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Les présidents changent en Algérie, mais pas le régime. Certes, c’est une affaire interne d’un pays voisin et cela ne nous concerne pas. Cependant, le discours véhiculé par ledit régime envers le Maroc et les faits restent inébranlables et inamovibles depuis l’indépendance de notre voisin de l’Est.
Hélas, le régime algérien trouve encore son pendant dans la théorie de l’ennemi de Carl Schmitt. Une théorie qui trouve ses origines dans la philosophie politique hobbesienne ou machiavélienne qui repose sur le principe que le prince pour conquérir ou conserver le pouvoir doit reccourir à trouver un ennemi ou même à le créer en cas de besoin.
Aujourd’hui, le président algérien fraîchement élu, M. A. Tebbounne lors de son discours d’investiture adressé au peuple algérien (en mobilisation collective (Hirak) depuis 10 mois et qui réclame des changements tangibles de la politique interne) a certes proposé une feuille de route pour sortir de la crise de son pays, mais n’a pas raté l’occasion de tacler le Maroc en soulignant que l’affaire du Sahara « relève d’une question de décolonisation qui est entre les mains des Nations Unies et de l’Union africaine » et cette question « ne doit pas envenimer les relations avec les frères ».
Soit, il est utile de rappeler que le président algérien lors de sa campagne électorale avait précisé que le Maroc devait présenter des excuses concernant la fermeture des frontières terrestres entre les deux pays suite à l’attentat d’Atlas Asni à Marrakech en 1994 perpétré par des franco-algériens. Lesdits excuses sont la seule issue selon lui pour ouvrir les frontières terrestres entre le Maroc et l’Algérie.
A mon sens, il est temps d’enterrer ce discours « caduc » et ouvrir une page nouvelle avec l’Algérie, car les Marocains et les Algériens ne sont et ne seront jamais des ennemis.
Ce sont plutôt des cousins et des frères « Khaoua, Khaoua » comme disent les Algériens. Les liens de l’histoire, de la géographie et du sang entre ces deux peuples sont gravés depuis l’aube de l’histoire et le resteront à jamais.
Encore une fois, il est utile de rappeler à ceux qui détiennent le pouvoir chez nos voisins de l’Est, que le Maroc a été d’un grand soutien à l’Algérie lorsque cette dernière luttait pour son indépendance et ce à plusieurs niveaux. Le Maroc avait d’ailleurs reconnu le GPRA (Gouvernement provisoire de la République d’Algérie) en septembre 1958 et le FLN comme seul représentant de l’Algérie.
En effet, le Maroc témoignait une solidarité ininterrompue envers la cause algérienne, depuis son indépendance en 1956 jusqu’à l’indépendance de l’Algérie en 1962. Une assistance militaire et financière à l’ALN[1] a été mise en place.
D’ailleurs l’Armée de Libération Algérienne utilisait le territoire marocain comme plate-forme de relais pour ses troupes. Le Maroc avait également ouvert des bureaux du FLN et fournissait de l’argent pour l’achat de matériels, avec des sommes allant jusqu’à 250 millions de francs anciens. De même qu’il a apporté aussi une aide logistique pour le transport des armes pour le compte du FLN, à l’image du bateau Athos qui a été intercepté par la Marine française.[2]
L’appel du Roi Mohammed V à Oujda en août 1956 en faveur de la fin de la guerre de l’Algérie était limpide. Le Souverain marocain dans son engagement sans faille en faveur des Algériens et malgré les conséquences que cela pouvait entrainer, a reçu les chefs du Front de Libération nationale à Rabat où il fût décidé d’organiser la conférence maghrébine à Tunis. Un acte que la France n’a pas du tout apprécié et a même suspendu les négociations en cours pour la signature d’une convention financière et technique avec le Maroc.
L’événement du détournement de l’avion marocain le 22 octobre 1956, transportant les dirigeants algériens, notamment Ben Bella, Mohamed Khider, Ahmed Hocine, Mohamed Boudiaf et Mustapha Lacheraf, qui quittait le sol marocain en destination de la Tunisie et qui a été contraint d’atterrir à Alger pour les arrêter était un incident malencontreux dont les conséquences étaient très graves.
Sur le plan officiel, le Maroc, par la voie du président du Conseil par intérim, M’Hammedi, convoqua les chargés d’affaire de France, des États-Unis, et les ambassadeurs d’Espagne et de Grande Bretagne, et éleva auprès d’eux une ferme protestation contre le rapt des hôtes du Maroc[3]. Dans l’urgence et sans délai, le gouvernement marocain demanda des explications à la France le 23 octobre[4], la deuxième exigence du Maroc est faite le 25 du même mois, revendiquant que l’avion arraisonné revienne à sa base de Casablanca dans les délais les plus brefs, avec son équipage.[5]
Le Roi du Maroc se sentant trahi par la France appela son ambassadeur à Paris. Sur le plan populaire, des manifestations et des émeutes ont été organisées spontanément contre les Français, le 26 octobre les manifestants se sont déchaînés sur la communauté française à Meknès. Après ce triste incident, une commission internationale dite « commission d’enquête et de conciliation » a été sollicité par les deux gouvernements le 5 janvier 1957 pour mettre la lumière et examiner les conditions dans lesquelles l’avion marocain a été accosté.[6]
Sur un autre volet, les interventions du Maroc en faveur de la résolution de la problématique franco-algérienne et la multiplication des bons offices n’ont reçu de la France qu’une fin de non recevoir. C’est le cas de la proposition du Maroc et de la Tunisie en 1957 lors de la visite de M. Bourguiba au Maroc, pour la médiation entre les représentants du FLN et le gouvernement français. Aussi, lors de l’organisation de la conférence maghrébine à Tanger en mai 1958 par le Parti de l’Istiqlal, parti du gouvernement, on appela à la résolution de ce conflit et à l’ouverture des pourparlers entre les parties algériennes et françaises.
Sur le plan des institutions internationales ; Après l’échec des différentes tentatives opérées par le Maroc afin de résoudre ce conflit et l’attitude de la France qui les refusait toutes, et suite à la proposition du général de Gaulle de tenir un référendum pour résoudre ce conflit en septembre 1958, le Maroc va reconnaître officiellement le 19 septembre le GPRA par la voix de son représentant à l’Assemblée générale, Abdellatif Filali, lors de la XIIIème session.[7]
En effet, les modalités du référendum proposées par De Gaulle partaient sur la voie de la partition de l’Algérie à laquelle le Maroc s’opposait fermement. Le gouvernement marocain demandait que les négociations soient faites directement avec le GPRA et le gouvernement français et que ce soit à l’ONU qu’incombe le rôle du contrôle du référendum pour en assurer la sincérité et l’authenticité.[8]
Dans la même voie, le Roi Hassan II, au cours du mois de juillet 1961, qui assistait lui-même au grand meeting de Casablanca pour soutenir les dirigeants du GPRA et leur président M. Ferhat Abbas, avait déclaré : « Ce n’est pas l’Algérie seule qui proteste aujourd’hui contre le partage de son territoire et de son peuple.
… Le colonialisme français veut manœuvrer aujourd’hui par la ruse et l’astuce, en cherchant à diviser l’Algérie… A ces manœuvres vient s’ajouter également la question du Sahara. Le gouvernement français veut prouver que le Maroc, ainsi que les pays riverains, ont leur droit sur le Sahara et donc régler cette question avec les États intéressés…
En réplique à cela j’affirme que la question du Sahara intéresse l’Algérie et le Maroc et non point le pouvoir colonisateur… Le peuple marocain et moi-même avons foi en l’unité du Maghreb arabe ».[9]
Plus encore, le Maroc va organiser la conférence de Casablanca qui clame haut et fort le droit du peuple algérien d’accéder à son autodétermination et son indépendance. En effet, la conférence de Casablanca tenue en janvier 1961 va sortir avec des résolutions claires, qui reconnaissaient en premier lieu le droit au peuple algérien d’accéder à son autodétermination et son indépendance. Ensuite, les pays qui apportaient leurs aides à l’Algérie étaient conviés de les renforcer sur le plan politique, diplomatique et matériel tout en les invitant à interdire l’utilisation directe ou indirecte de leurs territoires pour des opérations contre le peuple algérien. Parmi les résolutions, il y avait la demande à toutes les armées africaines qui servaient sous l’autorité de l’armée française de se retirer de l’Algérie. Et pour les gouvernements qui n’avaient pas encore reconnu le GPRA, ils étaient invité à le faire. Enfin, la résolution qui s’opposait d’une manière limpide au partage de l’Algérie.[10]
Pour revenir à l’actualité, si le Maroc a milité sur tous les plans et par tous les moyens possibles, et ce contrairement à ses propres intérêts contre le partage de l’Algérie par la France. Malheureusement, l’Algérie, depuis plus de quarante ans, a soutenu et soutient encore un mouvement rebelle qui ne possède aucune légitimité historique ou juridique pour diviser le Maroc.
Lexique :
[1] Le Maroc en Marche, op cit., p.93
[2] Mohamed Lebjaoui, Vérités sur la révolution algérienne, Paris, Gallimard, 1970, 256 p., pp124-138.
[3] A. Berramdane, Le Maroc et l’Occident, op. cit., p132
[4] Note du ministère des affaires étrangères du 23 octobre 1956, n° 5046, 1347, SF, Archives MAE, Rabat.
[5] Note du ministère des affaires étrangères du 25 octobre 1956, n° 5292, Archives MAE, Rabat.
[6] Charles Rousseau, « Chroniques des faits internationaux », Revue générale du droit international public (RGDIP), Paris, 1958, pp. 691 et suivantes.
[7]A. Berramdane, op.cit., p.133.
[8] M. Boucetta devant la commission de l’AG le 9 décembre 1960. Doc. Off. Onu, PV/CI/SR, 1124, Point 71 de l’ordre du jour, p.232.
[9] Discours du Roi Hassan II du 5 juillet 1961, l’Écho du Maroc du 6 juillet 1961.
[10] Résolution de la conférence de Casablanca du 6 janvier 1961, L’Écho du Maroc, 6 janvier 1961.
Par Ali Lahrichi, Docteur en Droit Public et Relations Internationales.
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