Coopération entre l’Algérie et la Mauritanie : Entre les discours et la dure réalité économique !

 

Coopération entre l’Algérie et la Mauritanie : Entre les discours et la dure réalité économique !

Coopération entre l'Algérie et la Mauritanie : entre les discours et la  dure réalité économique - Financial Afrik

Le Président algérien, Abdelmadjid Tebboune, et son homologue mauritanien, Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani, se sont félicités, ce mardi 28 décembre à Alger, de « l’évolution notable des relations entre les deux pays ».


"Dans la pratique des affaires n’existent pas de sentiments, de fraternité, mais que des intérêts, les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques".

La superficie de la Mauritanie est de 1 036 000 km2. La majeure partie du pays étant désertique, possédant  des frontières dépassant les 5000 km  avec l’Algérie (463 km ) au nord-nord-est, le territoire du Sahara occidental (1 561 km ) au nord ,  le Mali (2 237 km ) à l’est et au sud-sud-est, le Sénégal au sud-ouest, 813 km.  

La Mauritanie avec un climat  aride entre l’Atlantique et  le Sahara,  du fait  de sa singulière géographie subissant à la fois les rafales de l’océan et les tornades de sable venues du grand désert.   

Se divise en 4 régions naturelles : Le long de la côte atlantique s’étend un grand désert sablonneux, le Sahara ; une  région centrale qui  est parsemée de plateaux escarpés ; à l’Est s’ouvrent de larges cuvettes dunaires et  le fleuve du Sénégal qui  a creusé une vallée le long de la frontière sud du pays.   

La population estimée en 2020 à 4,65 millions d’habitants  ,plus d’un  cinquième de la population mauritanienne étant  âgée de 15 à 24 ans et plus de la moitié (57%)  âgée de moins de 20 ans.  

La Mauritanie   a d’abord connu une invasion berbère, avant d’être conquise au XIème siècle par le Almoravides  où la population se convertit à la religion musulmane sunnite.  Concernant la répartition spatiale de la population, Nouakchott concentre  près de deux tiers de la main-d’œuvre urbaine. 

D’autres villes moins peuplées dont les principales sont,  Nouadhibou la ville qui se trouve sur le cap Blanc.  Rosso, qui se trouve  sur la rive nord du fleuve Sénégal, . Adel Bagrou,  ville du sud-est de trouve dans la région de Hodh Ech Chargui et Boghé qui  se trouve sur la zone frontalière avec le Sénégal.

Pour les pinceaux indicateurs macro-financiers et macroéconomiques, le  Produit Intérieur Brut -PIB – de la Mauritanie est évalué en 2020 à 7,779 milliards de dollars. 

La crise de la COVID-19 a perturbé l’activité économique en Mauritanie et fait chuter la croissance de 5,9 % en 2019 et  en 2020, entre  -1,5 % , espérant une légère reprise  de   2% en 2021. 

Le PIB par habitant  pour 2019  est de 1392 USD ,  un niveau en dessous de la moyenne d’Afrique subsaharienne (1 571 USD). L’indice du développement humain mesurant selon le PNUD le progrès d’un pays  classe  la Mauritanie à la 157ème position sur 189 pays en 2019. 

La dette extérieure publique en pourcentage du PIB selon le FMI  a été de  69 % en 2020, et devrait passer à 70 % en 2021, ce qui est bien au-dessus des 40 % du PIB considérés comme soutenables.  En 2020, la Mauritanie a bénéficié de la suspension de la dette à travers l’ISSD ainsi que le soutien financier de la communauté internationale pour faire face à la crise du COVID-19 ayant  permis d’éviter un grand accroissement de la dette externe. L’analyse conjointe de la Banque mondiale et du Fond Monétaire International (FMI) sur l’Analyse de la Viabilité de la Dette (AVD) de septembre 2020 a conclu que la Mauritanie reste exposée à un risque élevé de surendettement. Les réserves internationales  seraient de 1,18 milliard de dollars pour 2020 avec une estimation de 1,12 pour 2021, représentant environ  5 mois d’importation.

Qu’en est-il du commerce extérieur et des principaux partenaires de la Mauritanie ? L’économie mauritanienne, dominée par les exportations de matières premières et accessoirement de la pêche, est donc vulnérable  face à la volatilité des prix des matières premières et des importations surtout alimentaires.   

Pour 2020, selon les données de la Banque Mondiale, les importations  ont été  de 2,745 milliards de dollars  et les exportations 2,830. Les importations de services  ont été  de 789 millions de dollars  et les exportations  de 110 millions de dollars. La balance commerciale a accusé un déficit  hors services   de 570 millions de dollars.  Les principaux clients  sont   par  ordre décroissant : La Chine 33,9%, la Suisse 17,1%, le Canada 10,0% ; l’Espagne  6,6% ; l’Italie 4,6% ; le Japon 4,3% ; la Russie 3,4% ; l’Allemagne 3,2% ; l’Australie 2,6% et  la Côte d’Ivoire 2,6%. Quant aux principaux fournisseurs, nous avons  par ordre  décroissant :  Espagne 14,6% ; les Emiraties 14,2%, la France 8,4% ; la Chine 8,2%, la Belgique 6,8% ; Russie 6,0% ; les Pays Bas 4,0% ;le Brésil 3,4% ; la Turquie 3,0%   et le Maroc  2,9%.  L’Algérie qui ne figure pas  dans les  statistiques internationales  concernant le commerce extérieur de la Mauritanie, selon les données  de l’Office National de la Statistique de Mauritanie et les données du ministère du commerce (APS 06 janvier 2021), est en mesure de porter en 2021 ses exportations jusqu’à 50 millions de dollars vers la Mauritanie, alors que le montant  officiel en 2017( source toujours APS)  était déjà de 53 millions  de dollars, soit pour des exportations totales de l’Algérie  en 2021  estimées à 35/36 millions de dollars, soit   environ 1,4% du total.

La Mauritanie est confrontée aux mêmes problèmes que bon nombre de pays africains : problèmes de corruption, d’inégalité, de pauvreté et de tensions ethniques en plus des menaces sécuritaires dans la région du Sahel et  de l’exposition aux chocs liés au changement climatique qui se répercutent sur le plan social

Le FMI estime  l’inflation  à 3,9% en moyenne annuelle en 2020 et 4,5% en 2021, mais l’indice officiel ne tient pas compte des prix des produits non subventionnés qui connaissent une flambée sur le marché parallèle fonction  de   ’évolution du taux de change , en rappelant que le   1er janvier 2018, des nouveaux billets ont été mis en circulation. Ayant  changé d’unité passant  d’une échelle de 10 à 1, où 10 ouguiyas deviennent 1 ouguiya, la cotation  étant le 28/12/2021 1 euro pour 41,2295 MRU  et  1,00 Dollar des États-Unis = 36,395434 Ouguiya mauritanien.

En plus  de la détérioration du pouvoir d’achat, la faiblesse du taux de croissance a influé sur le  taux de chômage global,  devant prendre avec précaution les données officielles  faute d’un appareil  statistique performant, où  en 2020, il  approcherait les 14%  de la population active. Concernant le chômage des jeunes ,il est  estimé à 31% et  dans la tranche d’âge de 15 à 24 ans, à 47%.   

Les quelques enquêtes disponibles montrent la dominance de l’emploi informel où  selon l’OIT  l’économie de la Mauritanie est caractérisée par un secteur informel important représentant un peu plus de 70% de l’activité économique.   

La proportion de mauritaniens en âge de travailler qui n’ont jamais fréquenté l’école est élevée,  plus de deux femmes sur trois (67,4%) n’ont aucun niveau d’instruction contre 32,6% chez les hommes. Les estimations internationales donnent  une aggravation de la pauvreté, accentuée par  la pandémie de COVID-19 qui a entraîné une hausse de la pauvreté de 5,4 à 6,3 % entre 2019 et 2020, plus  de 6,4 % pour 2021. 

Malgré les tensions budgétaires, le gouvernement mauritanien  consacre environ  7,5 % du PIB, pour  les dépenses d’assistance sociale  et la protection sociale, concernant  47 % du quintile le plus pauvre.

En résumé, les relations uniquement  économiques entre l’Algérie  et la Mauritanie sont dérisoires, pouvant certes être accrues, mais  devant être réalistes, loin  des discours démagogiques  auxquels plus personne ne  croit car dans la  pratique  des affaires n’existent pas  de sentiments. 

Face aux tensions géostratégiques  qui sont facteurs de déstabilisation de toute la région, les  relations politiques et sécuritaires, entre les deux pays, ayant un impact sur leur développement respectif , doivent être intensifiées.

 

 Par Dr Abderrahmane MEBTOUL, Professeur  des universités, expert international.



Commentaires