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Le nouveau visage de la guerre.
Mais ne demeure-t-elle pas intemporelle dans ses buts, motivations et principes ?
Le reflet de la modernité
Le 24 février 2022, lorsque la Russie agresse l’Ukraine, les forces armées russes sont deux fois plus nombreuses que les forces ukrainiennes. Pourtant comme le souligne le président américain Joe Biden, plus d’un an après, l’Ukraine « est toujours debout ». L’avantage technologique de l’Ukraine s’est révélé décisif et a permis de compenser son infériorité numérique. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, l’utilisation de l’OSINT (Open Source Intelligence) joue un rôle crucial pour les acteurs impliqués. Les différentes parties au conflit ont utilisé cette méthode. Poursuivant trois buts : surveiller les mouvements de troupes ennemies, suivre les développements tactiques, obtenir des renseignements sur les intentions et capacités de l’adversaire.
L’avancement rapide de la technologie a opéré une transformation profonde dans la manière de faire la guerre : l’historien Francesco Guicciardini évoquait déjà à la fin du XVe siècle, l’utilisation de canons de guerre lors du siège de Florence (1529-1530). Il considérait ces armes comme un phénomène nouveau. Il voyait en l’apparition de ces nouvelles techniques, la contrainte d’une adaptation des défenses militaires obligeant l’État à développer des stratégies innovantes pour faire face à cette nouvelle réalité.
Pour l’universitaire Mary Kaldor, spécialiste de la société civile et sécurité humaine, l’utilisation du numérique, des réseaux sociaux et des sites web marque un tournant dans les guerres contemporaines. « New technologies have enormously affected war. »
La chercheuse britannique à la London School of Economics suggère que l’utilisation des réseaux sociaux et des technologies de communication modernes dans les conflits contemporains peuvent faciliter l’organisation de mouvement de protestation. Mais aussi partager des informations sur les violations des droits de l’homme ou encore amplifier les récits des résistances. Ces nouvelles technologies servent aussi comme moyen de désinformation, pour manipuler l’opinion publique et la diviser. Pour Carole Grimaud, fondatrice du Centre de recherche sur la Russie et l’Europe de l’Est, la guerre russo-ukrainienne : « s’est d’abord jouée sur le terrain virtuel de la désinformation. »
Mary Kaldor rappelle que durant la guerre en Bosnie-Herzégovine, les moyens de communication étaient utilisés pour amplifier la violence et diffuser des récits de haine afin de renforcer les divisions ethniques : « We are seeing other new technologies in new wars: social media and websites have become hugely important in propagating extremist ideology ». Mais l’usage de ces nouvelles technologies de communication n’est pas nouveau, puisqu’il s’agit, ni plus, ni moins que d’un moyen différent pour diffuser de la propagande et contrôler l’information.
Motivations archaïques
Les progrès technologiques et les nouvelles formes de combats peuvent modifier les aspects tactiques et opérationnels de la guerre. Mais les motivations et les principes fondamentaux demeurent. La motivation primitive de la guerre réside dans l’économie. La chercheuse britannique Susan Strange dans son ouvrage « Casino capitalism » soulignait déjà comment les enjeux économiques et financiers nourrissent les tensions et peuvent déclencher des guerres. Le conflit russo-ukrainien, alimenté par des enjeux économiques cruciaux, utilisés comme outils stratégiques, en est la plus récente illustration.
Les objectifs politiques tels que l’expansion territoriale ou la protection des intérêts nationaux sont souvent le moteur des conflits armés. Cette continuité est évidente dans les guerres contemporaines où les objectifs politiques sous-tendent les opérations militaires : la guerre en Syrie, la guerre russo-ukrainienne, les tensions en mer de Chine méridionale en sont les démonstrations.
Comme Clausewitz l’avait conceptualisé : « la guerre n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens ».
La guerre selon Platon :
Le philosophe athénien examine la relation entre la guerre et la politique dans au moins trois œuvres : le Protagoras, la République, les Lois.
Pour Platon, la guerre découle de la politique et est donc l’instrument par lequel les hommes peuvent rester sains et saufs.
Il distingue deux types de guerre : le pòlemos et la stàsis. Le Pólemos, désigne la guerre extérieure, et contribue à l’évolution de l’État tandis que la stásis, guerre civile, menace son équilibre.
Les évolutions technologiques — avec l’OSINT — ont, certes, donné naissance à de nouvelles tactiques dans les guerres contemporaines. Mais il s’agit davantage d’un changement de moyens mis en œuvre pour atteindre des objectifs politiques qu’une transformation radicale de la nature de la guerre.
Les cyberattaques, par exemple, causent des perturbations significatives, mais sont utilisées pour des motifs traditionnels : espionnage ou sabotage.
Les attaques informatiques de grande envergure comme celle qui a ciblé l’Ukraine en 2017 ont été motivées par des tensions politiques, des rivalités géopolitiques. Ce qui met en évidence la persistance des motivations traditionnelles de la guerre.
Le 5 juin prochain, l’IHEDN vous propose d’approfondir la question des nouvelles pratiques de la guerre à l’occasion des Regards croisés de Alexandra Jousset, Frédéric Lenfant et Kevin Limonier sur « OSINT : le nouveau nerf de la guerre ».
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