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Complot contre l'autrice Masih Alinejad : Une Américaine condamnée
Le ministère de la Justice américain a annoncé, le 7 avril, la condamnation d'une citoyenne californienne originaire d'Iran. Elle écope de 4 ans de prison, suivis de 3 ans de liberté surveillée, pour avoir apporté son soutien financier à un projet d’enlèvement de Masih Alinejad, journaliste, autrice et militante américaine, critique du régime iranien.
Niloufar Bahadorifar a plaidé coupable le 15 décembre 2022 devant la juge Ronnie Abrams, qui a prononcé la peine. Elle est passée devant la justice au titre de plusieurs chefs d’accusation. Depuis 2015, elle fournissait des services financiers au gouvernement iranien.
De plus, à partir de 2019, Niloufar Bahadorifar a blanchi plus de 476.100 $ sur des comptes étasuniens. Afin que les autorités financières américaines ne la repèrent pas, elle déposait son argent en petites coupures, d’une valeur inférieure à 10.000 $ chacune. Elle a réalisé cette opération plus de 120 fois, d'après les éléments de l'enquête.
Le communiqué du ministère de la Justice ajoute que Bahadorifar a « payé un détective privé pour surveiller la victime [...]. La transaction dissimulait l'identité des personnes qui avaient engagé ce professionnel. Il ignorait travailler pour les services de renseignement iraniens. »
L’IEEPA (International Emergency Powers Act), adoptée en 1977, permet aux présidents américains d’agir unilatéralement à l’encontre d’un pays donné en cas d’urgence nationale. Cette loi interdit aux ressortissants américains d’exporter des services, y compris financiers et bancaires, vers l’Iran ou le régime iranien sans une licence délivrée par l’Office of Foreign Assets Control (« OFAC ») du département du Trésor des États-Unis.
Une tentative d’enlèvement ratée
Niloufar Bahadorifar a été inculpée pour la première fois en juillet 2021 aux côtés de quatre autres ressortissants iraniens. Selon un document du tribunal fédéral de New York, Alireza Shavaroghi Farahani (alias Vezerat Salimi et Haj Ali), 50 ans, Mahmoud Khazein, 42 ans, Kiya Sadeghi, 35 ans, et Omid Noori, 45 ans, ont organisé ensemble cette attaque contre la journaliste.
Ils sont coupables de complot lié à l’enlèvement, violation des sanctions, fraude bancaire et blanchiment d’argent. Basés en Iran, ils sont toujours en fuite, selon les autorités américaines.
"Je n’étais pas au courant"
La cinquième personne, Niloufar Bahadorifar, n’est pas accusée d’avoir participé à la tentative d’enlèvement, ni d’en avoir été informée. Elle a affirmé, au tribunal : « À Mme Alinejad, c’est une humiliation d’avoir été impliquée dans un quelconque projet visant à vous nuire, même si je n’étais pas au courant. Vous êtes une héroïne pour tous les Iraniens. », relaie le média Al Monitor. Les avocats ont fait valoir, pour sa défense, qu’elle était une complice involontaire.
Damian Williams, procureur du district sud de New York, n’est pas de cet avis. Il avance que sans participer directement à ce complot, elle savait qu'elle traitait avec une personne affiliée aux services de renseignements iraniens. Elle a donc agi en son nom.
L'autrice Masih Alinejad a par ailleurs déclaré à CNN : « J’ai dit au tribunal fédéral qu’il était inconcevable que quelqu’un puisse prétendre ne pas être au courant de la nature maléfique de la République islamique ».
Niloufar Bahadorifar a délibérément violé les sanctions et a sciemment fourni un soutien financier aux services de renseignement iranien qui ont participé à un complot.
Celui-ci visait une militante iranienne des droits humains vivant aux États-Unis, que le gouvernement iranien cherche à réduire au silence depuis des années. Aider des gouvernements étrangers malveillants en violant les sanctions peut avoir des conséquences dévastatrices.
- Damian Williams, communiqué du ministère de la Justice suite à la condamnation
Une pluie d'attaques
Masih Alinejad est l’une des cibles du gouvernement iranien depuis plusieurs années. En 2022, des agents de la police de New York avaient ainsi arrêté Khalid Mehdiyev à proximité du domicile de l'autrice, exilée aux États-Unis depuis plusieurs années.
L’homme circulait en voiture près du domicile de la journaliste à Brooklyn. Il possédait un « fusil d’assaut Norinco de type AK-47... chargé avec une balle dans la chambre et un chargeur attaché, ainsi qu’un second séparé, et un total d’environ 66 cartouches ».
Le média CNN ajoute qu’un porte-parole du siège iranien avait annoncé en juillet de la même année, que toute personne envoyant à la journaliste des vidéos qui concernant le port du hijab serait passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison. Elle s’applique aussi à ceux qui commettent d’autres activités jugées « antigouvernementales ».
Le régime a également forcé des femmes à dénoncer publiquement le travail de leur porte-parole. Le frère de cette dernière est emprisonné et sa sœur a été contrainte de passer à la télévision pour la désavouer.
"Le silence de l’Occident"
En 2020, Masih Alinejad écrivait dans les colonnes de The Washington Post :
Il y a quelques jours, je me suis réveillée chez moi à Brooklyn en apprenant que le gouvernement iranien avait lancé une campagne sur les réseaux sociaux pour réclamer mon enlèvement. Jame-Jam, le principal journal du pays, a averti : « Masih ! Soyez prête ! Vous êtes la prochaine à être kidnappée ». Ebrahim Rezaei, chef adjoint du Comité judiciaire au parlement, a exhorté les services de renseignement à s’en occuper. Des photos truquées me montraient face à mes interrogateurs en hijab et menottes.
La veille du début de la campagne actuelle contre moi, les autorités de Téhéran ont annoncé qu’elles avaient enlevé Jamshid Sharmahd, un dissident qui vivait en exil en Californie. Ce ne sont pas des menaces en l’air. En octobre dernier, Ruhollah Zam, le fondateur d’une chaîne d’opposition sur l’application de médias sociaux Telegram, a été attiré en Irak, puis a disparu à Téhéran, où, après un bref procès-spectacle, il a été condamné à mort.
Avant de conclure : « La République islamique verra le silence de l’Occident comme un sceau d’approbation. »
Une voix dissidente
Masih Alinejad, 46 ans, anime Tablet, une émission-débat sur le service persan de Voice of America (VOA). Elle a plus de 5 millions d’abonnés sur Instagram. Ses mémoires, The Wind in My Hair : My Fight for Freedom in Modern Iran (« Le vent dans mes cheveux : mon combat pour la liberté dans l'Iran moderne »), ont été publiés en 2018. Elles n’ont pas été traduites en français.
Elle est également à l’initiative du mouvement sur Facebook, My Stealthy Freedom, qui encourage les femmes iraniennes à publier des clichés d’elles sans leur voile.
En 2021, elle déclarait à CNN : « Des millions d’Iraniennes partagent des photos et des vidéos d’eux en train de pratiquer la désobéissance civile, ce sont les Rosa Parks de l’Iran. Ce sont mes héroïnes. Pour être honnête, j’ai peur, mais ce qui me donne du pouvoir, ce sont ces gens. Je cesserai mes activités le jour où le peuple iranien arrêtera de dire non à la République islamique. »
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