L’économie s’effondre, les grandes fortunes prospèrent : «Une politique débile qui favorise les riches».

L’économie s’effondre, les grandes fortunes prospèrent : «Une politique débile qui favorise les riches».

La France s’enfonce dans la récession, mais le patrimoine des 500 plus grandes fortunes du pays a continué de s’accroître, malgré la crise du coronavirus. Un phénomène semblable s’observe aux États-Unis. Charles Gave, président de l’Institut des Libertés, analyse la situation pour Sputnik.
Alors que la Commission européenne prévoit désormais un plongeon historique du Produit intérieur brut français (PIB), qui devrait décroître de 10,6% en 2020, les citoyens les plus nantis de l’Hexagone ne connaissent pas la crise.
​Le dernier classement de Challenges des 500 plus grandes fortunes de France est là pour le démontrer. Le montant cumulé de ces dernières atteint le niveau record de 730 milliards d’euros. Un chiffre en progression de 3% en 2020. Un magot qui représente «l’équivalent du tiers du PIB attendu cette année», d’après Challenges, qui note que cette part a été multipliée par dix depuis 1996.

Les politiques des Banques centrales responsables?

Comment expliquer de telles performances dans un contexte économique aussi morose? Pour l’essayiste, financier et entrepreneur français Charles Gave, la réponse est très simple:
«Les taux d’intérêt des Banques centrales sont extraordinairement bas, voire négatifs. Les riches possèdent des actifs. Ces derniers leur servent à emprunter auprès des banques en les mettant en garantie. L’argent emprunté servira donc à acheter d’autres actifs.»
La Banque centrale européenne (BCE) a en effet sorti la sulfateuse à liquidités pour lutter contre la crise économique. Avec un taux de refinancement à zéro, un taux de dépôt à -0,5% et un taux de prêt marginal à 0,25%, l’institut monétaire basé à Francfort a également mis en place un plan de rachat d’actifs pour un montant de 1.600 milliards d’euros.

«C’est une politique débile qui favorise les riches. 
Le prix des actifs monte. Personne ne fait d’investissements, car il est toujours plus facile d’acheter une maison ou un hôtel existant que d’en bâtir un nouveau. Le manque d’investissements fait baisser la productivité du travail et les pauvres deviennent plus pauvres», analyse Charles Gave.
«Les taux bas sont une politique faite par les riches pour les riches et pour appauvrir les pauvres. Les Banques centrales sont au service des riches», poursuit-il.
L’Hexagone n’est pas seul à être concerné par une évolution à la hausse de la richesse de ses grandes fortunes. Un phénomène semblable s’observe aux États-Unis. En juin dernier, Business Insider, en se basant sur les travaux de l’Institute for Policy Studies, un think tank basé à Washington, notait que les milliardaires américains étaient 20% plus riches qu’avant le début de la pandémie.
Leur fortune cumulée avait grimpé de 565 milliards de dollars. Jeff Bezos, patron d’Amazon et homme le plus riche de la planète, Elon Musk, le fantasque boss de Tesla ou encore Eric Yuan, fondateur de l’application Zoom, ont tous vu leur fortune s’accroître malgré une économie américaine ravagée par une pandémie qui ne faiblit pas et qui a déjà fait perdre leur emploi à des dizaines de millions d’Américains.

Aux États-Unis, + 20% pour les milliardaires

Cette dichotomie entre de grandes fortunes qui continuent de progresser et un environnement économique hostile se retrouve dans le comportement des marchés financiers. Lors du mois de mars dernier, quand la gravité de la crise sanitaire ne faisait plus de doute, les places boursières de la planète ont vécu des semaines très difficiles. Les grands indices de référence avaient perdu 30 à 40% de leur valeur. Et cette tempête sur les marchés avait fait –potentiellement– perdre des milliards de dollars en quelques jours aux individus les plus riches de la planète.
​Depuis, les marchés financiers ont repris du poil de la bête. Et avec eux la santé des fortunes des nantis. Il faut dire que la Réserve fédérale américaine n’a pas hésité à mettre les moyens pour contrer les effets économiques néfastes de la pandémie de coronavirus. Elle s’est dite prête à injecter 2.300 milliards de dollars afin de soutenir l’économie et a ramené son taux directeur proche de zéro.
«Si vous injectez des milliards dans les marchés, ils serviront à acheter des actions. Et tout cela avec des taux extrêmement bas. Encore une fois, tout cela est organisé de manière à rendre les riches encore plus riches», insiste Charles Gave.
D’après lui, la corrélation entre reprise des marchés actions et augmentation de la fortune des plus riches est évidente:
«Le contexte actuel permet aux individus d’acheter des produits qui offrent plusieurs pour cent de rentabilité tout en ayant emprunté à presque zéro. Les investisseurs se dirigent donc vers les actifs existants et plus personne ne cherche à créer de nouveaux actifs. Cela fait monter le prix des actifs et rend plus riches les riches.»
Point intéressant noté par Challenges: alors que la valeur cumulée des 500 plus grandes fortunes de France a augmenté pendant cette crise du coronavirus, elle avait chuté de 27% en 2009 en pleine crise des «subprimes».

Un risque sur les monnaies?

Une fois encore, Charles Gave pense avoir trouvé l’explication: «Lors de la crise des “subprimes”, ce sont les banques commerciales qui avaient prêté l’argent. Quand elles “sautent”, elles rappellent leurs prêts et il est nécessaire que les investisseurs vendent leurs titres. Dans la crise actuelle, ce sont les Banques centrales qui prêtent avec de l’argent qui n’existe pas. Une bulle peut soit être financée par des banques commerciales et dans ce cas-là quand elle explose, elles “sautent”. Ou elle peut être financée par les Banques centrales et en cas de problème, ce sera la monnaie qui baissera.»
D’après le président de l’Institut des Libertés, c’est là que se situe le vrai danger des politiques actuelles des Banques centrales:
«Le risque est sur la dévaluation des monnaies et il existe une grande probabilité de voir plonger leur valeur par rapport à celle d’autres devises», conclut-il.

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