Le malade imaginaire de Molière, mis en scène par Daniel Auteuil


Le malade imaginaire de Molière, mis en scène par Daniel Auteuil - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de Paris

Le malade imaginaire de Molière, mis en scène par Daniel Auteuil



Daniel Auteuil interprète le rôle d’Argan, l’hypocondriaque le plus fameux du théâtre, et signe une mise en scène pleine de santé du Malade imaginaire. Un spectacle joyeux, allègre et gaillard.

Comme tous les chefs-d’œuvre du répertoire, Le Malade imaginaire souffre bien des interprétations. 
On peut faire d’Argan un valétudinaire acariâtre et égoïste ou un bonhomme un peu naïf, dupé par ceux qui saignent sa bourse et asticotent son fondement… 
Daniel Auteuil s’attaque à ce monument comique en étant parfaitement conscient que cette pièce, la dernière du maître et celle qui le vit mourir sur scène, ausculte la manière dont les hommes affrontent le mystère de la mort, selon qu’ils en redoutent l’annonce ou s’en moquent allègrement. Molière avait choisi son camp : mieux vaut laisser faire la nature en toutes choses. 
Daniel Auteuil choisit le sien : il ne tire pas la pièce du côté de la métaphysique absconse et campe un Argan davantage bourgeois naïf que méchant homme, plus finaud qu’il n’en a l’air et prompt à abandonner l’union avec la gente médicale pour préférer l’amour de sa fille et les conseils avisés de son frère et de sa servante.
Force salvatrice de la farce
A notre époque où les modernes Diafoirus continuent d’inventer onguents inutiles et pastilles miraculeuses qui enrichissent les gourous des parasciences, la satire retrouve sa verve et son efficace ironie. Elle suggère une réflexion bienvenue sur l’imposture et les délires de l’imagination, toujours encline à soigner ceux qui ne sont pas malades alors que le bon sens recommanderait plutôt de bien vivre tant qu’il en est encore temps. 
A l’heure où l’on entend trop vanter les mérites de la rhétorique creuse et louer les Anciens avec une révérence nigaude, l’intelligence de Toinette, qui se moque des latinismes inutiles et préfère la bonne chère aux discours vains des jocrisses, est tonifiante et plaisante. En choisissant de rire avec belle humeur des réactionnaires imbéciles (que Jean-Marie Galey et Gaël Cottat – père et fils Diafoirus – campent avec talent), Daniel Auteuil propose une lecture de la pièce qui fait mouche. Dans un costume qui le fait ressembler au Rousseau au manteau arménien, il semble poser sur ses comparses, et sans doute sur ses contemporains, un regard grave et lucide, en philanthrope las plutôt qu’en misanthrope aigri. 
Bonne pâte, au fond, que cet Argan-là, qui se prête volontiers à la farce finale de la troupe de commedia dell’arte venue rappeler les vertus de la vie rieuse et de la joie d’être ensemble, meilleure panacée que les emmerdements du clystère…

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