Israël : le procès de Netanyahou ajourné après une heure d'audience


Israël : Le procès de Netanyahou ajourné après une heure d'audience
Jugé dans trois affaires, le Premier ministre israélien a déclaré en arrivant au tribunal qu'il se présentait à la justice « la tête haute ». 

Source AFP
Benyamin Netanyahou s'est présenté masqué au tribunal de Jérusalem. © RONEN ZVULUN / POOL / AFP
Une heure après l'ouverture de l'audience, le procès pour corruption du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a été ajourné dimanche 24 mai. Ses avocats ont demandé plusieurs mois pour étudier les diverses preuves retenues contre le chef du gouvernement. 

Le parquet, lui, avait demandé à ce que les témoins soient rapidement entendus. Les trois juges ont donc décidé de prendre du temps pour étudier ces demandes et ont ajourné la séance, sans donner de nouvelles dates pour la reprise des audiences

Quelques heures plus tôt, Benyamin Netanyahou a fait son entrée dans le tribunal de Jérusalem après avoir déclaré : « Je me présente à vous le dos droit et la tête haute. » Il a aussi dénoncé des charges « ridicules » de corruption, abus de confiance et malversation qui pèsent contre lui. « J'ai demandé à ce que tout soit diffusé en direct afin que le public puisse tout entendre (directement) et non via le filtre des journalistes (à la solde) du procureur général », a-t-il aussi déclaré accusant une partie de la presse de partialité. Dans la salle d'audience, le Premier ministre a indiqué comprendre la nature des charges contre lui. C'est la première fois dans l'histoire d'Israël qu'un chef de gouvernement doit faire face à des accusations criminelles, de corruption, au cours de son mandat.


Des cigares, du champagne, des bijoux...
Benyamin Netanyahou est un habitué des premières. Premier chef de gouvernement de l'histoire d'Israël né après la création du pays, plus pérenne des Premiers ministres israéliens, plus farouche adversaire de l'Iran… Mais il se serait bien passé de celle-ci. Avant lui, Ehud Olmert, ancienne étoile du Likoud, son parti, avait déjà été inculpé pour corruption, mais après avoir démissionné de son mandat de Premier ministre. Olmert avait été reconnu coupable d'avoir touché des pots-de-vin avant de croupir seize mois en prison.

Un scénario que cherche à éviter Benyamin Netanyahou, 70 ans, accusé d'avoir reçu pour 700 000 shekels (180 000 euros) de cigares, champagne et bijoux de la part de personnalités richissimes en échange de faveurs financières ou personnelles.


Un jugement pour trois affaires
Selon les enquêteurs, Benyamin Netanyahou aurait aussi tenté de s'assurer une couverture favorable par le plus grand quotidien payant d'Israël, le Yediot Aharonot. Et surtout, la justice le soupçonne d'avoir accordé des faveurs gouvernementales qui pourraient avoir rapporté des millions de dollars au patron de la société israélienne de télécommunications Bezeq en échange d'une couverture médiatique favorable d'un des médias du groupe, l'influent site Walla.

Des trois affaires pour lesquelles Benyamin Netanyahou sera jugé, c'est cette dernière qui est la plus explosive, mais peut-être aussi la plus complexe. « Dans les cas classiques de corruption, tout tourne autour de l'argent […], mais là il s'agit de corruption pour obtenir une couverture de presse favorable. C'est sans précédent », note Amir Fuchs, chercheur à l'Institut démocratique d'Israël, centre de recherche à Jérusalem. Comment prouver des faveurs médiatiques ? « Ce n'est pas simplement offrir une couverture favorable [à Netanyahou], avoir dit de bonnes choses à son propos […], mais lui accorder un contrôle éditorial total sur les textes et les photos spécifiques », ajoute-t-il.

Après des mois de suspense, le procureur général Avichaï Mandelblit a inculpé Benyamin Netanyahou en novembre 2019, ce qui avait été considéré alors comme un « arrêt de mort politique » par ses détracteurs. Mais « Bibi », comme le surnomment les Israéliens, a réussi à se maintenir à la tête de son parti, à terminer en première place aux dernières législatives, à négocier un accord de partage de pouvoir avec son rival Benny Gantz et, ainsi, à rester Premier ministre.


Plusieurs années de procès ?
Son procès devait s'ouvrir mi-mars, mais la pandémie de Covid-19 a reporté l'échéance au 24 mai. Les avocats de Benyamin Netanyahou avaient demandé qu'il n'ait pas à se présenter à l'ouverture dimanche après-midi d'un procès qui pourrait s'étirer sur plusieurs mois, voire des années en incluant de possibles appels. 

Mais le tribunal a confirmé ces derniers jours que le Premier ministre devait être présent à l'audience, même si celle-ci reste technique, avec au programme la lecture des actes d'accusation. « Une personne ne peut être jugée pour des allégations criminelles qu'en sa présence », ont insisté les magistrats.

En Israël, le Premier ministre ne dispose d'aucune immunité judiciaire mais, à la différence des autres élus et des fonctionnaires, il n'a pas à démissionner ou à se retirer le temps de son procès. 

Pour Yuval Shany, professeur de droit à l'université hébraïque de Jérusalem, Benyamin Netanyahou se retrouvera en « conflit d'intérêts », car il est à la fois « chef du gouvernement et donc responsable d'un nombre important de décisions pouvant affecter la vie des gens » et « accusé en lutte contre les institutions gouvernementales qui le poursuivent ».

Il serait donc dans la position de diriger un gouvernement mais aussi de l'affaiblir, d'où la question pour la population de savoir si ses décisions seront prises dans l'intérêt du pays ou dans celui d'un Premier ministre inculpé, relève Yuval Shany.

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