Chauffeurs de taxis et propagation de l’ignorance et de l’extrémisme

Chauffeurs de taxis et propagation de l’ignorance et de l’extrémisme

Par Ahmed Assid
Certains chauffeurs de taxis sont devenus des prédicateurs religieux, des érudits et des muftis. A force d’écouter, tout au long de la journée, des enregistrements religieux ou des émissions radiophoniques purement religieuses souvent étranges et, en raison de l’existence d’un « public » parmi les clients qu’ils transportent, leur passe-temps préféré est devenu de profiter la présence de ces clients pendant quelques minutes pour les « guider sur le droit chemin ». Il semble que le chauffeur de taxi considère que faire écouter aux clients les leçons de l’extrémisme fait partie de la bonne action qui est récompensée par Dieu et qui s’ajoute à la récompense d’ici bas que représentent les dirhams du client.
Le plus étrange est le grand bavardage et le manque de pudeur dont font preuve certains conducteurs à l’égard de leurs clients. C’est comme si on était devant un Imam ou un wali du temps des tyranniques walis ottomans. Et dans le meilleur des cas, si le client est chanceux, le chauffeur se contentera de lui faire écouter une partie d’un enregistrement des prêches de certains prédicateurs étranges. Je ne sais pas si cela fait partie des conditions de la profession ou non, mais il semble que c’est devenu une conduite courante au point que de nombreux citoyens s’en sont plaints.
Une dame s’est plainte d’un mauvais traitement de la part d’un chauffeur de taxi à cause de sa tenue. De même qu’un ancien journaliste s’est plaint d’un chauffeur de taxi qui a refusé de réduire le volume de la radio et a demandé au client de sortir du taxi lorsque ce dernier a persisté dans sa demande. Et il y a des clients qui sont arrivés au point de trainer le chauffeur au poste de police le plus proche à cause de la radio ou de la prédication religieuse féroce et inhumaine.
Quant à mon histoire, c’est la suivante : Il y a quelques jours, j’ai pris un taxi dans une des grandes villes et dès que j’ai pris place à côté du chauffeur- par coïncidence un groupe de jeunes filles portant différents instruments de musiques venaient de passer- il a commencé à blâmer la réalité noire qui le fait vivre dans une société où les femmes sortent pour jouer de la musique sans gardien ou protecteur. Sauf que j’étais assez vigilent pour l’arrêter avant de poursuivre son discours délirant.
Je l’ai coupé pour lui rappeler que la civilisation islamique était connue, au plus fort de sa prospérité aux IIème et IIIème siècles et de ses savants des grandes écoles de pensée, par le foisonnement des arts de la musique et du chant, en ce sens que les odalisques chanteuses étaient très réputées et leurs prix avaient des sommes colossales, dont plusieurs parmi elles étaient même à La Mecque. Le chauffeur a répondu par un silence profond qui a duré un certain temps avant de lancer l’enregistrement du prêche d’un prédicateur religieux qui m’a fait bénéficier d’une grande leçon et c’est ainsi qu’en moins de 10 minutes, j’ai appris beaucoup d’idées brillantes « scientifiques » qui seront pour moi, sans doute, fort utiles pour la vie et dont je ferai bénéficier les gens autour de moi.
Le prêche du prédicateur portait sur la langue arabe et la nécessité d’en prendre soin, et pour nous convaincre de la valeur de l’arabe et de la nécessité de la promouvoir. L’érudit a avancé les arguments suivants qui montrent l’abondance de sa « connaissance » et de la profondeur de sa connaissance :
– C’est la première langue qui est apparue avant l’apparition de toutes les autres langues, pour preuve c’est la langue dans laquelle Adam (le Père de l’humanité) a parlé quand il est venu sur terre (sic !).
-C’est la langue des gens du Paradis, qui sera parlée par les gens pendant qu’ils vivent dans la béatitude, et le prédicateur n’a pas mentionné la langue des gens de l’enfer, peut-être parce la dureté du lieu où ces derniers se trouvent ne leur laisse pas le temps de communiquer entre eux.
-Et parmi les choses insolites évoquée par le prédicateur est que le génie de la langue arabe c’est qu’elle n’a pas changé, elle est restée jusqu’à nos jours telle qu’elle a été utilisée dans le Coran et dans la poésie antique, alors que l’anglais a beaucoup changé ce qui montre ses faiblesses. (Devons-nous rire ou pleurer, ou juste nous lamenter et nous taire ?).
-C’est une langue riche en synonymes, et le prédicateur a cité des exemples de noms que les Arabes d’avant l’Islam accordaient aux choses qui les entourent dans leur désert, qui est désigné par de nombreux noms, c’est une richesse sans égale et qui n’existe pas dans d’autres langues bien sûr !
Citoyennes, citoyens, discutez avec quelques chauffeurs de taxi et ne les laissez pas dans leur ignorance afin qu’ils ne la transmettent pas aux gens et faire encore empirer notre situation, et vous aurez une grande récompense.

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