Les Marocains de plus en plus accros à la randonnée, le ministère atone.
Les randonnées et activités en montagne cartonnent au Maroc. De véritables influenceurs sont nés et promeuvent ce filon «complètement abandonné» par les responsables…
Les agences et groupes proposant des randonnées existent par centaines. Ils proposent des circuits à travers tout le pays, pour toutes les bourses, ciblant les professionnels aguerris, mais aussi les amateurs. Un phénomène sur lequel certains ont su se positionner très vite, afin de répondre à la croissante demande. Ayoub Koutar, Secrétaire général de la Fédération Marocaine des Professionnels du Sport (FMPS), nous parle d’une véritable «folie des randonnées» qui émerge.
Trois facteurs ont permis ce succès, nous explique ce mordu d’alpinisme. «D’abord grâce à l’implantation de certaines marques proposant de l’équipement à bas prix et qui étaient autrefois inaccessibles ou très onéreux», explique Ayoub Koutar.
Deuxièmement, une date clé est à retenir selon notre interlocuteur. «En 2013, Nacer Ibn Abdeljalil est devenu le premier Marocain à gravir le plus haut sommet du monde, l’Everest. D’autres Marocains ont tenté leur chance et ont relevé le défi avec brio», souligne notre interlocuteur, notant que «ces alpinistes ont su faire parler d’eux et ont ainsi démocratisé ce sport peu connu des Marocains».
«Certes pas tout le monde n’a les moyens de faire l’Everest, mais il ne faut pas oublier que nous avons le plus haut sommet en Afrique du Nord. Et le challenge est tout aussi excitant et attire plusieurs adeptes depuis les quatre coins du monde», poursuit Ayoub Koutar, lui-même ayant plusieurs ascensions à son actif.
Par ailleurs, «grâce aux réseaux sociaux, surtout Instagram, des influenceurs d’un nouveau genre, faisant la promotion de nos sommets et circuits ont émergé et ont gagné en notoriété», indique le secrétaire général de la FMPS.
Ces influenceurs ont souvent des milliers de «suiveurs» et «réalisent un travail colossal pour la promotion de ces sports de montagne et sur lesquels, ni le ministère de tourisme, ni l’Office Nationale marocain du tourisme (ONMT) n’ont su jouer un rôle», estime Ayoub Koutar. «Ils savent pertinemment que les infrastructures disponibles ne sont pas encore adaptées pour un tourisme de masse», nuance toutefois notre interlocuteur, mais pour qui «il serait grand temps de faire évoluer les choses».
«Un trésor mal exploité»
Azzedine Lamine, suivi par près de 30.000 personnes sur ses réseaux, est l’un de ces influencuers. Kinésithérapeute de formation, il décide de tout plaquer en 2019 pour s’adonner à sa passion. «Au départ ce n’était qu’un hobby, je faisais quelques randonnées le week-end sans savoir que cela aller changer ma vie», nous confie-t-il. «J’avais du mal à trouver des informations, car la plupart du contenu était fait par des étrangers pour des étrangers et donc par forcément applicable pour une pratique dans les sommets marocains», poursuit Azzedine Lamine.
Ces expériences sur le terrain, Azzedine les partage dans un premier temps dans des forums. Il fonde alors le groupe «Happy feet» et au vu de la demande importante, il commence à organiser des circuits. Le succès est tel qu’Azzedine décide de tout plaquer pour professionnaliser son activité.
En 2019, «j’ai décidé de frapper à la porte du ministère du Tourisme, en ayant comme projet de développer Happy feet (…) on m’a alors sèchement éconduit, en me disant que le tourisme de montagne n’est pas celui recherché au Maroc», se souvient notre interlocuteur.
Azzedine Lamine n’en démord pas et arrive à obtenir le statut de coopérative pour Happy feet, qui aujourd’hui offre «un emploi direct à plus de 30 personnes et emploie indirectement une centaine de personnes dans des régions extrêmement enclavées», confie fièrement notre interlocuteur.
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Les programmes proposés par Happy feet sont souvent surbookés et pour trouver une place il faut s’y prendre des mois à l’avance. «Les places sont limitées afin d’assurer la sécurité de tous les participants (…) il ne s’agit pas uniquement d’une balade dans la nature, mais d’une véritable discipline sportive qui nécessite un entraînement et un matériel adapté», souligne Azzedine Lamine.
Une simple faille dans l’équipement peut conduire à des drames, souligne notre interlocuteur. Fin décembre, Ibrahim, guide touristique dans la région d’Imlil, ainsi qu’Issam, un jeune amateur ont péri en montagne. «Ce drame aurait pu être évité», se lamente Azzedine Lamine, insistant sur le fait que «cela peut arriver à n’importe, même à Ibrahim qui était très à cheval sur la sécurité».
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Ayoub Koutar évoque une «faille dans le système», quant à l’encadrement de ces activités. L’encadrement de cette activité est fait par le club alpin français (CAF). La notion même de refuge a été initiée au Maroc par le CAF.
De plus, la formation des guides reste très sommaire au Maroc. Le cursus pour devenir guide touristique au Maroc, prévoit des cours dédiés au tourisme de montagne, mais pas de haute montagne, qui nécessite un apprentissage spécifique, souligne notre interlocuteur. «Les guides apprennent dans le tas, mais malheureusement il faut se l’avouer, la discipline manque de professionnalisme», poursuit-il.
Pourtant la demande est là et le potentiel est énorme. «Les paysages montagneux représentent plus de 20% de la superficie du pays, tout autant que la France par exemple, mais nous n’exploitons pas cette richesse», s’indigne Azzedine Lamine. Ce dernier s’est d’ailleurs lancé un pari fou en 2021, celui de gravir 100 sommets à travers le pays. Un challenge qu’il parvient à relever avec succès et dont les péripéties ont été relatées par les médias nationaux et internationaux.
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«Certaines régions où j’ai pu me rendre n’ont vraiment rien, si ce n’est ce trésor mal exploité depuis des décennies. Capitaliser sur ce potentiel est urgent et indispensable», souligne notre interlocuteur. Du même avis, Ayoub Koutar, insiste également sur la nécessité de créer des structures d’encadrement et de formation, qui permettront de faire du Maroc une destination fiable et à la renommée internationale, car «le Maroc n’a rien à envier à d’autres pays».
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