Ce pasteur américain qu’Erdogan envisage d’« échanger » contre Fethullah Gülen.

Ce pasteur américain qu’Erdogan envisage d’« échanger » contre Fethullah Gülen.

Andrew Brunson, pasteur presbytérien de 48 ans, est incarcéré en Turquie depuis bientôt un an pour ses liens présumés avec le réseau de Fethullah Gülen, que les autorités turques considèrent comme une organisation terroriste.

Jeudi 28 septembre, le président turc a annoncé qu’il ferait libérer le pasteur américain en échange du retour en Turquie de Fethullah Gülen, exilé aux États-Unis depuis 1999.


Fethullah Gülen, le célèbre prédicateur exilé aux États-Unis depuis 1999 est demandé par Erdogan « en échange » du pasteur Andrew Brunson, emprisonné en Turquie depuis un an.
 
Fethullah Gülen, le célèbre prédicateur exilé aux États-Unis depuis 1999 est demandé par Erdogan « en échange » du pasteur Andrew Brunson, emprisonné en Turquie depuis un an. / Thomas Urbain/AFP
Faut-il vraiment prendre cette déclaration au sérieux ?
Lâchée lors d’un discours devant des policiers au palais présidentiel d’Ankara jeudi 28 septembre, la petite phrase a en tout cas fait mouche. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a en effet annoncé qu’il était prêt à échanger Andrew Brunson, un pasteur américain emprisonné en Turquie depuis octobre 2016, contre Fethullah Gülen, le célèbre prédicateur exilé aux États-Unis et auquel le pouvoir turc impute le putsch manqué de juillet 2016.


« "Rendez-nous le pasteur", disent les Américains. Mais eux aussi ont un pasteur. Qu’ils nous le donnent », a déclaré le président Erdogan lors de ce discours retransmis à la télévision. « Nous le jugerons (Andrew Brunson, NDLR.) et nous vous le donnerons. Celui que nous avons est en procès. Le vôtre (Fethullah Gülen, NDLR.) ne l’est pas, il vit en Pennsylvanie. Vous pouvez facilement le donner. Vous pouvez le donner immédiatement. »
Un décret-loi publié en août en Turquie confère au président le pouvoir d’autoriser l’extradition d’étrangers en échange de Turcs détenus ou condamnés à l’étranger, si une telle mesure est « nécessaire pour la sécurité nationale ou dans les intérêts du pays ».

Vingt-trois ans en Turquie

Mais qui est ce religieux américain dont le sort semble soudain se retrouver lié à celui de l’ennemi numéro un du pouvoir turc ? Andrew Brunson, 48 ans, est un pasteur presbytérien originaire de Caroline du nord. Il y a vingt-trois ans, il est venu s’installer en Turquie avec son épouse Norine, dans la ville côtière d’Izmir, à l’ouest du pays. Il est devenu le pasteur de l’Église de la Résurrection, petite paroisse presbytérienne de moins d’une quarantaine de fidèles. Les trois enfants du couple font leurs études aux États-Unis.
 

 Sur la page Facebook qu’elle a créée peu après l’incarcération de son mari, Norine Brunson rappelait jeudi 28 septembre l’approche du premier anniversaire de son arrestation. « Le 7 octobre, cela fera un an qu’Andrew est en prison et je suis très reconnaissante à l’Église presbytérienne évangélique d’avoir appelé à la prière et au jeûne pour le week-end des 7 et 8 octobre. » Sur cette page Internet, Norine Brunson invite régulièrement les soutiens de son mari à prier pour sa libération. Elle leur demande aussi des dons pour payer le loyer de leur église à Izmir.

Prosélytisme ou terrorisme ?

Lors de son arrestation en octobre 2016 avec sa femme, quant à elle rapidement libérée, Andrew Brunson a d’abord été accusé d’activités prosélytes « présentant une menace pour la sécurité nationale ». Puis, il a été soupçonné de « faire partie d’une organisation terroriste armée ». Il a alors été déplacé dans un centre antiterroriste à Izmir, à partir du mois de décembre.

Pour les associations, notamment protestantes, qui demandent sa libération (dont le Centre américain pour la loi et la justice, à l’origine d’une pétition ayant déjà recueilli 350 000 signatures), il n’existe aucun lien entre Andrew Brunson et Fethullah Gülen, imam de 76 ans. Certains soutiens du pasteur américain disent douter qu’un chrétien évangéliste puisse être membre d’une organisation religieuse musulmane et assurent qu’il a plutôt été emprisonné « à cause de sa foi chrétienne ».
Rappelons néanmoins que les adeptes de Fethullah Gülen sont ouverts au dialogue avec les autres religions et que cette confrérie organise même des « forums interreligieux ».

Sa libération, une « priorité »

Le vice-président américain Mike Pence, de même que le secrétaire d’État Rex Tillerson, ont déjà évoqué l’affaire Brunson auprès de responsables turcs. Le premier aurait même assuré, dans une lettre adressée à l’épouse du pasteur, que sa libération est une « priorité pour le gouvernement américain ».
Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont été arrêtées en Turquie depuis la tentative de coup d’État de juillet 2016, à partir d’éléments semblant parfois très arbitraires.






Par Mélinée Le Priol

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