Pourquoi le monde moderne a accéléré le déclin de la philosophie.
La philosophie dans notre démocratie moderne s’est trouvée réduite
à une simple discipline scolaire qui focalise sur la forme davantage
que sur le fond, à un papotage sur des concepts infertiles.
À une
certaine époque, la philosophie était la pratique des silencieux ; de
nos jours, elle est la discipline des bavards.
Il faudrait sans doute commencer par restituer au mot « philosophie » son sens originel, celui d’amour de la sagesse ; philosopher, c’est s’émerveiller devant le spectacle du Rayonnement divin qui se reflète dans la multiplicité du monde manifesté.
Il faudrait sans doute commencer par restituer au mot « philosophie » son sens originel, celui d’amour de la sagesse ; philosopher, c’est s’émerveiller devant le spectacle du Rayonnement divin qui se reflète dans la multiplicité du monde manifesté.
La philosophie opère par
intuition, elle s’attelle à cueillir la sagesse de l’Essence pure qui se
manifeste dans chaque élément de la création.
Elle a comme point de
départ la certitude, celle de la Réalité primordiale sur laquelle repose
l’univers.
La philosophie véritable est celle qui naît de l’étonnement, comme l’affirmait Platon, c’est celle qui pousse l’homme à entrer en dialogue avec l’univers qui l’entoure, à s'abasourdir devant la Beauté infinie qui transparaît dans chaque parcelle de la nature.
La philosophie véritable est celle qui naît de l’étonnement, comme l’affirmait Platon, c’est celle qui pousse l’homme à entrer en dialogue avec l’univers qui l’entoure, à s'abasourdir devant la Beauté infinie qui transparaît dans chaque parcelle de la nature.
Philosopher,
c’est briser l’écorce de la vie pour goûter au noyau de la sagesse
pérenne, c’est tenter de percevoir les subtilités spirituelles que
recèle l’existence humaine. La philosophie rend l’homme attentif au
verbe sapientiel qui se susurre partout autour de lui.
La philosophie moderne se contente de ratiociner
La modernité a perverti le sens de la philosophie ; désormais,
elle raisonne sans prémisse et promeut le doute. Tout devient donc
relatif, ce qui n’est pas sans contradiction, puisqu’en relativisant
toute forme d’absoluité, le relativisme s’annule lui-même du fait de la
relativité de son assertion.
En effet, si l’on ne peut s’affranchir de
la subjectivité humaine, le relativisme n’a donc aucune objectivité et
tombe sous son propre verdict, tel que l’a brillamment démontré Frithjof
Schuon.
Si tout est relatif, cette affirmation s’annule, étant
elle-même relative, et en s’annulant elle démontre sa fausseté.
La philosophie moderne se contente de ratiociner, de construire des concepts sans aucun débouché sur la vie ; elle cultive l’ambiguïté dans le langage pour feindre la consistance philosophique et,surtout, pour entretenir un certain prestige intellectuel ostentatoire en cherchant l’originalité plutôt que la vérité.
La philosophie moderne se contente de ratiociner, de construire des concepts sans aucun débouché sur la vie ; elle cultive l’ambiguïté dans le langage pour feindre la consistance philosophique et,surtout, pour entretenir un certain prestige intellectuel ostentatoire en cherchant l’originalité plutôt que la vérité.
C’est ainsi que la
philosophie a été réduite à une sorte de rhétorique infertile, à une
forme d’érudition stérile, c’est désormais une espèce de chicane
académique où chaque universitaire prétend, dans des livres indigestes,
élucider mieux que ses pairs un concept philosophique.
Ce narcissisme
intellectuel témoigne de la prégnance de l’individualisme dans la
philosophie moderne où le nom importe davantage que l’idée parce qu’il
s’agit surtout d’épouser une posture intellectuelle en cultivant le rôle
du penseur original, voire incompris plutôt que de penser
véritablement. Plus encore, la philosophie moderne ou cette fièvre de la
verbosité, étant incapable de fécondité, se contente de déconstruire.
Quand le déclin de la philosophie est marqué par l’hypertrophie de l’intelligence pratique
Le démantèlement de l’esprit philosophique va connaître ses
premiers pas avec l’empirisme qui non seulement bouleversera le mode de
pensée philosophique, en substituant la physique à la mathématique, mais
aussi signera, avec Kant en l’occurrence, la destruction de la
métaphysique et, par conséquent, l’avènement du scientisme, de
l’industrie et de la culture quantitative. Le monde s’étant ainsi réduit
à sa dimension palpable, le philosophe, désormais, n’a les yeux tournés
que vers la matière ; et c’est seulement pour la pensée moderne que la
matière est devenue une « chose » et non plus, comme l’écrit joliment Titus Burckhardt, « le miroir passif de l’Esprit ».
Désormais, la pensée se veut terre à terre, pratique, horizontale. Cela résulte en partie d’un abus des notions d’abstrait et de concret ; comme si, en effet, le concret concernait seulement le quantifiable, et l’abstrait un monde imaginaire !
Désormais, la pensée se veut terre à terre, pratique, horizontale. Cela résulte en partie d’un abus des notions d’abstrait et de concret ; comme si, en effet, le concret concernait seulement le quantifiable, et l’abstrait un monde imaginaire !
L’idée d’Absolu est aussi concrète
lorsqu’elle fait irruption dans notre intelligence que n’importe quel
raisonnement mathématique ou expérience physique.
Notre conscience de la
Beauté ou de la Liberté n’est pas fonction d’un « pelage mental », elle est une réalité concrète innée à notre intelligence essentielle.
Elle a substitué l’utilité à la vérité en rejetant toute connaissance supérieure à la raison, toute autorité spirituelle située au-delà de la nature. Aussi ne faut-il pas s’étonner que notre système économico-pragmatique, avec sa logique de profit et de résultat, ne favorise pas l'efflorescence de la philosophie véritable.
Le déclin de la philosophie est donc marqué par l’hypertrophie de l’intelligence pratique, ce qui explique l’explosion des sciences physiques et la dévalorisation du « savoir littéraire », en particulier de la philosophie. En démocratie, les « philosophes » ne produisent plus de sagesse, ils se contentent de palabrer autour de l’actualité médiatique. La philosophie véritable ne peut prospérer dans un climat démocratique car l’individualisme et la médiocrité qui y sévissent ne permettent pas à la sagesse d’éclore.
En effet, cette dernière, qui est objective et pérenne, ne peut se répandre que très difficilement dans un univers cultivant le subjectivisme et le relativisme. N’ayant les yeux tournés que vers le monde sensible de la Caverne,la démocratie favorisera la formation de scientifiques et d’ingénieurs auxquels elle accordera de bons salaires plutôt que l’éclosion d’hommes qui aspirent au monde des Idées. La technique étant désormais la clé de la puissance du monde temporel, le sage devra donc se contenter de crier dans le désert.
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Sofiane Meziani, enseignant d'éthique, est l’auteur, entre autres, de L’homme face à la mort de Dieu et du Petit manifeste contre la démocratie aux éditions Les points sur les i dont la contribution est extraite.
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