Akhannouch : Un naufrage médiatique et Politique.
Le 20 juillet 2024
Pour son premier grand oral à la télévision publique depuis sa nomination, Aziz Akhannouch n’a pas réussi ni à rassurer les marocains ni à les convaincre du bilan de ses 100 jours à la tête du gouvernement. Coincé dans un décor exigu, inconfortable et vieillot, déstabilisé par un duo de journalistes hétérogène, le Chef de gouvernement a livré un discours titubant, hésitant, fragile et imprécis dans une langue non articulée, un débit haché et des phrases truffées de francisime. Un naufrage médiatique et politique en différé qui n’annonce rien de bon.
Ce qui était sensé être le grand oral du Chef du Gouvernement, 129 jours après sa nomination, s’est transformé en un naufrage médiatique. L’interview a en effet a suscité un sarcasme général sur les réseaux sociaux et dans les salons privés. Les réactions ont été unanimes, une prestation médiocre et un exercice de communication complaisant et un journalisme couché.
Le rendez-vous tant attendu était déjà mal parti, quand des fuites ont révélé que l’entretien n’allait pas être en direct et que l’enregistrement était prévu pour la veille de la diffusion. Un détail que les chaines concernées ont omis de mentionner.
D’ailleurs, dans un post Facebook du journaliste Abdellah Tourabi annonçant l’entretien qu’il allait mener avec son confère d’Al Aoula, les 143 commentaires qu’il a reçu donnaient un aperçu réel du pouls de la rue.
Lumière, montage, fauteuil, disposition, cadre, Akhanouch a eu tout faux
C’est un retour en arrière assez consternant. La lumière, l’espace et la disposition de l’interviwé et des journalistes ont installé une ambiance où il flottait comme un « petit parfum » des années soixantes. Quand à l’arrière plan, les murs, le fauteuil et la petite table ont formé une pâle et indécente copie du décor des audiences royales.
Le culte de la personne, la mégalomanie et l’incompétence des conseillers ont ruiné d’emblée l’image de celui qui veut réformer et modérniser le pays.
Par ailleurs, quand bien même l’émission était enregistrée, son montage a curieusement laissé passer des plans en défaveur du Chef de gouvernement et des journalistes. A plusieurs reprises la caméra montrait Akhannouch relire son anti-sèche et fixer les journalistes d’une drôle de manière et gardait un grand plan sur Abdellah Tourabi souvent agacé par l’immaturité de son confrère.
Yassine El Idrissi, une erreur de casting
Ce parachuté à la tête de la direction de l’information à Al Aoula, à la place de la journaliste chevronnée Fatima El Baroudi, a démontré hier qu’il n’a rien compris à sa mission et qu’il ne pigeait absolument rien en communication politique.
Son visage et sa posture de bisounours inoffensif, sa voix suave, sa bonne maitrise de la langue arabe et son débit fluide ont certainement dû jouer en sa faveur pour être choisi par un Akhannouch tétanisé. Et c’est là où a résidé le piège dans lequel est tombé le Chef du gouvernement et son équipe de communication.
Ssi Aziz n’avait pas besoin qu’on le caresse dans le sens du poile.
Ssi Aziz avait besoin de crédibilité, de puissance et d’assurance. Tout le contraire de ce que ne lui a apporté le journaliste d’Al Aoula.
Yassine El Idrissi a surtout manqué d’humilité. Il voulait briller face au Chef du gouvernement et imposer sa stature de directeur.
Ses moues approbateurs, l’abscence de contradiction, les perches tendues à répétition ont vidé l’exercice de toute crédibilité. Normal, il vient d’une école du journalisme de déférence où l’idée d’un questionnement incisif n’est pas du tout dans ses mœurs professionnelles. Tout le contraire de son ainé Abdellah Tourabi, un professionnel de la communication politique, qui sait gérer les distances, placer les curseurs et adopter un ton dynamique et crédible.
Dans une séquence embarrassante, El Idrissi, porté par son ambition et pensant détendre l’atmosphère, va s’aventurer dans un exercice qui va déstabiliser Akhannouch et lui faire perdre le fil de ses idée.
Voulant marquer son territoire et démontrer qui menait le jeu dans cet entretien et qui était le plus gradé des deux, il va se précipiter pour poser sa question de génie :«Que pensez-vous de la performance de l’équipe nationale à la CAN ?».
Ça n’a pas raté. Le Chef du gouvernement qui était entrain de relire une dernière fois son anti-sèche, répond certes mais rate son entrée dans le sujet de son bilan, en balbutiant la phrase que ses conseillers lui sont demandé de dire pour qualifier ses 100 premiers jours de son action gouvernementale.
Yassine El Idrissi a été contre-productif. Une erreur de casting qu’Akhannouch a payé au prix fort.
Du candidat conquérant au Chef de Gouvernement impuissant
Aziz Akhannouch a fait une campagne électorale presque sans faute. Fruit de quatre années de préparation, le candidat s’est montré surtout dans la dernière ligne droite avant le scrutin, confiant, conquérant et transformé.
Un état de fait vérifiable dans son intervention dans l’émission «Studio Intikhabate» de Ridouane Erramdani. Un passage qui a d’ailleurs pesé dans la course électorale.
Depuis, Aziz Akhannouch fuit les médias. Surtout après l’éclatement de plusieurs polémiques dès les premières semaines de l’installation de son gouvernement: la claque royale de la destitution de Nabila Rmili; népotisme des ministres et des élus; limitation d’âge de l’accès aux métiers d’enseignement; pass sanitaire; gabegie de son amie Fatim-Zahra Ammor en Espagne.. etc.
129 jours après, on s’attendait à ce que le Chef de Gouvernement fasse preuve de combativité, de résilience et de leadership à l’occasion de ce qu’on pensait aller être son grand oral. Il n’en est rien de tout cela.
L’intervention de Aziz Akhannouch avait pour but de rassurer les Marocains angoissés à l’idée de ne pas savoir où va le pays, dans un contexte d’accumulation de menaces exogènes et endogènes et ce depuis l’avènement de la pandémie. Mais également renouveler l’appel à la responsabilité de toutes les forces vives pour réussir la reprise économique.
Cet entretien a probablement contribué à l’exact l’inverse tant le Chef de Gouvernement est apparu titubant, hésitant, fragile et imprécis. Contrairement à son passage chez Erramdani il y a 4 mois et demi, il n’a à aucun moment imposé son rythme. Il s’est laissé enfermer dans le doux piège de l’impuissance, que lui a a tendu Yassine El Idrissi.
Qu’est donc t-il arrivé à Akhannouch ?
A-t-il perdu la foi ? Se sent-il menacé ? A-t-il été violemment secoué par le palais suite à ses contreperformances ? Ou tout simplement s’est-t-il rendu comte qu’il n’avait pas les épaules pour assumer ses responsabilités gouvernementales ?
Des interrogations légitimes au vu des énormités qu’il a formulé ce mercredi soir.
D’emblée, première question, première grosse bourde de communication et premier signe de l’état d’incertitude mentale du Chef du Gouvernement. Au sujet du bilan des 100 jours, il déclare «Nous avons donné le signal que nous allons être un gouvernement qui respecte ses engagements» Sic!
Un constat d’échec qui constituera le fil rouge de tout l’entretien.
Par ailleurs, alors que nous avons cru que le temps des mesquineries, de la victimisation et des messages empoisonnés à destination du palais était révolu avec le fin de l’ère Benkirane, voilà que Aziz Akhannouch s’y met lui aussi.
Moment le plus critique de plus d’une heure d’émission, et qui ne manquera pas d’alimenter les discussion des salons fermés, c’est quand il est interrogé par Abdellah Tourabi sur le sujet de la fermeture des frontières qui commence à peser sur l’économie, il répond par ceci : «Au gouvernement nous nous posons les mêmes questions que vous (pourquoi garder les frontières fermées, ndlr). Mais mois je reçois les directives de la commission scientifique et de la commission ministérielle que je suis obliger d’appliquer sans avoir d’explications».
Clairement, Aziz Akhannouch dit sur deux chaines nationales, qu’il ne fait qu’exécuter, sans être forcément d’accord et sans se poser de questions, les directives du palais.
Durant l’entretien, le Chef de Gouvernement a implicitement exprimé sa propre compréhension de sa mission en répétant à maintes reprises qu’il était là pour appliquer la loi.
Une conviction qui va lui interdire de répondre de manière positive et constructive sur une interpellation des journalistes au sujet de la crise des enseignants. En effet, alors qu’il venait de signer le jour même, un important accord avec les syndicats grâce au travail laborieux de Chakib Benmoussa, il a choisi la piste défensive : «Les gens ont le droit de manifester contre une décision gouvernementale. Ça se passe partout pareil dans le monde entier. Mais nous, nous sommes là pour applique la loi».
Primo, il a raté l’occasion de surfer sur sa réalisation phare de son gouvernement et qui touche le dialogue social après celle de l’adoption de la loi des finances dans les délais, et de driver l’entretien tout en gagnant de précieuses minutes sur un sujet positif.
Secundo, la mission principale de l’exécutif élu n’est pas de faire appliquer la loi, c’est d’agir sur la loi, créer la loi, améliorer la loi. Exercer le pouvoir n’est pas le bâton. Le pouvoir du mandat du Chef du Gouvernement est d’élaborer les politiques publiques et de les mettre en place. De collecter les impôts, construire des budgets et les administrer. Faire appliquer la loi est le métier de MM Hammouchi , Abdennabaoui et Daki.
Akhannouch arrivera-t-il au bout de son mandat ?
Interrogé par Abdellah Tourabi sur le déficit de communication du gouvernement durant ses 100 premiers jours, Akhannouch, sur la défensive, va sortir cette absurdité : « On sortait d’une campagne électorale lourde qui pour la première fois a concentré aussi bien les municipales que les législatives. Je devais de surcroît juste après ma nomination de former le gouvernement, travailler sur la loi des finances et sur la charte gouvernementale. Ça nous a pris 2 mois».
Le Chef de Gouvernement avoue que les élections l’ont épuisé et qu’il s’est consacré exclusivement durant deux mois à l’installation de son gouvernement. Sachant qu’à date d’aujourd’hui il n’a pas encore réussi à faire nommer ses ministres délégués.
Dans son argumentaire et sans se rendre compte, il va livrer des indices sur les raisons de l’échec de sa communication.
Akhannouch était convaincu, que les points de presse hebdomadaires du Conseil du gouvernement, ses interventions au parlement et ses activités partisanes suffisaient pour communiquer sur ses réalisations. Il ne voyait pas d’utilité de risquer de s’adresser aux médias en dehors de ces cadres de communications officiels.
Ce n’est qu’après la levée des boucliers médiatiques et la pression totale qu’il a eu pour communiquer sur son bilan, qu’il a poussé ses ministres à se montrer, a fait taire son porte-parole et a lancé une nouvelle stratégie de communication digitale.
Aziz Akhannouch a subit la pression au lieu de la gérer.
Comme l’a écrit le journaliste Khalid Tritki sur son compte Twitter, les 100 jours est une bid3a occidentale que le Chef de gouvernement fallait aborder sans pression.
«Une vérité à ne pas oublier: les seules réalisations du gouvernement sont: la gestion de la pandémie et la loi des finances. Nous n’avons pas au Maroc les mêmes mécanismes de fonctionnement que les régimes démocratiques et surtout leur célérité d’exécution.» a-t-il écrit.
Et de poursuivre «le grand problème de ce gouvernement est son choix de communication. Il fait l’autruche quand il faut être visible et sort avec fracas pour ne rien dire. Et tout ce que je peux lui conseiller, pour le salut de mes concitoyens fragiles et naïfs, et surtout pour gagner la confiance des sceptiques et indécis, est de changer de stratégie, contenant et contenu.»
D’autres commentaires se sont focalisés notamment sur le bilan et les réalisations. Omar El Hyani élu FGD a posté une liste de huit mesures qu’il estime que le gouvernement aurait du prendre. Parmi elles, figurent entre autres la grâce pour les détenus dits politiques, annulation des agréments de transport et de pêche, et retour à l’Heure légale du Royaume (GMT).
Entre la CAN, Omicron, le francisime d’Akhannouch et l’insipidité de Yassine El Idrissi, il est certain que l’entretien du Chef du Gouvernement constitue un non-évènement chez le Marocain moyen.
Toutefois, auprès des lettrés, des leaders d’opinion des chancelleries internationales, le doute sur la capacité de l’actuel gouvernement à mener à bien son mandat s’est confirmé.
Passé la période de grâce, le Roi Mohammed VI viendra-t-il au secours du Chef du Gouvernement par un énième coup de pouce ?
La nomination des secrétaires d’Etat sera-t-elle l’occasion d’opérer un remaniement ministériel ? Aziz Akhannouch réussira-t-il à se relever après ce faux départ ?
L’avenir nous le dira. .... 😉
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