Ce livre d'Hillary Clinton qui embarrasse les démocrates.
Dans son nouveau livre «What Happened» (Ça s'est passé comme ça,
Fayard, 20 septembre), la candidate malheureuse à la présidentielle de
2016 revient sur sa défaite, avec une dose d'autocritique, mais pas
seulement.
Hillary Clinton
est de retour… avec un livre qui suscite une vraie curiosité, mais qui
fait trembler son camp, visiblement peu enthousiasmé par l'idée de voir
l'ex-candidate démocrate vaincue se lancer dans une tournée de promotion
de 4 mois, destinée à ausculter sa défaite, encore et encore.«Cela arrive peut-être au pire moment possible, alors que nous essayons de rassembler le parti et d'avancer», a déclaré sans ambages au journal Politico le Représentant Jared Huffman, un démocrate de Californie, qui s'inquiète de l'idée de ressasser les erreurs et les rancœurs, à l'approche des élections de mi-mandat de 2018. Une réaction apparemment très partagée à travers le camp libéral.
Un bilan de l'échec n'est pourtant pas un luxe pour un parti démocrate qui reste si obsédé par la personnalité de Donald Trump, qu'il semble avoir fait jusqu'ici l'économie d'une mise à plat de la défaite. Mais bien peu sont convaincus qu'Hillary Clinton est la bonne personne pour établir le diagnostic.
Elle le dépeint comme un personnage grossier et brutal, et évoque notamment son deuxième face-à-face avec lui, pendant la campagne, à Saint Louis dans le Missouri, alors qu'il était sous le coup de la publication d'une vidéo privée le montrant en train de tenir des propos de corps de garde sur les femmes dix ans auparavant. «Il me suivait où que j'aille, il me fixait des yeux, il grimaçait.
C'était incroyablement gênant. Il me soufflait littéralement dans le dos, j'en avais la chair de poule», écrit l'ex-candidate.
Elle raconte s'être demandée quoi faire face à cette tentative d'intimidation psychologique: «Que feriez-vous à ma place? Resteriez-vous calme, souriante, comme s'il ne mordait pas constamment sur votre espace? Ou bien vous retourneriez-vous pour le regarder dans les yeux et lui dire, haut et fort: “Reculez, sale type, éloignez-vous. Je sais que vous adorez intimider les femmes, mais vous ne m'intimiderez pas, alors reculez”», note Hillary dans son ouvrage, rappelant qu'elle a choisi de faire comme si tout allait bien.
L'ancienne First Lady évoque aussi le moment, stupéfiant et douloureux où elle dut appeler Donald Trump pour reconnaître sa défaite. «J'ai félicité Trump et offert de faire tout ce que je pourrais pour rendre la transition plus facile, écrit-elle. C'était parfaitement aimable et étrangement ordinaire, comme appeler un voisin pour lui dire qu'on ne pourrait pas venir à son barbecue. Ce fut heureusement très bref ... J'étais engourdie. Tout était si choquant».
Après le mea culpa, la critique en règle
Dans les quelques extraits du livre qui ont percé dans la presse américaine (les épreuves ont été jusqu'ici jalousement réservées aux journaux d'outre-Atlantique), Clinton affirme vouloir assumer sa responsabilité. «Je reviens sur mes défauts et les erreurs que nous avons faites, je les assume tous.On peut toujours accuser les statistiques, le message, tout ce que l'on veut, mais c'était moi la candidate. C'était donc mes décisions», reconnaît-elle. Hillary dit notamment regretter «sa stupide idée» d'avoir eu un email et un serveur privé quand elle était secrétaire d'État, elle critique ses discours payés devant des cercles de banquiers de Wall Street, et surtout, plus que tout, son meeting annonçant aux mineurs de Virginie occidentale que le charbon représentait le passé…
Elle affirme qu'elle n'a pas vu venir la force de la vague populiste qui montait. «Je menais une campagne traditionnelle, avec des politiques mûrement réfléchies et des coalitions construites de longue date, tandis que Trump orchestrait une émission de téléréalité qui jouait avec expertise sur la colère et le ressentiment des Américains», analyse-t-elle.
Le «mea culpa» laisse vite une large place chez elle à une critique en règle de tous ceux qui ne l'ont pas aidée, et de tout ce qui, de son point de vue, ne dépendait pas d'elle. Elle attaque sans ciller l'ancien vice-président Joe Biden pour son manque de soutien et multiplie aussi les critiques contre Bernie Sanders, son rival de la primaire, qui fut la vraie vedette de la campagne démocrate, tandis qu'elle faisait figure d'héritière en titre, soutenue par l'establishment. Si l'on en croit la critique du livre publiée par CNN, Hillary continue de croire que le «sexisme» de la société américaine a joué en sa défaveur, oubliant le fait qu'une majorité de femmes a aussi voté contre elle.
Clairement, Hillary Clinton persiste à affirmer que l'ancien patron du FBI James Comey est largement responsable de la dégringolade qu'elle a subie dans la dernière ligne droite de la campagne, quand il a brusquement relancé l'affaire des emails, en annonçant la saisie de l'ordinateur de sa plus proche collaboratrice Huma Abedin. «Sa lettre a totalement changé mon image», écrit-elle. Clinton reste également persuadée que la Russie lui a volé l'élection, en organisant un hacking du parti démocrate.
L'un de ses regrets est de ne pas avoir pu remettre Vladimir Poutine à sa place, puisqu'elle n'a pas été élue… «Je sais qu'il doit se réjouir de tout ce qui s'est passé.
Mais il n'a pas encore eu le dernier mot», écrit Hillary. Elle semble penser que Barack Obama a répondu trop faiblement au hacking, et se demande même si une réponse plus musclée aurait pu changer les choses… «Écoutez, la secrétaire d'État Clinton était en piste contre le candidat le plus impopulaire de l'histoire de ce pays et elle a perdu», a répliqué Bernie Sanders chez l'amuseur Stephen Colbert, pour lui faire comprendre qu'elle ne devait s'en prendre qu'à elle-même. «Elle n'est pas contente, je peux comprendre ça», ajoute-t-il, cruel.
Pour Hillary, l'une des questions les plus douloureuses concerne sa relation avec l'électorat, qui ne l'a jamais aimée. «Qu'est-ce qui fait de moi un bouc émissaire? Je me le demande vraiment, je n'arrive pas à comprendre», demande-t-elle à ses lecteurs sur un ton désarmant. «C'est en partie parce que je suis une femme», finit-elle par conclure, une hypothèse qui occulte son incapacité, soulignée par maints observateurs, à connecter avec le pays malgré son expérience et ses qualités de battante. E
lle profite de sa tribune pour affirmer que son mariage est «une vraie réalité», «pas un mariage de papier», comme beaucoup le pensent.
Elle évoque son mari Bill, lisant son manuscrit par-dessus son épaule dans la cuisine, avec les chiens assis sous leurs pieds.
«Dans une minute, il va réorganiser nos livres pour la millionième fois, mais ce n'est pas grave, parce qu'il adore ça», écrit-elle non sans tendresse.
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