SDF au Maroc : Dans l’enfer du froid et de l’indifférence


Rédigé par Siham MDIJI le Mercredi 27 Janvier 2021

Comme chaque hiver, les SDF vivent le calvaire quotidien du temps glacial qui sévit dans notre pays, car le gouvernement n’a toujours pas mis en place de stratégie préventive efficace. Une situation
qui a été fortement dénoncée par les députés Istiqlaliens à la première Chambre. Détails.



SDF au Maroc : Dans l’enfer du froid et de l’indifférence
Déjà malmenés par les effets ravageurs de la pandémie, les sans-abri, et/ou personnes sans domicile fixe (SDF) frôlent la mort quotidiennement suite au temps frileux qui sévit actuellement sur notre pays. Livrés à eux-mêmes, ces laissés-pourcompte continuent de chercher refuge dans les ruelles et les impasses des villes du Royaume, dorment sur des bouts de carton, des fois sans couvertures, s’exposant ainsi non seulement au danger du froid glacial, mais également aux risques d’infection au Covid. Une situation alarmante qui a été fortement dénoncée lors de la séance des questions orales adressées au gouvernement à la Chambre des Représentants, tenue lundi 25 janvier. 

Interrogée à ce sujet par la députée du groupe istiqlalien « Pour l’Unité et l’Egalitarisme », Khadija Redouani, la ministre de la Solidarité, du Développement social, de l’Égalité et de la Famille, Jamila El Moussali, a indiqué que quelque 160 centres d’accueil ont été mis en place pour abriter les sans-abri à travers le Royaume. Depuis le début de la crise sanitaire, 6000 personnes bénéficiaires ont été accueillies dans ces centres, a-t-elle précisé, rappelant que cela fait l’objet d’une coordination entre le gouvernement et les autorités locales. Un effort louable, certes, mais qui reste en deçà des besoins de notre pays en la matière, surtout que la crise sanitaire aurait mis bon nombre de Marocains dans la rue.

Avec l’exacerbation de la baisse structurelle du taux d’activité, la chute du taux d’emploi et le renversement de la tendance baissière du taux de chômage, les indicateurs du marché du travail ont atteint des niveaux alarmants, accentuant davantage la précarité et la pauvreté des ménages. 

Raison pour laquelle les élus de la nation, particulièrement ceux du Parti de l’Istiqlal, ont critiqué le manque d’approche préventive du gouvernement, dépourvu d’une vision claire pour régler définitivement ce fléau qui sévit chaque année.

Un problème structurel
Par ailleurs, Jamila Moussali a indiqué que l’accueil des personnes sans-abri ne constitue pas l’unique défi puisqu’il faut assurer également un suivi de leur situation. Dans ce sens, elle a déclaré que les opérations d’accompagnement menées par les autorités compétentes ont permis de rendre 4000 personnes jetées à la rue à leurs familles grâce à la médiation. Or, «pour remédier aux problèmes des SDF, il faut surtout veiller sur leur intégration dans le tissu social, notamment à travers les programmes d’insertion professionnelle», nous indique Nisrine Laouzi, Présidente de l’association « Koulna maak», chargée de l’accompagnement des sans-abri (voir 3 questions à…).

Cela dit, les efforts entrepris par les autorités demeurent limités et à faible impact, ont estimé les députés, du fait que le problème des SDF au Maroc est «structurel». Ils ont donc appelé le gouvernement à sortir de l’approche des solutions partielles vu que ce problème se pose chaque année et se répète à mesure que les années se succèdent sans que le gouvernement ait trouvé une solution définitive. 

Ainsi, des voix se sont élevées pour inclure cette population négligée dans le régime de protection sociale. Une mesure envisageable dans le plan de généralisation de la protection sociale dont le chantier commencera cette année.

3 questions à Nisrine Laouzi, Présidente de l’association «Koulna maak»

Nisrine Laouzi
Nisrine Laouzi
« Les personnes en situation de rue sont le résultat de politiques défaillantes et de rudes expériences »

Nous avons contacté Nisrine Laouzi, Présidente de l’association «Koulna maak», active dans le soutien humanitaire des SDF, pour nous parler de la situation des sans-abri au Maroc. 

- Pouvez-vous nous parler de la situation des SDF dans la région Rabat Salé Kénitra en ces temps de crise ?
- La crise sanitaire a eu de multiples répercussions sur le quotidien des sansabri, au point même de dire que la pandémie est une catastrophe sociale et psychologique, du fait qu’elle aggrave l’isolement social de cette partie vulnérable de la population. La crise Covid a changé le quotidien des personnes sans- abri et sans domicile fixe. Du jour au lendemain, les mosquées, les bains maures, les restaurants et les cafés, qui étaient des lieux de survie, ont été fermés. Il est devenu donc impossible d’avoir accès aux services d’hygiène de base tels que toilettes ou encore l’eau potable. Aujourd’hui bien que les restrictions ont été réduites, le quotidien des SDF demeure difficile, surtout avec le couvre-feu.

- Comment expliquer qu’une partie de la population, aussi minime soit-elle, vive un tel calvaire ?
- Les personnes en situation de rue sont le résultat de politiques défaillantes du ministère de la Solidarité, du Développement social, de l’Égalité et de la Famille et de rudes expériences. Tous les acteurs nationaux doivent conjuguer leurs efforts afin d’assurer la protection de cette catégorie de la société en vue de réaliser la justice et la solidarité sociales. En dépit des efforts déployés cette frange de la société partage un destin inconnu et fait face à des souffrances quotidiennes, notamment durant les circonstances exceptionnelles découlant de la pandémie, d’où l’importance de la mise en place, et en urgence, d’une approche globale et intégrée en vue de trouver des solutions radicales et assurer la réinsertion de ces personnes dans la société.

- En tant que société civile, dans quelles mesures contribuez-vous à l’accompagnement de ces laissés-pour-compte ?
- Nous avons trois équipes de quatre bénévoles avec des coordinateurs, formés à cet effet, puisqu’il y a des risques de maladies contagieuses ou d’agression. On évite le port des gilets, mal vus par les sansabri. Chaque équipe travaille dans un quartier où une vingtaine de sans-abri se trouvent. La première équipe se charge de l’enquête sociale, en remplissant des formulaires prévus à cet effet. La deuxième équipe comprend un psychiatre, un infirmier et des assistantes sociales ou des personnes qui ont de l’expérience dans le domaine associatif.

Ensuite, une autre équipe intervient et se présente au nom de l’association. De plus, nous distribuons des couvertures, des habits et des repas. Les personnes malades ou blessées sont transportées aux hôpitaux pour recevoir les soins nécessaires. En période de confinement, nous avons doté les sans-abri de téléphones portables pour rester en contact avec eux, au moment où personne ne doit être dans la rue. Au niveau de l’association «Koulna maak», nous passons de l’action sociale au travail social. Nous avons une stratégie que nous développons pour y arriver. La personne qui vit dans la rue ne peut pas s’adapter facilement au mode de vie normale. Ils sont des victimes. Il faut les comprendre et leur donner raison.

Recueillis par S. M.

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