Le Saint-Siège attristé par la cérémonie d’ouverture des JO.

 

OPINION PUBLIC 

Le Saint-Siège attristé par la cérémonie d’ouverture des JO.



Communiqué :

Le Saint-Siège a été attristé par certaines scènes de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris et ne peut que se joindre aux voix qui se sont élevées ces derniers jours pour déplorer l’offense faite à de nombreux chrétiens et croyants d’autres religions.

Dans un événement prestigieux où le monde entier se réunit autour de valeurs communes ne devraient pas se trouver des allusions ridiculisant les convictions religieuses de nombreuses personnes.

La liberté d’expression, qui, évidemment, n’est pas remise en cause, trouve sa limite dans le respect des autres.




« Ceux qui ont imaginé et réalisé ce blasphème savaient très bien ce qu’ils faisaient. 

Ils avaient le temps et les moyens d’y réfléchir »


Jean-Thomas de Beauregard o.p.

 dit parfois de quelqu’un, pour l’excuser, qu’il est plus bête que méchant. C’est à peu près ce que Jésus, au Calvaire, dit des soldats romains qui le crucifient : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34). Et c’est vrai que les hommes qui ont crucifié Jésus n’avaient, à l’instant où ils l’ont fait, aucune conscience de la gravité de l’acte qu’ils posaient. Quand le centurion l’a compris, c’était trop tard. Ils étaient donc plus bêtes que méchants.

Très souvent, lorsqu’un blasphème se produit, je me fais cette même remarque : c’est plus bête que méchant. Et très souvent, c’est vrai.

La bêtise est suffisamment répandue pour qu’on ne risque pas grand-chose à parier sur elle lorsque quelque chose se produit. La méchanceté, la vraie, malgré le péché originel, malgré toute la somme des péchés personnels, est plus rare. Oui, très souvent, le spectacle affligeant du blasphème ordinaire relève plus de la bêtise que de la méchanceté.

L’Esprit-Saint, qui sait ce qu’il fait, nous donne à méditer aujourd’hui le récit de la multiplication des pains dans l’Évangile de Jean.

C’est-à-dire le surlendemain d’un blasphème perpétré en mondovision, commandité par la République française, financé par les impôts des Français, qui portait précisément sur la Cène du Seigneur, c’est-à-dire très exactement ce que la multiplication des pains préfigure dans l’Évangile de Jean. Et qui culmine à la Croix où Jésus, le pain vivant descendu du Ciel, est brisé pour nos péchés afin que, ressuscité, il puisse être communiqué à tous dans le sacrement de l’Eucharistie que nous célébrons à la Messe.

Ce blasphème-là, me semble-t-il, est loin d’être bête, mais profondément méchant. C’est d’autant plus dommage qu’il y avait quelques belles choses par ailleurs. 

Et contrairement aux soldats romains qui ont crucifié Jésus, ceux qui ont imaginé et réalisé ce blasphème savaient très bien ce qu’ils faisaient. Ils avaient le temps et les moyens d’y réfléchir.

Quant à savoir si Jésus implore son Père de leur pardonner, je n’en sais rien. La miséricorde de Dieu est infinie. Mais ce blasphème-là, je le répète, était loin d’être bête, et profondément méchant.

Aucun chrétien ne réclame que tous s’agenouillent devant le mystère de l’Eucharistie. Déjà au IIIème siècle, le théologien Lactance écrivait : « Nous n’exigeons pas que quelqu’un soit contraint malgré lui d’adorer notre Dieu, qui est le Dieu de tous les hommes, qu’ils le veuillent ou non, et nous ne nous fâchons pas si on ne l’adore pas. »

Un chrétien peut même, s’il est de bonne composition, sourire devant l’irrévérence d’un sketch ou d’un film à l’égard de la foi chrétienne. Lorsque les Inconnus parodient la Cène, ou que les Monthy Pythons parodient la crucifixion de Jésus, on peut trouver cela d’un goût douteux. Mais cette dérision du sacré ne prétend à rien d’autre qu’à faire rire.

Le blasphème de vendredi soir dernier ne visait pas du tout à faire rire. Au contraire, c’était très sérieux. Il y avait d’ailleurs toutes les apparences d’une liturgie. Ce blasphème ne visait pas à tourner le sacré en dérision, ce qui est déjà pénible pour un chrétien ou pour tout homme qui croit en Dieu. Non.

Ce blasphème visait à remplacer un sacré par un autre sacré. Et pour que ce soit clair, on foule aux pieds l’Eucharistie, c’est-à-dire le sacrement qui est la source et le sommet de la vie chrétienne. Dehors, le sacré ancien. Voici le sacré nouveau.

Et vous, peuples de la terre, rassemblés devant l’autel télévisuel et abreuvés des notifications des réseaux sociaux, adorez cette divinité nouvelle, et communiez avec nous dans cette religion de substitution. Le monde ancien s’en est allé, bienvenue dans le nouveau monde.

Ce blasphème-là n’était pas bête, il était méchant. Il ne tournait pas le sacré en dérision, il signait le remplacement d’un sacré par un autre. Et les rétropédalages qui assurent que ce n’était pas le repas du Seigneur qui était visé, en plus d’être hypocrites, ne changent rien. Car ce n’était pas un élément isolé. Tout visait à imposer un nouveau sacré, devant lequel tous nous sommés de nous prosterner.

Nous voici donc, nous chrétiens, contraints à une sorte d’exil intérieur. Pour beaucoup d’entre nous, nous ne reconnaissons plus ni notre pays ni notre temps. C’est d’autant plus paradoxal que l’Eucharistie, la célébration de la Messe, est précisément ce qui fait qu’en tout pays, un chrétien est un peu chez lui.

Pour avoir vécu de longues années à l’étranger, je témoigne que la Messe est ce qui fait que n’importe où dans le monde, je me sens chez moi, parce que le Christ est là qui s’offre par amour, et que l’Église est là qui répond à l’amour par l’amour. L’Eucharistie est le pain des exilés, qui les rattache à leur vraie patrie.

Et voilà qu’en France même, dans notre propre pays, depuis un moment déjà, nous vivons comme un exil intérieur. C’est la condition chrétienne ordinaire, toute autre configuration ne peut être que provisoire ici-bas. Alors quoi ?

On se révolte, on prend les armes ? Non, évidemment. Ou bien alors, au contraire, on courbe l’échine en attendant que ça passe, on rase les murs en espérant passer sous les radars de la police de la pensée contemporaine ? Non plus. Y en a qu’ont essayé, ils n’ont pas eu de problème. Mais ils y ont perdu la foi. La leur, celle de leurs enfants. 

Et celle de leurs compatriotes qui ne voient pas pourquoi s’intéresser à une foi catholique que même ses défenseurs acceptent de voir piétinée du matin au soir. On s’exile pour de bon, dans un ailleurs plus favorable ? Non plus.

Que faut-il faire alors ? Être des saints.

Ne pas avoir peur de dire ce que nous sommes, ce que nous croyons, en qui nous croyons. 

Prêcher l’Évangile, par la parole et par l’exemple. Enseigner la foi chrétienne, à temps et à contretemps. Éduquer les enfants dans la foi de l’Église. Ne pas céder aux autres le terrain de l’art, de la pensée et de la parole publique pour se cantonner à la vie familiale. Ne pas se contenter paresseusement de dénoncer ou de condamner, mais répondre par une excellence incontestable, dans les domaines mêmes que nous avons abandonnés à l’adversaire.

Vivre de la Parole de Dieu reçue selon la Tradition de l’Église et non pas édulcorée pour être mise au goût du jour et des modes intellectuelles mortifères du moment. Vivre des sacrements, que Jésus a laissés à son Église, et en particulier de l’Eucharistie, et de la confession.

Tendre l’autre joue quand on nous attaque, bien sûr, mais en profiter pour ouvrir la bouche et proclamer la vérité qui libère.

Il nous faut enfin méditer ce qu’écrivait un auteur chrétien à la fin du IIème siècle, en pleine époque de persécution, dans un texte célèbre, L’épître à Diognète :

« [les chrétiens] obéissent aux lois établies, mais leur genre de vie l’emporte en perfection sur les lois. […] Ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et la manière de vivre, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur république spirituelle […] En un mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde.

L’âme est répandue dans tous les membres du corps comme les chrétiens dans les cités du monde. […] les chrétiens sont comme détenus dans la prison du monde : ce sont eux pourtant qui maintiennent le monde. 

Si noble est le poste que Dieu leur a assigné, qu’il ne leur est pas permis de déserter. » Amen.

fr. Jean-Thomas de Beauregard o.p.



Commentaires