La réforme du système pénitentiaire nécessairement passe par les réformes pénales


La réforme du système pénitentiaire nécessairement passe par les réformes pénales

L'OMP reproche au gouvernement son manque d'initiative

Samedi 15 Août 2022

La réforme du système pénitentiaire nécessairement passe par les réformes pénales
L’Observatoire marocain des prisons (OMP) a critiqué le gouvernement dont le programme 2021-2026 a passé sous silence « les questions pénitentiaires, tant au niveau des initiatives législatives qu'administratives ».

Dans son rapport annuel présenté jeudi dernier à Rabat, l’OMP a également déploré le retard enregistré en matière de réformes pénales. « L’OMP considère que la principale approche d'une véritable réforme du système pénitentiaire passe par la réforme de l'arsenal pénal ordinaire et militaire, notamment la réforme du Code de la procédure pénale, de l’enquête préliminaire et celle préparatoire, l'examen  par un juge (le juge d'instruction) et le procès, aux mesures d’exécution des peines dans les établissements pénitentiaires », lit-on dans le rapport qui a été présenté en présence des représentants des médias et des organisations des droits de l’Homme.

Le rapport de l’OMP a, par ailleurs, souligné que la crise sanitaire de Covid-19 a eu un impact grave sur le droit d’accès à la justice et sur les fondements d'un procès équitable, affirmant que depuis avril 2020, le pouvoir judiciaire a lancé les procès à distance , ce qui a causé du retard dans le traitement des dossiers et porté atteinte au droit d'ester en justice, notamment des détenus.

« A cet égard, l’OMP réitère son appel à suspendre cette procédure en raison de sa contradiction avec les conditions d'un procès équitable telles qu'exigées par le droit international des droits de l’Homme et à fournir les moyens nécessaires pour le respect du droit des détenus à l’accès à la justice », a martelé l’OMP.

Cette ONG a fait savoir que près de 95% de la population carcérale a bénéficié de la vaccination contre la Covid-19 jusqu’à fin novembre 2021, tout en précisant que « la question de la vaccination des détenus a connu un certain nombre de contraintes dont les plus importantes étaient le refus de certains détenus de se faire vacciner, le problème des détenus sans carte de séjour ou pièce d'identité ou sous une fausse identité. A cela s'ajoute le problème de l'obtention du pass vaccinal pour les détenus vaccinés au sein de l'établissement pénitentiaire ».

S’agissant des grèves de la faim, le rapport a révélé que « le nombre total de grèves de la faim en 2021 s’est élevé à 1.158 contre 1.011 en 2020, et 1.382 en 2019. 746 détenus ont entamé une grève de la faim de moins d'une semaine, 320 pendant une durée allant d'une semaine à un mois, tandis que 92 détenus ont entamé une grève de la faim de plus d'un mois », précisant que l’OMP a suivi de près un certain nombre de cas de grève de la faim au cours de l’année 2021, en visitant et en écoutant les détenus sur les raisons de leurs mouvements de grève, ainsi que leurs principales revendications, tout en mettant en garde contre les risques pour leur santé.

En plus, le nombre de décès au cours de l’année 2021 a atteint 204 cas contre 213 en 2020, soit 2.29% de la population carcérale. 97% des personnes décédées sont des hommes. « Etant donné que les organisations de défense des droits  humains ne peuvent pas effectuer de recherches et d’enquêtes, et en l'absence d'annonce officielle sur les résultats des enquêtes lancées par les autorités judiciaires, les cas de décès restent toujours objet de préoccupation et d'inquiétude tant que les véritables raisons de ces décès ne sont pas connues », a noté l’OMP.

En 2021, l’OMP a reçu 212 plaintes des détenus. Plus de 32% des doléances concernent l’accès aux soins de santé, soit 14% de plus par rapport à l’année 2020, et 16% de plus par rapport à 2019 ; près de 24% concernent la torture et le mauvais traitement, soit 4% de moins par rapport à 2020; plus de 19% des doléances concernent le transfert des détenus, soit 2% de moins par rapport à 2020 ; près de 18% concernent le droit de visite ; plus de 12% concernent des grèves de la faim ; et d’autres doléances concernent les demandes de grâce, les conditions de détention, la poursuite des études, la communication avec la famille.

Dans ce rapport (134 pages), l’OMP a appelé, entre autres, à la révision du Code pénal et du Code de procédure pénale en vue d’harmoniser leurs dispositions avec les normes internationales relatives aux droits des détenus, consacrant le droit à un procès équitable et garantissant le droit à la vie et tous les autres droits, à l’adoption de dispositions légales exigeant que la détention provisoire soit une mesure exceptionnelle, à la réduction du phénomène de la détention provisoire en mettant en place un système de contrôle judiciaire en lieu et place de cette mesure, en abolissant les peines privatives de libertés pour un certain nombre de délits, et en adoptant des peines alternatives aux peines privatives de liberté dans le Code pénal et le Code de procédure pénale.

Par Mourad Tabet

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