Union Africaine : Pourquoi l'Algérie veut-elle chasser Israël ?
amedi 7 août 2021L’Algérie s’est imposée comme l’ennemi numéro 1 d’Israël en Afrique depuis l’annonce des normalisations avec les pays arabes. Ces derniers jours, la diplomatie algérienne mène une réelle campagne pour faire pression sur l’Union africaine afin de faire sortir l’État hébreu de sa récente nomination en tant qu’État observateur au sein de l’institution continentale.
La diplomatie algérienne a pris les devants pour combattre la présence d’Israël au sein de l’Union africaine. Ces derniers jours, Ramtane Lamamra, le ministre algérien des Affaires Etrangères qui a tissé des liens et des relations avec plusieurs pays africains durant sa carrière, s’est évertué à trouver de nouvelles alliances parmi les 55 membres de l’UA.
Moins d’un mois après sa nomination, le diplomate a visité plusieurs capitales africaines, comme Tunis, Addis-Abeba, Khartoum et le Caire, malgré la pandémie du coronavirus. La réaction de l’Algérie face à la nomination d’Israël a été double, une première par un communiqué du département des Affaires étrangères et un second après avoir réussi à convaincre quelques pays.
Le 25 juillet, la diplomatie algérienne publiait un communiqué réagissant au retour d’Israël en tant qu’observateur à l’Union africaine (UA), une fonction que le pays a déjà eue par le passé, notamment sous l’ancienne dénomination OUA soit avant 2002.
Alger répondait au retour d’Israël en tant qu’observateur après 20 ans, et à la présentation des lettres de créance au président de la commission de l’Union africaine Moussa Faki Mahamat par le nouvel ambassadeur israélien en poste à Addis-Abeba.
« La récente décision du Président de la Commission de l’Union africaine d’accepter un nouvel observateur, qui relève de ses pouvoirs administratifs, n’affecterait pas le soutien constant et efficace de l’organisation continentale à la juste cause palestinienne, ainsi que son engagement à incarner les droits nationaux inaliénables du peuple palestinien, y compris son droit d’établir son État indépendant, Jérusalem sa capitale », a indiqué le ministère algérien des Affaires étrangères dans son communiqué.
« Cette décision, qui a été prise sans consultations approfondies préalables avec tous les États membres, n’a aucun pouvoir pour légitimer les pratiques et le comportement du nouvel observateur, qui sont totalement contraires aux valeurs, principes et objectifs inscrits dans l’Acte constitutif de l’Union africaine », peste le département de Lamamra.
Et d’ajouter que l’engouement médiatique résultat de cette annonce est un « non-événement », et nuit aux exigences fondamentales d’une paix juste et durable au Moyen-Orient. Pour l’Algérie, le simple fait Israël soit un membre observateur serait nuirait à la cause palestinienne et à la paix au Moyen-Orient.
« Il convient également de rappeler que les systèmes de travail de l’Union africaine ne donnent aucune possibilité aux 87 États observateurs hors Afrique d’influencer les positions de l’organisation continentale, qui la prérogative exclusive des États membres », a tenu à rappeler le MAE algérien, craignant qu’Israël n’influence ou déstabilise son hégémonie au sein de l’organisation continentale.
La diplomatie algérienne estimait en effet que l’Union africaine était un terrain de jeu conquis et avait confirmé sa mainmise sur l’Organisation ces deux dernières décennies notamment après avoir réussi à faire entrer un groupe terroriste séparatiste en tant que membre alors qu’il ne s’agit pas d’un pays (la rasd).
Suite à ce communiqué, l’Algérie est allée plus loin, et a notifié de sa position contre Israël dans une note verbale adressée au Président de la Commission de l’UA, qui a par la suite été publiée par l’agence de presse officielle algérienne APS. Jusqu’ici Ramtane Lamamra a réussi à récolter le soutien de 6 pays selon les décomptes, comme son allié de tout temps l’Afrique du Sud.
Selon d’autres estimations, après plusieurs jours de marchandages avec les pays, leur nombre aurait atteint 9 selon certaines sources et 14 pour d’autres, et incluraient des pays comme la Tunisie, la Libye, la Mauritanie, l’Égypte, le Niger, les Comores et Djibouti.
Pour faire valoir sa position, la diplomatie algérienne a joué sur les cordes sensibles de certains pays, notamment ceux qui s’opposent pour d’autres raisons au président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, ou encore en a convaincu d’autres en leur assurant que la démarche du président était contraire aux normes.
Dans une lettre adressée le 2 août au président de la Commission, 7 pays dont l’Algérie ont reproché au commissaire de ne pas avoir respecté « les buts et les principes » de l’acte constitutif de l’Union africaine, ce qui a été « respecté par ses prédécesseurs » et jugent que cette prise de position nuit aux intérêts de l’Union africaine.
Avec cette fronde menée par l’Algérie contre la présence d’Israël en tant que membre observateur c’est surtout une guerre lancée contre l’État hébreu et la traduction d’une peur de sa présence sur le sol africain. Pourtant Israël est un pays qui favorise les partenariats et qui a déjà une présence sur le continent, avec des liens de longue date notamment avec l’Égypte qui a été le premier pays arabe a établir des liens diplomatiques avec l’État hébreu depuis 1980.
Par sa position et cette fausse polémique créée autour d’un pays qui ne sera finalement qu’un observateur, l’Algérie démontre surtout son rejet de la transformation géopolitique qui s’opère dans le monde arabe et africain et cherche à mettre sur le banc de touche tout pays qui pourrait remettre en cause son influence au sein de l’institution continentale, seule institution où la diplomatie algérienne est encore respectée. Cela démontre également qui est l’acteur principal des discordes et des fractures entre les membres de l’UA.
En s’opposant frontalement à la nouvelle dynamique que connaissent les relations internationales dans la région MENA, l’Algérie renforce encore plus son isolement sur la scène diplomatie, et la marginalisation de sa voix. Ce rejet s’explique également par un sentiment de peur expliqué par une perte de contrôle de l’État algérien sur sa population qui aujourd’hui n’est plus dupe et le fait savoir à travers des manifestations.
En tentant de se soulever contre Israël, les dirigeants algériens continuent à se retrancher et à exclure leur pays des manifestations internationales. Ils perdent encore plus de leur légitimité mal acquise, et témoignent surtout une peur d’un changement de paradigme qui ne servirait pas leurs intérêts suprêmes, à savoir, le maintien d’une idée d’instabilité et de menace pesant sur leur pays pour légitimer l’omniprésence des militaires et l’arrêt de la croissance et du développement du pays.
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