« En 25 ans de règne, Mohammed VI a fait du Maroc une puissance régionale incontournable »

 

« En 25 ans de règne, Mohammed VI a fait du Maroc une puissance régionale incontournable »

 - / AFP

FIGAROVOX/TRIBUNE - Abdelmalek Alaoui, président de l’Institut marocain d'intelligence stratégique (think-tank), dresse le bilan du règne du roi du Maroc, à la tête du royaume chérifien depuis un quart de siècle et appelle la France et l'Europe à «soutenir de manière plus résolue» ce pays.

Abdelmalek Alaoui est essayiste et président du think-tank Institut Marocain d'Intelligence Stratégique.



Dans la fournaise estivale de 1999, quelques jours après avoir assisté au défilé du 14 Juillet sur les Champs-Élysées aux côtés de Jacques Chirac, le Roi Hassan II s'éteignait, transmettant le trône à Mohammed VI, son fils de 36 ans. 9000 jours plus tard, le jeune roi pressé de réformer son pays s'est mué en homme d'État dont l'action à la tête du royaume chérifien a transformé durablement la nation marocaine, hissant son pays au rang de nouvelle puissance régionale. Pour la France et pour l'Europe, soutenir de manière plus résolue ce partenaire essentiel au sud de la Méditerranée est vital pour la stabilité et la prospérité de l'hexagone comme du vieux continent. Voici pourquoi.

À son corps défendant, le Maroc s'est invité dans la récente campagne législative française. Comptabilisant des centaines de milliers de vues, la vidéo d'une militante du Rassemblement national affirmant qu'elle s'expatrierait pour aller «vivre au Maroc» si son parti ne remportait pas les élections a fait le buzz sur les réseaux sociaux. Au-delà de l'anecdote, cette saillie spontanée illustre la manière dont le royaume est désormais vu par de nombreux Français : une nation offrant à la fois stabilité, prospérité, et progrès. L'observateur ne peut s'empêcher de s'interroger : cette militante aurait-elle tenu les mêmes propos il y a 25 ans ? 

De fait, la progression remarquable du Maroc au cours du quart de siècle écoulé a été largement documentée et commentée par les médias de l'hexagone. Mezzo voce, certains commentaires sceptiques ont laissé la place à des analyses plus enthousiastes. En 2019, 20 ans après l'accession au trône de Mohammed VI, l'hebdomadaire Le Point consacrait sa une au royaume chérifien en le qualifiant de «Nouvelle Puissance».

 Dans l'imaginaire collectif, le statut du pays bascule. Mais cela ne raconte en réalité qu'une partie de l'histoire. En effet, l'histoire contemporaine du Maroc ne se limite pas à un changement de statut ou d'image. Elle illustre une transformation profonde, d'ordre paradigmatique, qui a permis à cette vieille nation de 38 millions d'habitants, dépourvue d'hydrocarbures, de devenir un îlot de stabilité et de croissance dans une région instable.

Mohammed VI s'est appuyé sur sa double qualité de leader spirituel et temporel pour maintenir les permanences de la nation marocaine.

Abdelmalek Alaoui

Sur le plan politique, Mohammed VI a pratiqué six premiers ministres et chefs du gouvernement, couvrant l'ensemble du spectre politique, de la gauche aux libéraux en passant par les islamistes. Grâce à une capacité anticipatrice avérée, le Monarque réussira à gérer avec doigté le «printemps arabe» à travers une réforme constitutionnelle inédite qui sanctuarise une large redistribution des pouvoirs entre le palais et l'exécutif en 2011. Surtout, le Maroc fait figure d'exception dans le monde arabe, seul pays arabe à avoir appelé à la tête du gouvernement les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) pendant une décennie, avant que ces derniers ne quittent le pouvoir par les urnes - et non par les armes - en 2021. 

Agissant comme «arbitre et capitaine» lors de cette phase délicate, Mohammed VI s'est appuyé sur sa double qualité de leader spirituel et temporel pour maintenir les permanences de la nation marocaine. Rien de cela n'aurait été possible si un élan réformateur, ouvrant la voie à une nouvelle espérance, n'avait été insufflé dès les premiers pas du monarque. Mohammed VI a en effet entrepris très tôt des réformes significatives, allant parfois à contre-pied de sa propre opinion publique. En 2004, il a refondu le Code du statut personnel, connu sous le nom de Moudawana. 

Cette réforme a été un tournant majeur pour les droits des femmes au Maroc, en augmentant l'âge légal du mariage, en facilitant le divorce et en améliorant les droits des femmes en matière de garde des enfants et de succession. Mais il ne s'agissait pas pour autant d'un chantier figé. Une nouvelle génération de réformes en faveur de l'égalité hommes-femmes est en cours d'élaboration sous le leadership du roi. En 2004 également, Mohammed VI a créé l'Instance Équité et Réconciliation (IER), une commission chargée d'enquêter sur les violations des droits de l'homme commises sous le règne précédent. Cette initiative visait à réconcilier le pays avec son passé et à fournir une réparation aux victimes.

Parallèlement à cette dynamique réformatrice, sur le plan économique, la progression du Maroc en ce début de XXIe siècle est remarquable. Faisant sien l'adage voulant que «celui qui n'a pas de pétrole a des idées», Mohammed VI va piloter trois phases économiques distinctes en un quart de siècle. Les sept premières années de règne voient la prééminence du chantier intérieur, avec un effort massif en direction des infrastructures. 

C'est dans cette période 1999-2007 que le pays connaît une accélération spectaculaire des fondations indispensables pour l'émergence d'une économie moderne. Le Maroc passe rapidement de 100 km à plus de 1800 km d'autoroutes, atteint les 99% d'électrification, érige le plus grand port d'Afrique à Tanger, multiplie par cinq son maillage d'aéroports et de ports tout en fournissant un effort massif en matière de télécoms et de digitalisation. 

Paris et Bruxelles ont besoin que le Maroc puisse continuer à jouer son rôle de stabilisateur régional et de pôle de prospérité économique.

Abdelmalek Alaoui

Par la suite, l’année 2007 constitue un tournant à la fois sur le plan industriel et commercial et inaugure la seconde séquence qui durera une décennie. En inaugurant l'usine Renault de Tanger qui produit notamment l'emblématique Dacia, le royaume chérifien pose cette année-là le premier jalon d'une «success-story» dans l'automobile qui en fait aujourd'hui l'un des premiers producteurs de la Méditerranée. Il ouvre aussi la voie à d'autres industries plus complexes, telle que l'aéronautique. Résultat : en 2024, chaque nouvel avion produit dans le monde contient au moins une composante fabriquée au Maroc, dont des pièces complexes de réacteur. 

Parallèlement, alors que la croissance de son partenaire traditionnel européen s'essouffle du fait de la crise financière mondiale, le roi du Maroc décide dès 2008 d'orienter le pays vers le sud en poussant les entreprises du pays à investir en Afrique subsaharienne. En moins de quinze ans, à la faveur d'opérations de croissance externe, les banques, assurances, et autres entreprises du BTP marocaines vont se développer sur le continent, construisant une présence substantielle d'abord en Afrique de l'Ouest, puis sur la façade orientale du continent. En 2019, le Maroc devient le premier investisseur en Afrique de l'Ouest et le second à l'échelle du continent.

Constatant les limites, notamment sociales, de cette croissance économique à marche forcée qui a permis l'émergence d'une classe moyenne mais a accru les écarts, Mohammed VI initie en 2020 un ambitieux programme de protection sociale pour tous les Marocains, visant à réduire les inégalités et à améliorer les conditions de vie de millions de citoyens. Ce programme inclut une couverture médicale universelle, l'extension des allocations familiales et la généralisation des pensions de retraite et des indemnités pour perte d'emploi. 

Ce projet bénéficiera à 22 millions de Marocains, soit environ 60% de la population, d'ici à 2025. De surcroît, en décembre 2023, le Maroc a lancé la mise en place des aides sociales directes, un dispositif destiné à remplacer le système peu efficace de subventions généralisées. Ce nouveau mécanisme vise à apporter un soutien financier direct aux ménages les plus vulnérables, en ciblant mieux les besoins spécifiques de chaque foyer. Les aides sociales directes sont conçues pour être plus transparentes et plus équitables, garantissant que les ressources publiques atteignent ceux qui en ont le plus besoin.

Les Marocains et le Maroc ne font pas figure d'exception dans leurs aspirations et leurs défis. S'il reste certes au royaume du chemin à parcourir pour atteindre ses objectifs de développement, la confiance que portent les marocains dans leur système, qui ne travaille pas pour les temps courts, mais pour l'éternité, est indéfectible. Dans une région traversée par des périodes de forte instabilité, le royaume chérifien apparaît ainsi comme la seule nation jouissant de la stabilité institutionnelle et macroéconomique, tout en progressant de manière substantielle sur quasiment tous les plans. 

Ceci lui confère une importance cruciale pour l'équilibre de la Méditerranée, la sécurité de la France, ainsi que la prospérité de l'Europe dans son ensemble. En effet, alors que les enjeux de pression migratoire du sud vers le nord s'accroissent et que les incertitudes sécuritaires au Sahel s'intensifient, Paris et Bruxelles ont besoin que le Maroc puisse continuer à jouer son rôle de stabilisateur régional et de pôle de prospérité économique. 

Au cours des vingt-cinq dernières années, Mohammed VI a réussi à doter son pays de cette double qualité, en faisant désormais la nouvelle puissance régionale incontournable. 

 

 

Commentaires