Billets souvenirs à 0 euro Les Français s’endettent : Des établissements de crédit «Pyromanes» provoqueront-ils des milliards d’impayés en 2021 ?
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L’UFC - Que Choisir lance un avertissement.
C’est un véritable cri d’alarme que lance l'UFC - Que Choisir.
Malgré une situation compliquée pour beaucoup de ménages français, crise du Covid-19 oblige, l'UFC-Que Choisir note que «les difficultés budgétaires n’atténuent pas les tentations» et que «les établissements de crédit semblent bien décidés à tirer profit de la crise».
«Leurs vannes sont si grandes ouvertes que le débit du crédit conso a battu un record vieux de la dernière crise, en 2012 (3 milliards d’euros sur le seul mois de juin)», explique l’association.L’UFC-Que Choisir avance des chiffres qui donnent le tournis: «Les crédits conso en défaut pourraient, selon nos estimations, dépasser les 12 milliards d'euros (+40%) en 2021.» Une situation provoquée notamment par la perspective d’une forte augmentation du chômage. Comme le souligne l’association, «900.000 consommateurs s’apprêtent à perdre leur emploi» alors que le second confinement vient de s’achever et que la France n’est pas à l’abri d’une troisième vague et donc d’un nouveau coup d’éteignoir sur l’activité.
Des «établissements prêteurs pyromanes notoires»
Ce scénario noir apporterait encore son lot de drames économiques, comme le rappelait récemment au micro de Sputnik Bruno Ducoudré, économiste du département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE):
«Évidemment, ce serait terrible pour l’économie, car cela toucherait encore les mêmes secteurs. Malgré les aides apportées, plus ces derniers sont durablement impactés, plus l’on va voir les faillites s’enchaîner et les emplois être détruits.»
À ce contexte économique difficile, porteur d’accidents financiers dans les ménages, s’ajoute, d’après l’association, l’attitude des établissements de crédit. Ces derniers rivaliseraient d’inventivité pour diffuser des publicités «pousse-au-crime»:
«Quand Sofinco incite à souscrire des crédits qui pourront être remboursés après les fêtes, ses confrères de la location de longue durée (LLD) automobile, comme Toyota Financement, proposent des reports de loyer de six mois!»
De quoi attirer des clients en difficulté, susceptibles de se retrouver pris au dépourvu quand l’échéance sera venue. L'UFC-Que Choisir ne mâche pas ses mots et parle d’«établissements prêteurs pyromanes notoires»:
«À ces pratiques irresponsables, loin d’un prétendu "crédit responsable", vient s’ajouter une distribution bien trop laxiste. Avant même la crise, les banques françaises ont ainsi accumulé 9 milliards d’euros de dette que leurs clients ne sont pas capables d’honorer.
Tous les établissements ne se valent pas selon l’étude. Si 2,7% des crédits à la consommation français sont en défaut, certaines banques dépassent largement la moyenne. C’est le cas de la Société générale avec 5,6% d’impayés et de BNP Paribas avec un mauvais score de 7,1%. D’autres, tels que le Crédit mutuel ou le groupe BPCE, font office de bons élèves avec des taux de défaut inférieurs à 2%.
Alors pas assez regardants, les établissements de crédit? Ce n’est pas l’avis de la Fédération bancaire française (FBF), invitée par l’AFP à réagir à la publication de l’UFC-Que Choisir. D’après elle, «les banques sont engagées à accompagner les clients dans leurs projets, et ne partagent pas les constats alarmistes de l'UFC-Que Choisir».
Ainsi, d’après la FBF: «Les indicateurs permettent de montrer que les taux de défaut sont bas, comme l'ont d'ailleurs confirmé les autorités récemment, et que, même dans les circonstances actuelles, les risques sur les crédits aux particuliers évoluent très peu.» « Les banques sont extrêmement attentives sur ce point et sont mobilisées pour prévenir la montée des difficultés et faire face ensemble», ajoute-t-elle.
L’organisme professionnel qui représente 340 banques rejette également toute accusation de négligence dans l’attribution des prêts. Il assure que «les banques prêtent de manière responsable». D’ailleurs, il souligne qu'elles n'ont «aucun intérêt à voir leurs clients ne pas pouvoir payer».
La controverse autour des «bad banks»
Dans le cadre de cette crise économique et sociale inédite, les autorités se sont mises d’accord avec les établissements financiers afin d’instaurer des moratoires sur les remboursements des crédits à la consommation. Mais l'UFC-Que Choisir juge que ces moratoires, «accordés au printemps [sont], pour les deux tiers, arrivés à échéance en novembre.»
L’association de défense des consommateurs en appelle à la responsabilité des établissements de crédit «dans la gestion de ces impayés, afin d’éviter que les emprunteurs ne basculent dans le surendettement».
D’après l'UFC-Que Choisir, les prêteurs ne recourent pas assez aux outils pouvant servir à restructurer les crédits en défaut. Par exemple, le report du terme ou la diminution du taux ne sont pas assez utilisés.
Pourtant, de tels aménagements seraient susceptibles de contribuer à rétablir durablement le budget d’un débiteur et pourraient même être profitables aux banques, note l’association. Mais elle regrette qu’ils ne soient utilisés que dans 30% des cas en moyenne. Un taux chutant à 18% dans le cas de la Société générale.
Consciente du danger des crédits non remboursés en ces temps de crise économique, la Commission européenne s’est dite favorable à la création de «bad banks» nationales afin de permettre aux banques de se débarrasser de leurs créances douteuses.
Il faut dire que l’Autorité bancaire européenne (EBA) a récemment lancé un avertissement après avoir consulté les bilans de 130 grandes banques au deuxième trimestre 2020:
«L’incertitude économique demeure, la profitabilité n’a jamais été aussi faible et il y a plusieurs signes avancés d’une détérioration de la qualité des actifs», a prévenu l’Autorité bancaire européenne.
Elle a noté une augmentation de l’ordre de 23% sur un an des créances «de niveau 2», des crédits toujours remboursés, mais catalogués comme à risques. Le montant de ces derniers atteint désormais 1.200 milliards d’euros.
En octobre dernier, un ponte de la BCE expliquait que le scénario du pire prévoyait que le montant de l’ensemble des crédits impayés en zone euro atteigne prochainement 1.400 milliards d’euros, «soit trois à quatre fois leur niveau actuel», souligne l’article des Échos.
Un manque de garde-fous
La solution proposée par la Commission européenne n’a pas les faveurs de l'UFC-Que Choisir: «Loin de chercher à remédier aux pratiques de distribution trop risquées ainsi qu’à la mauvaise gestion bancaire des difficultés de remboursement de leurs clients, elle entend faciliter leur revente à des sociétés de recouvrement.»
«Alors que ces ventes pourraient doubler pour atteindre 7 milliards d’euros l’an prochain, les associations locales de l’UFC-Que Choisir témoignent déjà d’une explosion des plaintes en raison du manque de garde-fous aux pratiques agressives des sociétés de recouvrement», poursuit l’association de défense des consommateurs.
«Le bureau européen des consommateurs ne voit pas non plus le projet de la Commission d’un très bon œil», comme l’explique Les Échos : «C'est plus la crainte de voir un emprunteur être pris en charge par une entreprise de recouvrement peu scrupuleuse qui est en cause, alors qu'un projet de directive encadrant ces activités n'a toujours pas été adopté.»
L’UFC-Que Choisir en appelle ainsi directement aux législateurs européens. «Face à la déferlante attendue des difficultés de remboursement des crédits à la consommation et au vu des dangers portés par le plan d’action de la Commission européenne», l’association souhaite les voir «contraindre les banques à proposer une mesure de restructuration dès le deuxième incident de remboursement et, en tout état de cause, avant la cession éventuelle d’un crédit douteux.»
En attendant, l’UFC-Que Choisir a décidé de mettre plusieurs outils à la disposition des consommateurs, comme un «dossier complet de décryptage des actions à engager lorsque les emprunteurs peinent à honorer leurs échéances de remboursement».
Elle fournit également un courrier-type afin de solliciter une restructuration de crédit ainsi qu’«un arbre décisionnel quant à la conduite à tenir en cas de tentative de recouvrement d’un crédit à la consommation».
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