Une vraie catastrophe écologique :
Un reportage Arte dénonce le trafic de sable au Maroc.
Dans un reportage publié récemment sur son site, la chaîne française Arte dénonce l’extraction illégale de sable au Maroc par des promoteurs immobiliers peu scrupuleux des lois et de l’environnement.
« Au pied des falaises de Larache, près de Tanger, personne ne vient à la plage. D’ailleurs, il n’y a plus de plage et depuis longtemps. Ici, hommes et animaux travaillent sous les cris, sous les coups. Des ânes, des bêtes de somme. De jeunes adolescents travaillent tout en bas de l’échelle d’un trafic très rentable: le trafic de sable qui maintient les petites mains dans la survie et la peur », commence ainsi le reportage intitulé « Maroc: la razzia sur le sable », publié sur la plateforme Arte TV le 22 janvier dernier (disponible jusqu’au 28 novembre 2023).
Dans son reportage filmé il y a deux ans, la chaîne revient sur le phénomène des marchands de sable clandestins qui servent les intérêts de promoteurs immobiliers vénaux. Aux premiers jalons de cette mafia, de jeunes adolescents ou adultes démunis qui ramassent le sable dans des paniers transportés à dos d’âne, un travail « caché », rémunéré environ 65 DH la journée.
Pas si caché que ça, révèle la journaliste Sophie Bontemps qui énonce que « tout le monde connaît l’existence de ce trafic dans la région ».
« Le sable, lentement, disparaît des plages. A Larache, comme partout sur le littoral marocain. L’extraction sauvage et illégale existe dans tout le pays. L’explosion de la construction a créé un marché clandestin. Puisqu’il est essentiel à la construction, le sable devient une matière précieuse et rentable. Après l’eau, c’est la deuxième matière première la plus recherchée et la plus consommée sur la planète. Il faut 2/3 de sable et de gravier, et 1/3 de ciment pour produire un volume de béton », explique-t-elle.
Dans un pays où la spéculation immobilière va bon train, le sable apparaît comme un marché juteux avec les risques de dérive que cela implique. Plus que le sable de plage, c’est le sable des dunes qui est convoité car dépourvu de chlorure de sodium, un composant qui, présent en trop grande quantité dans le sable, peut nuire à la qualité du béton, voire à terme le fissurer. Chaque année, le secteur du bâtiment dénombre près de 60.000 accidents. Un bâtiment s’effondre à Casablanca tous les trois mois.
« L’informel représente 55% des sables qui circulent au Maroc »
La caméra d’Arte lève le voile sur le vol du sable des dunes au sud de Casablanca, et met un coup de projecteur sur le combat d’une femme, Nadia (prénom modifié). « Ca fait maintenant cinq ans qu’ils sont là… il y avait des arbres avant, ils chassent tout le monde d’ici. Ils ont conquis cet endroit », témoigne cette femme vivant à proximité des dunes et qui souligne pourtant l’existence d’une loi de protection du littoral.
Pour s’être opposée à leurs activités illégales, Nadia s’est faite frappée violemment par les trafiquants, ainsi que sa famille. « Ils font régner la terreur ici. On a qu’à se taire, ils nous disent qu’on ne peut rien faire, rien », témoigne à son tour un parent de Nadia. Pour avoir filmé les trafiquants en question, les journalistes sont retenus au bureau du gouverneur local. « Le trafic des dunes est bien protégé et en haut lieu », conclut la reporter.
Aïcha Benmohammadi, géologue interviewée par le média, raconte également avoir été menacée de mort pour son combat contre le trafic de sable. « L’informel représente 55% des sables qui circulent au Maroc, soit plus de la moitié des 30 millions de tonnes achetées chaque année dans le pays », alerte la spécialiste qui attire l’attention sur le fait qu’il ne s’agit « peut-être même pas d’un sable propre à la construction ». « Certaines zones ne produisent que du décapage de la terre, vendu comme du sable. Nous n’avons aucune traçabilité avec l’informel ».
L’experte met également en garde au sujet des répercutions de ce trafic sur l’environnement : « la plage met plusieurs années à récupérer ».
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