"Arrêtez de parler du cancer comme d'une guerre à gagner"
Xeni Jardin, journaliste américaine, a survécu au cancer. Mais elle n'aime pas qu'on dise qu'elle s'est battue contre lui.
La
semaine dernière, les Américains ont appris que John McCain, 80 ans,
sénateur de l'Arizona, ancien pilote prisonnier de guerre au Vietnam,
candidat à la présidentielle de 2008, était atteint d'un cancer.
Une
tumeur maligne, un glioblastome découvert presque par hasard après une
intervention pour retirer un caillot de sang au-dessus de son œil
gauche. Le sénateur va entrer en chimiothérapie ou radiothérapie. C'est
un long processus qui commence pour lui.Les réactions bienveillantes ne se sont pas faites attendre. Barack Obama dit que John McCain est un héros américain, l'un des combattants les plus courageux qu'il ait connu et :
"Ce cancer ne sait pas à qui il a à faire. Faites lui vivre un enfer, John. "
Sur les réseaux sociaux une foule de messages touchés invitent le sénateur à se battre, l'accompagnant dans cette "guerre", ce "combat".Où il est question de corps, d'esprit et du rapport d'un patient à sa propre maladie.
"Je suis une survivante du cancer, et depuis le jour de mon diagnostic, c'était étrange de m'entendre dire :
"Tu vas battre ce truc."
"Tu as eu ce truc."
"Tu vas gagner cette bataille."
"Le cancer n'est pas aussi fort que toi."
"Tu as une attitude positive et tu es une battante, donc je sais que tu vas bien aller vite."
"Ça va aller."
Les étrangers et les amis qui m'aimaient me disaient ces choses là aussi. Je sais qu'ils ne pensaient pas à mal. Comme eux, j'ai grandi en voyant le cancer comme un combat, quelque chose qu'on peut "battre", si on a assez de "force" en soi."
Suis-je le soldat ou un otage ?
Pour expliquer plus précisément son malaise, la journaliste redessine les contours de sa maladie."Le cancer, je l'ai vite appris, est un pétage de plombs de mes propres cellules. Soudainement tout le champs lexical devient donc confus. Suis-je l'armée envahissante ou le champs de bataille ? Suis-je le soldat ou un otage que le soldat essaye de libérer ? Suis-je tout cela à la fois ? Et si la chimiothérapie, la radiothérapie, la chirurgie et les médicaments ne fonctionnent pas, et que je meurs, les gens seront-ils déçus par moi parce que je ne me serais pas "battue" assez fort ?
Pour moi, le cancer n'a jamais été une guerre. Le cancer n'était pas quelque chose que "j'avais", mais un processus par lequel mon corps passait."
Xeni Jardin rappelle l'évidence : certains corps réagissent bien aux traitements, d'autres non. Parler de combats, de bataille, c'est introduire de la volonté sur de l'aléatoire.D'autant qu'une grande partie des cancers arrivent par hasard. Elle évoque ses amis morts. Elle ne les a pas trouvés moins volontaires qu'elle.
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