Exploration de Mars : on vous explique pourquoi la Chine, les Etats-Unis et les Emirats arabes unis visent la planète rouge


Exploration de Mars : on vous explique pourquoi la Chine, les Etats-Unis et les Emirats arabes unis visent la planète rouge

Huit engins spatiaux volent en orbite autour de Mars ou arpentent sur sa surface. 
Deux autres ont été lancés cette semaine et un troisième devrait suivre avant la fin du mois.
La planète rouge, Mars (illustration réalisée par ordinateur le 3 septembre 2019). (SEBASTIAN KAULITZKI/SCIENCE PHOT / SKX / AFP)
C'est la planète la plus convoitée du système solaire. En moins d'une semaine, deux sondes ont quitté la Terre pour Mars : l'engin émirati Espoir, lundi 20 juillet, et la sonde chinoise Tianwen-1, jeudi 23 juillet. 
Le départ d'une sonde américaine est également prévu pour la fin du mois. 
Huit engins, lancés par les Etats-Unis, l'Europe et l'Inde, se trouvent actuellement en orbite autour de Mars ou sur sa surface. 
Leurs missions : détecter des signes d'une vie passée, et permettre aux humains de fouler, dans un avenir pas forcément proche, le sol martien. Franceinfo vous explique cette ruée vers la plus proche de nos planètes voisines.


Quels pays se sont lancés dans la course ?
Les Emirats arabes unis. Ils ont été les premiers à se lancer durant le mois de juillet. Après deux reports de lancement, en raison du mauvais temps, la sonde émiratie Al-Amal ("Espoir" en français), première mission spatiale arabe vers Mars, a décollé lundi depuis le centre spatial de Tanegashima (Japon). La sonde Al-Amal devrait amorcer son orbite autour de Mars d'ici à février 2021, marquant le 50e anniversaire de l'unification des sept principautés qui forment les Emirats arabes unis.


Une fois sur place, elle doit faire le tour de la planète rouge pendant toute une année martienne, soit 687 jours terrestres. L'objectif est de fournir une image complète et inédite de la dynamique du temps dans l'atmosphère de Mars. "Cette mission a une vraie ambition scientifique, assure sur CNews le planétologue français François Forget, seul Européen (et Français) à participer à cette mission. 
Ce n'est pas juste une démonstration technologique des Emirats arabes unis, comme a pu le faire l'Inde en 2013, en lançant la sonde Mangalyaan."

La Chine. La mission, nommée Tianwen-1 ("Questions au ciel-1"), est partie du centre de lancement de Wenchang, dans le sud de la Chine, jeudi. La sonde n'arrivera pas avant 2021 dans une région inconnue de la planète, Utopia Planitia. 
Ambitieuse, la Chine espère faire, lors de cette première tentative indépendante, presque tout ce que les Etats-Unis ont réalisé en plusieurs missions martiennes depuis les années 1960 : placer une sonde en orbite, poser un module sur Mars, puis en faire sortir un petit robot téléguidé afin qu'il mène des analyses à la surface. Le robot pèse plus de 200 kilos, il est équipé de quatre panneaux solaires et de six roues. 
Il sera opérationnel durant trois mois.


Parmi ses missions : Conduire des analyses du sol, de l'atmosphère, prendre des photos, ou encore contribuer à la cartographie de la planète rouge. "C'est manifestement un événement marquant pour la Chine. 

C'est la première fois qu'elle s'aventure aussi loin dans le système solaire", indique à Jonathan McDowell, astronome au Centre Harvard-Smithsonian pour l'astrophysique, aux Etats-Unis.

Exposition représentant le rover Tianwen-1 envoyé sur Mars lors d'une exposition à Pékin le jeudi 23 juillet 2020. (NG HAN GUAN/AP/SIPA / SIPA)
Les Etats-Unis. Après Curiosity lancé en 2012, les Etats-Unis envoient un nouvel engin. Ce véhicule, appelé Perseverance, sera le plus gros, le plus lourd et le plus avancé jamais expédié sur la planète rouge par la Nasa. Perseverance se posera le 18 février 2021 dans le cratère de Jezero, où une rivière se déversait il y a 3 à 4 milliards d'années, déposant boues, sables et sédiments "dans l'un des deltas les mieux préservés de la surface de Mars", selon Katie Stack Morgan, de l'équipe scientifique. L'engin mesure trois mètres de long, pèse une tonne, a des yeux (19 caméras), des oreilles (deux micros), un bras robotique de deux mètres et est doté d'un drone.

Parmi tout ce barda, il y a un équipement franco-américain, une SuperCam. 
Elle "tire au laser sur le sol de Mars, explique à franceinfo Jean-Yves Le Gall, président du Centre national d'études spatiales (Cnes), elle vaporise les échantillons du sol et un spectromètre analyse cette vapeur de sol et en déduit la composition du sol. Toutes les nuits, des ingénieurs du Cnes vont tirer sur le sol de Mars pour mieux comprendre la géologie de la planète et voir s'il y a eu une possibilité d'héberger une vie passée". "C'est un instrument majeur, non seulement pour la mission Mars 2020, mais également pour les stratégies et le choix des lieux de prélèvement des échantillons destinés à être rapportés sur terre vers les années 2030", explique Michel Viso, responsable Exobiologie au Cnes.


Pourquoi trois sondes décollent en si peu de temps ?
Les Emirats arabes unis, la Chine et les Etats-Unis n'ont pas calé ces rendez-vous avec Mars par hasard. "L'idée est de profiter de ce qu'on appelle l'opposition, moment où le Soleil, la Terre et Mars sont alignés exactement dans cet ordre-là", explique Olivier Sanguy, de la Cité de l'Espace de Toulouse à 20 Minutes. Le cycle de la mécanique céleste n'offre qu'une fenêtre de tir tous les 26 mois, pendant laquelle la distance entre Mars et la Terre est la plus courte.

"On pourrait lancer des missions vers Mars en dehors de cette fenêtre de tir, précise Olivier Sanguy. Mais il faudrait alors pour la même masse de la sonde ou du rover, un lanceur beaucoup plus gros et donc embarquer plus de carburant. On se confronterait alors à des limites technologiques, mais aussi budgétaires."

L'Europe et la Russie, avec ExoMars ont déjà pris rendez-vous dans deux ans, après avoir manqué la fenêtre cette année en raison d'un problème de parachute. "L'Europe va aller sur Mars dans deux ans avec le rover ExoMars lancé depuis le Kazakhstan", a indiqué Jean-Yves Le Gall. A plus long terme, une sonde européenne "ira chercher, dans quelques années, des morceaux de Mars et devra les rapporter. C'est une mission compliquée. Ce sera pour la fin des années 2020", ajoute le président du Centre national d'études spatiales (Cnes).
Qu'est-ce qui rend Mars aussi attractif ?


Mars est la planète la plus proche de la nôtre, mais la distance n'est pas le seul argument. Les raisons principales sont d'abord scientifiques. "Mars et la Terre étaient à peu près identiques il y a environ cinq milliards d'années. On veut comprendre pourquoi les deux planètes sont devenues différentes", justifie Jean-Yves le Gall.


La sonde Mars Express nous a appris qu'elle était habitable. Il faut savoir si elle a été habitée.Jean-Yves le Gall, président du Cnesà franceinfo


"Il y a 3,5 milliards d'années, Mars avait une atmosphère et de l'eau : elle aurait pu être propice au développement d'une forme de vie. Mais contrairement à la Terre, elle n'a pas connu de tectonique des plaques, ce qui fait d'elle l'endroit le plus accessible pour chercher ce qui a pu se passer dans un passé très lointain sur des planètes proches cousines. On cherche finalement à répondre à des questions très centrées sur l'humanité : d'où venons-nous ? Comment la vie a-t-elle pu émerger ?", assure Michel Viso à La Croix.

La course vers Mars est aussi une affaire de puissance. Pendant la Guerre froide, Etats-Unis et URSS se livraient un duel sans merci pour aller sur la Lune. Des décennies plus tard, la Chine a pris la place du régime soviétique. "Ses objectifs ne sont pas différents de ceux d'autres pays, déclare à l'AFP Chen Lan, analyste pour un site spécialisé dans le programme spatial chinois. Il s'agit d'améliorer ses capacités, d'explorer l'univers, d'investir dans les ressources futures et in fine d'augmenter son influence politique et son prestige."

"L'exploration spatiale est une source de fierté nationale. L'ambition est également d'améliorer les connaissances de l'humanité vis-à-vis de Mars", abonde Carter Palmer, spécialiste de l'espace au cabinet américain Forecast International. Si la mission chinoise est un succès, "ce serait la première fois dans l'histoire qu'un atterrisseur et un robot téléguidé non-américains fonctionnent sur Mars", souligne Chen Lan.

Du côté arabe, la fierté est aussi un levier. "Les Emirats voulaient envoyer un message fort à la jeunesse arabe, lui rappeler le passé, que nous étions autrefois les générateurs de savoir", explique Omran Charaf, responsable du projet. Ne rêvez pas, une colonie humaine sur Mars n'est pas à l'ordre du jour, malgré le désir du milliardaire Elon Musk. "Mars n'est pas un plan B. Il n'y a qu'un seul vaisseau spatial pour l'espèce humaine, c'est la planète Terre, conclut Michel Viso dans La Croix, on peut explorer, mais il est criminel de laisser penser qu'on pourra un jour la quitter pour aller s'installer ailleurs". N'en déplaisent aux fans de Christopher Nolan, Interstellar n'est pas près de devenir une réalité.

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