dans la vie quotidienne des démunis et proposent par l'action des voies tierces insuffisamment empruntées par le mainstream.
"A partir de là, il est très probable que les pratiques émergentes vont à l’avenir prendre plus de poids dans l’esprit de nos concitoyens", conclut l’ancien journaliste qui tient à préciser qu’il ne s’exprime pas en tant que membre de la commission spéciale de développement.
Karim Tazi : "Un tournant historique"
Une vision partagée par son collègue à la CSMD, l’industriel et acteur de la société civile Karim Tazi qui évoque un tournant historique inédit et quasi-révolutionnaire dont seule la nature a le secret.
"Je crois que c’est Lénine qui a dit que la guerre était un accélérateur de l’histoire et selon moi, la crise du coronavirus va accélérer l’histoire du Maroc.
"Sachant que depuis 2 ans, il y a une prise de conscience qu’un certain nombre de choses ne pouvaient plus durer, on s’est mis à la recherche d’un nouveau modèle de développement.
Tout le monde va adhérer au modèle de développement
"Avant le coronavirus, ce constat n’était pas vraiment partagé par les Marocains mais depuis l'apparition de l'épidémie, on s’est rendu compte, en observant ce qui se partage sur les réseaux sociaux, que nos concitoyens se sont approprié la notion de modèle alors qu’avant on avait l’impression que ça ne concernait qu’une petite élite déconnectée des réalités.
"A partir de là aujourd’hui, les gens pensent que c’est le coronavirus qui va redéfinir en mieux le modèle et le futur du Maroc", déclare Tazi.
"D’ailleurs, les commentaires les plus fréquents dans les discussions ou sur les réseaux sociaux sont que si l’Etat avait travaillé pour l’intérêt public comme il le fait depuis le début de la crise sanitaire, nous n’aurions pas eu besoin de réfléchir à un nouveau modèle de développement.
"Les gens ont l’impression que pendant très longtemps, l’Etat n’a pas toujours eu comme principale préoccupation la protection des citoyens.
"Certes, il a construit de grandes infrastructures et a maintenu l’ordre mais n’a pas vraiment été mu par l’intérêt général comme il le fait depuis quelques semaines.
Le Maroc a bien géré la situation
"En effet, il faut reconnaître que l’Etat a plutôt bien géré la crise jusqu'à présent.
"Etant présent en tant qu’industriel dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, j'ai pu constater la lenteur et la faiblesse de la réponse de certains états alors qu’au Maroc, les décisions de fermer les frontières et les écoles ont été prises assez rapidement et que les mesures d'accompagnement de l'économie n'ont pas tardé non plus.
"De plus, il faut saluer la décision royale de créer un fonds consacré à la modernisation de l’appareil de santé qui a été largement négligé pendant des décennies.
"Tout cela montre un autre visage de l’Etat qui ressemble à celui qu’on aurait aimé voir avant à savoir un Etat se souciant de sa population qu'il considérait plus comme une contrainte.
Efficacité de la gestion de crise, un choc pour les Marocains
"C'est un vrai choc voire une révolution pour les Marocains de découvrir une administration qui s'active pour les servir et les protéger.
"Ce changement en dit long de la perception que les Marocains ont de leur Etat et des attentes qu'ils ont envers cet Etat et c’est en cela qu’il y aura un avant et un après coronavirus.
"Pour le reste, le Maroc n’est qu’au début de cette crise qui va s’amplifier et s’aggraver et où les conséquences économiques seront bien plus graves que celles liées à la dimension sanitaire.
Nécessité d’une réconciliation nationale
"Mon espoir est que l’Etat se rendra compte qu’il ne pourra mobiliser et galvaniser sa population qu’en allant vers une vraie réconciliation nationale car dans le passé, il s’est fâché avec plusieurs segments de citoyens.
"Ainsi, en 2009 avec la création du PAM, il s’est mis à dos une partie de la classe politique, en 2011, il s’est fâché avec la jeunesse urbaine qui a soutenu le mouvement du 20 février, puis enfin après l’alternance de 2017, avec certaines personnes qui soutenaient Benkirane.
"Sans oublier qu’au fur et à mesure de ces dix dernières années, le ton s’est durci avec la société civile et la liberté d’expression.
"Selon moi, l’Etat depuis dix ans, s’est fâché avec trop de composantes de la société marocaine et il gagnerait à ouvrir une nouvelle page en engageant un processus de réconciliation nationale.
"Cela permettrait de cimenter l'union nationale et créer les conditions favorables pour le déploiement d'un nouveau modèle.
"Envoyer des signaux forts, comme libérer les prisonniers du Rif ou certains journalistes et militants, aiderait à galvaniser toutes les composantes de la société et à la mobiliser pour réparer les dégâts que ce cataclysme risque d'occasionner.
"Nous avons besoin d'un débat public libre et vigoureux pour construire un nouveau Maroc et pour cela, nos concitoyens ne doivent pas avoir peur de s'exprimer. C’est le moment d’effacer le passif et les erreurs qui ont conduit à la perte de confiance de la population envers les institutions.
"Après la crise du coronavirus, le grand défi sera donc de reconstruire un ordre plus juste", conclut Tazi qui parle avec sa casquette d’industriel, d’homme politique et d’associatif et pas avec celle de membre de la commission spéciale sur le modèle de développement.
Mohamed Sghir Janjar: "Une hécatombe invisible"
De son côté, le sociologue Mohamed Janjar nous a déclaré qu’il est difficile de s’exprimer à chaud sans recul sur une crise inédite dans la période contemporaine que vit le Maroc.
"Quand on vit la chose dans le présent, on ne réalise pas tout à fait son impact voire sa réalité. C’est pour cela que je comprends mieux mes lectures sur la peste et les grandes épidémies qu’a connues le Maroc du Moyen-âge au 18ème siècle.
"A leur lecture, on réalise mieux; mais pour ma génération, cette pandémie est une véritable première même si dans le même temps on ne la voit pas. Ce n’est pas ce que décrit Ibn Khaldoun au 14ème siècle où il y avait des milliers de cadavres dans la rue et la moitié de la population décimée.
« Tout cela n’existe plus car il y a désormais une gestion moderne des épidémies. En même temps avec l’effet de la mondialisation, nous suivons la contagion qui a commencé en Chine avant de s’étendre à l’Europe puis à notre pays et cela change notre perception de la géographie et du temps.
L’occasion de ralentir l’agitation moderne
"C’est également un moment où on revient à soi avec le confinement qui nous permet de repenser à tout ça et à voir qu’on a peut-être été trop agité durant les dernières décennies et années.
"En fait, nous n’avions pas réalisé que cette agitation moderne pouvait nous faire passer à côté de l’essentiel et je crois que ce sentiment est de plus en plus partagé par la population mondiale.
"Pour moi, c’est donc le moment de reprendre goût à la lecture et à la réflexion car toutes les bibliothèques sont fermées et tout le monde est confiné à domicile.
"Pour l’humanité et pour les Marocains, c’est peut-être un mal pour un bien. En effet, malgré le triomphe de la démocratie, les gens réalisent que la mondialisation n’est pas aussi paradisiaque qu’elle y parait. Il y a des fondamentaux dans la vie des sociétés qu’il faut repenser aujourd’hui.
"Un peu plus de lenteur, d’humanité et de solidarité sont donc plus que nécessaires car la frénésie numérique, la mobilité et l’ouverture sur la mondialisation ne sont plus la panacée.
"Tout comme de nombreuses personnes, je pense qu’il y aura un après-coronavirus qui sera complètement différent de ce qu’on a vécu auparavant ou jusqu’à aujourd’hui.
Il y a de fortes chances pour que la conscience universelle soit profondément impactée à l’avenir", conclut le sociologue en espérant que la dynamique de changement à venir s’inscrira dans la durée.
Mohamed Tozy : Effondrement des doctrines économiques et politiques
Même son de cloche chez son confrère sociologue Mohamed Tozy qui pense que le monde va changer.
"S’il est sûr qu’il y aura un après-coronavirus, la situation actuelle de confinement nous amène à réfléchir.
"Le fait est que beaucoup d’évidences sont en train de tomber mais on constate surtout que l’homme est devenu un peu insupportable pour la terre qui l’héberge. Le virus ne fait qu’exprimer et conforter cette idée de ras-le-bol.
"Maintenant sur le plan des doctrines politiques, il y a un retour à des concepts plus simples à savoir que l’Etat doit être au centre de la gouvernementalité car l’option de moins d’Etat n’est plus valable.
"On voit bien qu’en cas de crise, l’Etat doit être au rendez-vous sachant que plusieurs Etats développés sont en train de payer chèrement le démantèlement de leurs services publics.
"Idem au niveau économique où on a vu que même les dogmes les plus rigides (équilibres macro-économiques, peu d’inflation ..) appartiennent désormais au passé. Aujourd’hui, ce sont les planches à billets à plein régime dans les pays les plus puissants de la planète naguère opposés à cette option.
"Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir la BCE (banque centrale européenne) qui vient d’annoncer 700 milliards d’euros d’aides en contradiction totale avec l’idée que le marché pouvait s’autoréguler.
L’Etat seul habilité à gérer ce genre de crise
"On voit aussi que ce sont les sentiments primaires (confiance, défiance et peur) qui font fonctionner l’humain et que celui qui fait la balance entre cette animalité primaire qui est en nous et le collectif n’est autre que l’Etat ou une puissance publique qui pense à l’intérêt général dans le cadre d’une solidarité collective.
"Selon moi, plus que des valeurs de gauche, il y a un retour de l’humanisme, des valeurs de partage et de solidarité. Cela doit nous inviter à revenir à la frugalité, l’austérité et la rusticité et en fait penser à l’essentiel qui est la vie tout simplement", conclut Tozi.
Driss Khrouz : "Un mal pour un bien ?"
Questionné à son tour, l’éminent intellectuel Driss Khrouz affirme que le Maroc traverse une crise sans précédent dans son histoire qui permettra peut-être de changer son cours en mieux.
"Ce qui est positif est que cette crise est prise très au sérieux chez nous car les mesures qui ont été prises sont à mon sens adaptées à la gravité de la situation.
"Au niveau individuel et au niveau de l’organisation des collectivités locales et des grands centres urbains, la situation nous appelle à revoir notre relation avec le civisme, le vivre ensemble et l’espace public. En effet, ce n’est plus un luxe de faire attention à soi et aux autres en évitant de sortir.
"Ce moment doit s’accompagner de réflexions sociologiques et anthropologiques mais de la relation avec l’intimité de soi, pour voir comment les citoyens habitués à sortir et à ne pas s’enfermer sauf devant un écran ou pour un dîner vont s’habituer à rester face à soi surtout dans des espaces limités.
"En effet, sortir est désormais dangereux pour soi et pour les autres. C’est aussi un moment où les individus sont appelés à devenir inventifs en particulier les personnes seules et sans moyens.
Nécessité d’aider les plus démunis dont la survie dépend de leur sortie
"Que feront ces populations qui vivent au jour le jour dans la précarité et dont le revenu journalier (et pas mensuel) dépendra de la sortie pour pouvoir rentrer la nuit manger le produit de la journée ?
"Ce problème qui ne se pose pas en termes de charité mais de politique doit être abordé de manière à reconstruire le lien social.
"Sachant que c’est le lien social qui fait une société et que la population va bientôt devoir se confiner, qu’adviendra-t-il de ceux qui sont seuls et vivent dans le périmètre suburbain ou rural ?
"Au moment où le confinement est décrété, il y aura un effondrement des revenus non structurés des personnes non-inscrites à la CNSS et qui n’ont pas d’adresse bancaire", s’inquiète l’économiste de gauche.
La solidarité et l’Etat-providence en question
A la question de savoir si la crise actuelle n’était pas une aubaine pour un grand come-back des partis de la gauche ou au moins de ses valeurs, Khrouz préfère parler de solidarité de l’Etat.
"Il doit y avoir un retour en force des filets de sécurité pour lutter contre les inégalités et instaurer une justice sociale qui permettra de renforcer le lien social.
"A quelque chose malheur est bon car cette crise va permettre de repenser totalement certains services publics comme l’école publique et le système de santé plus que défaillants.
"Le rôle de l’Etat n’est pas de faire uniquement des lois et d’assurer la sécurité mais aussi de garantir le lien social pour que personne ne se sente plus exclu par la précarité et par des mécanismes non institutionnels comme la corruption ou l’économie de rente.
"Il est donc grand temps de repenser les services publics pour que l’ascenseur social puisse re-fonctionner.
"Les valeurs de gauche, ce n’est pas chacun pour soi mais c’est une question d’émergence. En sciences physiques, l’émergence c’est plus que la somme des parties à savoir que 5+5 doit être supérieur à 10", explique l’économiste qui appelle au retour de l’Etat-providence.
"L’Etat-providence est absolument à l’ordre du jour mais dans le sens d’un Etat qui orchestre et régule avec les autres acteurs sociaux, que ce soit une petite commune ou petite association", réclame d’urgence Khrouz qui espère que cette crise servira au moins à rabattre les cartes sociales.
Ali Bouabid: "Rendre hommage à ceux en première ligne"
Tout comme ses pairs intellectuels, Ali Bouabid, délégué général de la fondation Abderrahim Bouabid, nous a livré son sentiment et son analyse de la crise actuelle du coronavirus.
"En premier lieu, dans cette guerre qui s’annonce car il n’y a pas d’autre mots, Il nous faut saluer les soldats qui au front sont exposés en première ligne ; je pense bien sûr et d’abord aux personnels de santé, aux forces de l’ordre, aux éboueurs …;
"Toute la nation à l’unisson leur doit reconnaissance et devra s’en souvenir le moment venu…
"Deuxio, quand le temps des interrogations viendra avec les remises en cause radicales que cette crise inédite suggère ; …nous aurons alors sans doute à mesurer ce que la notion de changement de paradigme, à laquelle nous oblige cette crise, signifie au plus profond …
Gérer l’urgence des plus démunis
"Pour l’heure et dans la séquence actuelle c’est le temps de l’urgence que nous devons gérer …. Il nous faudra des trésors de sang froid pour franchir, avec un minimum de pertes, cette épreuve qui s’annonce redoutable … car il faut se rendre à l’évidence que nous demeurons encore inégaux dans l’exposition face à la menace, et inégaux dans le confinement …
"En dernier lieu, il y a un vrai dilemme du confinement. Plaider pour le confinement consiste à préférer la sécurité à la liberté, c’est la voie de la raison, pour prévenir une catastrophe humanitaire aux conséquences incalculables…
"Mais on voit bien en même temps, que sauf à être dans le déni, derrière les mots de sécurité et de liberté nous ne logeons pas la même chose selon que l’on soit ou non à l’abri du besoin, et que nos espaces de vie sont incomparables.
"Si l’enjeu est bien vital dans les deux situations, il l’est donc de manière très différente. La sécurité est d’abord alimentaire pour celles et ceux qui, au jour le jour, doivent trouver de quoi subvenir à l’essentiel, quand pour d’autres elle est avant tout préventive.
"La voie de la raison bute donc contre le réel d’une inégalité face à la perspective du confinement qui ne peut être évacuée, et qui doit être traitée, sauf à ajouter à la crise le chaos. Le dilemme et extraordinairement complexe à trancher. Mais il nous faut y répondre et très vite", conclut Bouabid.
"Le Maroc sera complètement transformé"
Pour l’ancien salafiste Abdelwahab Rafiki, alias Abou Haffs, la peur des nombreux morts que va entrainer cette crise sanitaire ne doit pas nous empêcher de revenir à l’essentiel.
"Cette pandémie est effrayante car tout le monde craint pour la vie de ses proches. Cette crainte doit nous pousser à redoubler de précautions en restant enfermés à la maison. Selon moi, il faut faire preuve de responsabilité et ne pas banaliser l’épreuve que nous sommes en train de traverser.
"Ceci dit, elle nous a permis de développer une solidarité extraordinaire au Maroc et il faut saluer le travail des autorités qui a été plus qu’exemplaire et qui a changé la perception des citoyens.
"A terme, je pense que nous allons surmonter cette crise. Alors certes, il y aura des morts mais la bonne nouvelle est qu’elle va permettre de transformer toute notre société en la rendant plus responsable", conclut Rafiki.
Nota: Par les temps qui courent, l’auteur de cet article ne tenant pas à être taxé de macho tient expressément à préciser qu’hormis l’éminente Nadia Bernoussi, aucune de ses interlocutrices habituelles qu’il a tenté de contacter n’était disponible ou joignable au moment de sa rédaction.
Merci à la DGSN à qui nous avons emprunté la photo qui illustre cet article DGSN MAROC✔@DGSN_MAROC
#Covid_19 #حالة_الطوارئ_الصحية : صور توثق لتجاوب كبير لسكان مدينة الرباط مع التدابير الوقائية والإجراءات الحمائية لمنع انتشار #وباء_كورونا_المستجد.
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Merci de commenter nos articles