Netanyahu, inapte à exercer ses fonctions, entraîne Israël « à sa perte » – Nadav Argaman
Disant que le Premier ministre est directement responsable "de la plus grande catastrophe" de l'histoire, l'ex-chef du Shin Bet estime que ce dernier doit partir - ou que les choses risqueront de "très, très mal" tourner
L’ancien responsable des services de sécurité intérieure du Shin Bet, Nadav Argaman, a vivement critiqué le Premier ministre Benjamin Netanyahu dans un entretien accordé à la Douzième chaîne qui a été diffusé jeudi, disant que Netanyahu était responsable de l’assaut meurtrier qui a été lancé par le groupe terroriste sur le sol israélien, le 7 octobre – un assaut qui, selon lui, a été « la pire catastrophe jamais survenue depuis la fondation de l’État ». Il a ajouté que le Premier ministre menait Israël « à sa perte ».
« Netanyahu est inapte à l’exercice de ses fonctions de Premier ministre », a dit Argaman devant les caméras de l’émission de journalisme d’investigation Uvda.
Réclamant des élections anticipées rapidement, Argaman, qui a dirigé le Shin Bet entre 2016 et 2021 – il a effectué la plus grande partie de ses mandats sous des gouvernements de Netanyahu – a affirmé que « moralement, il ne peut pas se représenter. Il est responsable d’un échec monumental. Il est responsable. Personne d’autre… Quelqu’un qui n’assume pas la responsabilité d’un échec de cette ampleur n’est pas apte à être un leader pour le peuple Juif ».
Israël, a-t-il continué, « se dirigeait déjà vers l’abysse et si Bibi Netanyahu ne quitte pas ses fonctions – ce sera notre perte… Je pense que si l’État d’Israël ne se ressaisit pas rapidement, les choses, pour nous, vont tourner très, très, très mal ».
Argaman a expliqué que Netanyahu était entièrement responsable d’une politique qui avait renforcé le Hamas au fil des années, en donnant au groupe terroriste des millions de dollars en provenance du Qatar pour acheter le calme tout en lui permettant de se préparer à l’attaque massive qui devait avoir lieu, le 7 octobre, et de développer ses moyens. Argaman a noté que lorsque lui-même était à la tête du Shin Bet, le Premier ministre avait rejeté, de manière répétée, ses propositions portant sur une politique plus agressive à l’égard du Hamas, et notamment sur l’élimination de ses dirigeants.
« C’est quelque chose que nous avons fortement encouragé en présentant notamment des plans d’opération. Je n’en dirai pas plus », a-t-il raconté. « Mais Bibi, de son côté, préférait affaiblir l’Autorité palestinienne ».
L’ancien responsable de la sécurité a aussi accusé Netanyahu d’avoir ignoré l’avis de longue date du Shin Bet face à la situation – les services estimaient que le Hamas n’avait nullement renoncé à l’idée d’attaquer Israël.
« Au bout du compte, la stratégie adoptée pour la sécurité nationale, de la part de Bibi, a été un échec tout au long de la dernière décennie », a-t-il déclaré.
Argaman a aussi attribué la responsabilité de l’assaut du Hamas au plan de refonte radicale du système judiciaire qui avait été avancé par le gouvernement de Netanyahu, un projet très controversé.
« Ce gouvernement est finalement à l’origine du 7 octobre parce que la réforme judiciaire, c’est ce qui a entraîné, aux yeux de nos ennemis, l’affaiblissement d’Israël », a-t-il continué.
« Bibi a délibérément divisé la société israélienne pour mieux régner », a conclu Argaman. « Et pour que nous puissions aujourd’hui sortir du gouffre, il n’y a qu’une seule condition : celle que nous puissions remplacer ce gouvernement désastreux ».
Alors qu’il lui était demandé s’il était envisageable d’organiser un nouveau scrutin pendant une guerre, l’ancien chef du Shin Bet a répondu que « je pense que la guerre est terminée. Nous combattons toujours mais nous ne sommes pas en guerre ». Il a fait remarquer que seulement « de petits groupes » de soldats se trouvaient encore à Gaza. « C’est déjà hier qu’Israël aurait dû se rendre aux urnes », a-t-il estimé.
« Finalement, celle qui renversera ce gouvernement, c’est la population », a poursuivi Argaman, établissant clairement qu’il n’avait aucunement l’intention de se présenter. « Sinon, cette guerre – ou ce que Netanyahu appelle la guerre – continuera » jusqu’au prochain scrutin.
Le Premier ministre, a indiqué Argaman, « est un homme très intelligent, un homme très capable, un homme à l’esprit vif – mais c’est un homme qui agit dans son intérêt propre et pour sa survie politique ».
Argaman a affirmé que Netanyahu « a été le responsable, dès le début » des échecs qui ont entraîné le 7 octobre.
« Tout est parti du moment où il a laissé le ministre de la Justice Yariv Levin prendre la tête de cette refonte démente du système de la justice et tout est aussi parti de ces ministres délirants qu’il a nommés : Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, avec l’un des deux qui détruit l’économie, l’autre qui détruit la sécurité nationale, et voilà ce à quoi nous ressemblons aujourd’hui ». L’ex-chef du Shin Bet faisait ici référence aux deux politiciens provocateurs d’extrême-droite qui occupent respectivement les fauteuils de ministre de la Sécurité nationale et de ministre des Finances dans son gouvernement actuel.
« Je me souviens d’une époque où Bibi parlait de Ben Gvir et de Smotrich avec un grand mépris », a-t-il ajouté. « Je ne peux que constater maintenant la manière dont il utilise Smotrich [au poste de ministre des Finances] même s’il sait que Smotrich et économie sont deux choses qui n’ont rien à voir ».
« Et qu’à donc à voir Ben Gvir avec la sécurité ? », s’est-il interrogé. « Ministre de la Sécurité nationale ? Peut-être le terme de ministre de la catastrophe nationale est-il plus approprié ».
Argaman, qui a fait une carrière de plus de 40 ans au Shin Bet, a dit, devant les caméras de la Douzième chaîne, qu’il n’aurait jamais pu penser que le Hamas serait capable de lancer un assaut aussi meurtrier lorsqu’il a quitté l’institution, au mois d’octobre 2021.
« Le système que je connaissais était différent », a-t-il expliqué. « Pourquoi est-ce arrivé, comment c’est arrivé, qu’est-ce qui a entrainé ce moment où nous avons été pris par surprise, où nous avons été conquis – et ce pendant un long moment ?… », s’est-il étonné, disant ne pas avoir de réponse à ces questions.
Interrogé sur les échecs des responsables de l’establishment de la sécurité, qui avaient discuté, quelques heures avant l’attaque, d’activités inhabituelles du Hamas qui étaient autant de signaux inquiétants mais qui n’avaient entrepris aucune action décisive, Argaman a noté que « je ne veux pas endosser le rôle de celui qui serait rétrospectivement sage en disant que ‘j’aurais fait ça, ça et ça’. Je ne sais pas comment répondre à ces questions. Tout ce que je peux dire, c’est ce que ce sont des gens très capables, très sérieux, avec une très grande expérience – et le fait est qu’ils ont agi comme ils ont agi. Pourquoi ? Je ne peux pas répondre à cela ».
Argaman a répété pendant la conversation et à plusieurs reprises que « je n’arrive pas à le comprendre. Je n’arrive pas à le comprendre ».
Il a aussi signalé que de son point de vue, le plus grand échec n’était pas l’absence de renseignement clair sur le complot du Hamas mais celui à passer à l’acte sur les quelques signes qui s’étaient toutefois présentés.
« Selon moi, le problème n’a pas été un problème de renseignement mais d’évaluation de la menace et de gestion du risque. En ce qui concerne les renseignements – obtenir un renseignement ‘en or’, cela relève de la loterie. Mais très souvent, vous prenez part à des évaluations sécuritaires quand il y a des signes qui semblent indiquer quelque chose, et on n’a parfois rien de plus que ces signaux… »
Il a aussi fait part de son profond étonnement face à l’incapacité de l’armée à répondre en temps et en heure à l’attaque, même si elle avait été prise par surprise.
« Les citoyens ont appelé à l’aide pendant une journée entière et personne n’est venu à leur secours », a déploré Argaman. « Je ne sais pas où les soldats pouvaient se trouver. Tout ce que je sais, c’est qu’ils n’étaient pas là ».
L’ex-haut-responsable a aussi indiqué que les chefs de la sécurité devront, eux aussi, tirer les leçons de leurs échecs et démissionner. Il a toutefois insisté sur le fait que Netanyahu devait se retirer avant tous les autres.
« Bibi ne peut pas nommer le prochain chef du Shin Bet. Il ne pourra pas nommer le prochain chef d’état-major », a-t-il asséné. « De mon point de vue, ce gouvernement n’a pas le mandat nécessaire pour désigner ceux qui dirigeront les institutions de la Défense ».
Alors qu’il lui était demandé s’il avait évoqué la question d’une possible démission avec son successeur, Ronen Bar, qui est le chef actuel du Shin Bet, Argaman a refusé de répondre.
« Ma crainte est que si Netanyahu désigne le successeur de Ronen, il nommera une personnalité susceptible de porter atteinte à la démocratie israélienne parce que je soupçonne personnellement Bibi de porter atteinte à la démocratie israélienne », a-t-il répondu.
« Il pourrait nommer un chef, au Shin Bet, qui permettrait à Bibi de continuer avec aisance son projet de refonte du système judiciaire », a fait remarquer Argaman qui a souligné que Bar avait averti le Premier ministre des dangers posés par le plan controversé, en particulier en raison des fractures entraînées dans la société israélienne qui étaient clairement apparues aux ennemis d’Israël sur le qui-vive.
Argaman a dit craindre que les personnalités susceptibles d’être nommées par Netanyahu ne viennent saper l’indépendance des agences, affaiblissant la démocratie israélienne.
« Le service des prisons s’est écroulé, la police israélienne est en train de s’écrouler et je m’inquiète de ce qu’il y ait une tentative d’utiliser le 7 octobre pour porter atteinte au Shin Bet et à l’armée israélienne », a poursuivi Argaman. Il a estimé que « si le Shin Bet et le système de la justice s’écroulent, alors c’est la démocratie israélienne qui s’effondrera ».
Alors que le journaliste lui demandait si, après le 7 octobre, il avait regretté d’avoir apporté son soutien aux Israéliens qui avaient menacé de ne pas se présenter au devoir de réserve pour faire part de leur opposition au plan de refonte radicale du système judiciaire, Argaman a répondu par la négative.
« On ne peut pas attribuer à un groupe de population tout entier la responsabilité des choses », a-t-il indiqué.
« Celui qui a été à la tête de la refonte du système de la justice, c’est Netanyahu, et celui qui a déterminé la population à descendre dans la rue pour s’opposer à un Israël qui deviendrait une dictature, c’est aussi Netanyahu », a-t-il expliqué, ajoutant qu’il n’avait jamais appelé clairement, pour sa part, à refuser le devoir de réserve.
Toutefois, Argaman a précisé « absoudre » ceux qui avaient menacé de refuser de rejoindre l’armée si nécessaire, estimant penser « qu’il est préférable de vivre avec un tel refus que de vivre avec la dictature ».
En réponse à l’interview, le Bureau du Premier ministre a accusé Argaman d’avoir encouragé le refus de servir. « C’est un activiste politique, l’un des leaders du mouvement de protestation qui cherche à renverser le gouvernement de droite ».
Il a affirmé que Netanyahu avait, en fait, approuvé l’avancée du plan visant à éliminer les dirigeants du Hamas pendant le conflit à Gaza, en 2021, mais qu’il s’était avéré, à ce moment-là, que ce projet était impossible à accomplir au niveau opérationnel.
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