États-Unis : Dans l'Ohio, des Républicains pur jus font campagne contre Donald Trump. ...
Porte-parole de l'Operation Grant, Michael-Ann Johson œuvre pour gonfler les rangs des "Républicains contre Trump" pour peser sur l'élection du 3 novembre 2020. © Xavier Yvon, Europe 1
Lassés des sorties du président américain, déçus voire écœurés de sa gouvernance, des Républicains se détournent de Donald Trump.
Porte-parole de l'Operation Grant, Michael-Ann Johson œuvre pour gonfler les rangs des "Républicains contre Trump" pour peser sur l'élection du 3 novembre 2020. © Xavier Yvon, Europe 1
Lassés des sorties du président américain, déçus voire écœurés de sa gouvernance, des Républicains se détournent de Donald Trump.
Trahissant leur camp de toujours, ceux-ci font campagne pour le candidat démocrate à la Maison Blanche. Des voix qui pourraient peser dans certains États clés.
REPORTAGE
L’Ohio, ses champs, ses pâturages, ses décorations d’Halloween et ses panneaux "Trump"… Sauf devant chez Chris Gibbs. Pourtant, le fermier est le patron du parti républicain dans son comté depuis des années. Lui-même a voté Trump en 2016. "Mon gars, comme j’ai eu tort !", lance-t-il quatre ans plus tard au micro d’Europe 1.
Tout en s’activant à vider les derniers grains de maïs de son silo, Chris explique ce qui l’a amené à se détourner du président-candidat républicain. Jamais il n’avait gardé du maïs aussi longtemps dans la saison, mais les prix étaient trop bas. "Tout a commencé en 2018, avec la guerre commerciale lancée par le président Trump", raconte-t-il. "Les pays visés par les barrières douanières ont répliqué et les marchés se sont refermés, notamment la Chine", qui achetait le maïs et le soja de Chris. "Alors le président a fait ce qu’il fait pour les actrices pornos et tout le reste… Il a acheté notre silence."
"J'ai tout avalé... Mais là, je suis descendu du train"
Il y a deux ans, lorsque Donald Trump a déclaré faire davantage confiance à son homologue russe qu’à ses propres services de renseignement, c'était trop pour Chris. "Là j’ai dit c’est fini pour moi. J’ai supporté et justifié les tweets, la méchanceté, les attaques contre nos partenaires commerciaux : j’ai tout avalé... Mais là, je suis descendu du train".
À 16 jours des élections américaines, Chris n'est pas le seul des "Républicains contre Trump". De plus en plus visibles, ces modérés qui font campagne contre le candidat de leur parti pourraient-ils faire basculer le scrutin, alors que le président-candidat est à la traîne, devancé par son adversaire démocrate, Joe Biden, dans tous les sondages ?
Il y a deux ans, Chris démissionne donc du parti républicain et commence à faire campagne contre Donald Trump. Une décision radicale dans laquelle il se lance corps et âme, écrivant des tribunes dans les journaux locaux et se brouillant avec des amis. Puis progressivement, d’autres conservateurs le rejoignent, déterminés à faire tomber le président.
La campagne qu'ils mènent porte le nom d’"Opération Grant", du nom d’Ulysse Grant, général nordiste, devenu président, qui a réconcilié le pays après la guerre de Sécession. Dans le cadre de cette opération de terrain, les participants s’affairent à collecter des vidéos de certains de leurs concitoyens conservateurs expliquant pourquoi ils se détournent de Donald Trump.
Si elle prend localement, la tendance a par ailleurs déjà touché les plus hautes strates de l’État avec une partie des élites conservatrices qui a déjà publiquement pris position pour Joe Biden. Parmi elles, trois gouverneurs, d’anciens membres des administrations Bush père et fils, mais aussi 70 anciens responsables de la sécurité nationale qui ont récemment publié une tribune dénonçant "le danger Trump". Certaines organisations, à l’instar du Lincoln Project, mènent même campagne avec des millions de dollars de budget.
"Je lui en veux d’avoir maltraité le peuple américain"
Linda Bauer, elle, travaille dans la finance et se définit comme une "républicaine à vie". Pour cette Ohioaine, le point de rupture a été l’absence de réponse de Donald Trump face à la pandémie de Covid-19.
REPORTAGE
L’Ohio, ses champs, ses pâturages, ses décorations d’Halloween et ses panneaux "Trump"… Sauf devant chez Chris Gibbs. Pourtant, le fermier est le patron du parti républicain dans son comté depuis des années. Lui-même a voté Trump en 2016. "Mon gars, comme j’ai eu tort !", lance-t-il quatre ans plus tard au micro d’Europe 1.
Tout en s’activant à vider les derniers grains de maïs de son silo, Chris explique ce qui l’a amené à se détourner du président-candidat républicain. Jamais il n’avait gardé du maïs aussi longtemps dans la saison, mais les prix étaient trop bas. "Tout a commencé en 2018, avec la guerre commerciale lancée par le président Trump", raconte-t-il. "Les pays visés par les barrières douanières ont répliqué et les marchés se sont refermés, notamment la Chine", qui achetait le maïs et le soja de Chris. "Alors le président a fait ce qu’il fait pour les actrices pornos et tout le reste… Il a acheté notre silence."
"J'ai tout avalé... Mais là, je suis descendu du train"
Il y a deux ans, lorsque Donald Trump a déclaré faire davantage confiance à son homologue russe qu’à ses propres services de renseignement, c'était trop pour Chris. "Là j’ai dit c’est fini pour moi. J’ai supporté et justifié les tweets, la méchanceté, les attaques contre nos partenaires commerciaux : j’ai tout avalé... Mais là, je suis descendu du train".
À 16 jours des élections américaines, Chris n'est pas le seul des "Républicains contre Trump". De plus en plus visibles, ces modérés qui font campagne contre le candidat de leur parti pourraient-ils faire basculer le scrutin, alors que le président-candidat est à la traîne, devancé par son adversaire démocrate, Joe Biden, dans tous les sondages ?
Il y a deux ans, Chris démissionne donc du parti républicain et commence à faire campagne contre Donald Trump. Une décision radicale dans laquelle il se lance corps et âme, écrivant des tribunes dans les journaux locaux et se brouillant avec des amis. Puis progressivement, d’autres conservateurs le rejoignent, déterminés à faire tomber le président.
La campagne qu'ils mènent porte le nom d’"Opération Grant", du nom d’Ulysse Grant, général nordiste, devenu président, qui a réconcilié le pays après la guerre de Sécession. Dans le cadre de cette opération de terrain, les participants s’affairent à collecter des vidéos de certains de leurs concitoyens conservateurs expliquant pourquoi ils se détournent de Donald Trump.
Si elle prend localement, la tendance a par ailleurs déjà touché les plus hautes strates de l’État avec une partie des élites conservatrices qui a déjà publiquement pris position pour Joe Biden. Parmi elles, trois gouverneurs, d’anciens membres des administrations Bush père et fils, mais aussi 70 anciens responsables de la sécurité nationale qui ont récemment publié une tribune dénonçant "le danger Trump". Certaines organisations, à l’instar du Lincoln Project, mènent même campagne avec des millions de dollars de budget.
"Je lui en veux d’avoir maltraité le peuple américain"
Linda Bauer, elle, travaille dans la finance et se définit comme une "républicaine à vie". Pour cette Ohioaine, le point de rupture a été l’absence de réponse de Donald Trump face à la pandémie de Covid-19.
Un virus qu’elle a elle-même attrapé juste avant l’été. "Je sais ce que le Covid peut vous faire et je me souviens à quel point j’ai eu peur", raconte-t-elle à Europe 1, encore très affectée. "C’est sa faute. La raison pour laquelle on en est arrivé là, c’est parce que Donald Trump a mal géré le Covid dès le début", répète-t-elle. "Je lui en veux d’avoir maltraité le peuple américain, et c’est pour ça que je suis là aujourd’hui."
Avec Chris, Linda tente de rallier d’autres Républicains à leur cause. Celles des "Républicains contre Trump". Une tâche difficile dans cet Ohio rural où les pancartes et les drapeaux à la gloire du président sont partout. Comme devant chez Dave par exemple, qui dit approuver le travail du président "tant qu’il n’ouvre pas trop la bouche", s’amuse-t-il. Mais loin de lui l’idée de voter autrement.
"Le parti démocrate, je n’ai jamais adhéré à leurs valeurs, il y en a plein que je n’aime pas, mais je pense qu’on a besoin de voie de sortie de toute cette confusion, cette division", lui explique Chris Gibbs, estimant que Joe Biden peut incarner cette voie. "Il n’est pas la panacée, ce n’est pas la réponse à tout, mais pour moi, c’est l’issue de secours."
Face à lui, Dave est ouvert à la discussion mais campe sur ses positions. Si Biden semble moins modéré qu’avant, sa proximité avec "la gauche radicale, Bernie (Sanders, NDLR), le socialisme"... Tout ça lui "fout les jetons", dit-il. "Pour moi c’est tout noir ou tout blanc, je ne peux juste pas voter pour un démocrate."
"Si 150.000 républicains votent Biden, alors Biden remportera l’Ohio"
"Ce ne sont pas ces gens-là qu’on peut convaincre", explique Chris à Europe 1 à l’issue de cette discussion avec Dave. "Ceux que je cible, c’est une infime minorité", poursuit-il, désignant des gens qui, selon lui, "attendent une permission".
Avec Chris, Linda tente de rallier d’autres Républicains à leur cause. Celles des "Républicains contre Trump". Une tâche difficile dans cet Ohio rural où les pancartes et les drapeaux à la gloire du président sont partout. Comme devant chez Dave par exemple, qui dit approuver le travail du président "tant qu’il n’ouvre pas trop la bouche", s’amuse-t-il. Mais loin de lui l’idée de voter autrement.
"Le parti démocrate, je n’ai jamais adhéré à leurs valeurs, il y en a plein que je n’aime pas, mais je pense qu’on a besoin de voie de sortie de toute cette confusion, cette division", lui explique Chris Gibbs, estimant que Joe Biden peut incarner cette voie. "Il n’est pas la panacée, ce n’est pas la réponse à tout, mais pour moi, c’est l’issue de secours."
Face à lui, Dave est ouvert à la discussion mais campe sur ses positions. Si Biden semble moins modéré qu’avant, sa proximité avec "la gauche radicale, Bernie (Sanders, NDLR), le socialisme"... Tout ça lui "fout les jetons", dit-il. "Pour moi c’est tout noir ou tout blanc, je ne peux juste pas voter pour un démocrate."
"Si 150.000 républicains votent Biden, alors Biden remportera l’Ohio"
"Ce ne sont pas ces gens-là qu’on peut convaincre", explique Chris à Europe 1 à l’issue de cette discussion avec Dave. "Ceux que je cible, c’est une infime minorité", poursuit-il, désignant des gens qui, selon lui, "attendent une permission".
Des électeurs républicains de plus ou moins longue date, qui ne se reconnaissent pas, ou plus, dans la gouvernance de Donald Trump, et qui cherchent des profils qui leur ressemble. "Quelqu’un dont ils peuvent dire 'Chris veut voter pour un Démocrate, il n’a jamais fait ça avant, peut-être que je peux, moi aussi… Juste cette fois-là'." C'est pour cela que Chris refuse de baisser les bras : "Il en faut juste 2% et on gagne. Boum !"
Pourtant, le président américain jouit d’un soutien impressionnant à droite puisque 94% des Américains qui se déclarent Républicains approuvent son action, selon le sondage Gallup. Cela laisse donc peu de marge.
Pourtant, le président américain jouit d’un soutien impressionnant à droite puisque 94% des Américains qui se déclarent Républicains approuvent son action, selon le sondage Gallup. Cela laisse donc peu de marge.
Mais l’espoir est permis, selon Michael-Ann Johnson, l’une des porte-parole de l’Operation Grant dans l’Ohio. "Les recherches ont montré que s’il y a 150.000 républicains qui votent Biden alors qu’ils avaient voté Trump, alors Biden remportera l’Ohio.
Et depuis 1960, personne n’a été élu président sans gagner l’Ohio", explique-t-elle. "Nos cibles, ce sont des gens qui sont à la lisière : ils n’aiment pas Trump, mais ils ont été Républicains toute leur vie et ils trouvent ça un peu dur de voter pour un Démocrate. On essaye donc de les convaincre que c’est bon, c’est l’avenir de notre pays."
Oui, mais après ? Après, dit Chris Gibbs, il sera temps de reconstruire "un vrai parti républicain, avec nos valeurs".
Oui, mais après ? Après, dit Chris Gibbs, il sera temps de reconstruire "un vrai parti républicain, avec nos valeurs".
En attendant, le fermier a prévu de planter un panneau "Républicains pour Joe Biden" devant chez lui.
Avec, tout de même, une caméra de vidéosurveillance pour le protéger.
Source :
Par Xavier Yvon, édité par Pauline Rouquette
Par Xavier Yvon, édité par Pauline Rouquette
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Merci de commenter nos articles