Face au Hirak, les forces démocratiques veulent créer un front social au Maroc.
"Le Maroc vit une tension sociale sans précédent et risque d’aboutir à une explosion à tout moment”.
HIRAK - “Notre rôle n’est pas d’attiser le feu, mais de soutenir le Hirak des citoyens. Pour cela, toutes les forces vives sont appelées à se mobiliser”. Nabila Mounib, secrétaire générale du Parti socialiste unifié (PSU) répond en ces termes à ceux qui accusent parfois les partis de gauche de vouloir récupérer le mouvement social. Et pour le dire d’une seule voix, ces partis de gauche, représentés par la Fédération de la gauche démocratique (FDG), Annahj Addimocrati, ainsi que par l’Association marocaine des droits humains (AMDH), la Fédération nationale de l’enseignement (FNE), l’association Attac-Maroc et la Confédération démocratique du travail (CDT), ont tenu une conférence de presse, ce vendredi à Rabat. Objectif: annoncer une union qui fera la force du Hirak, où qu’il se trouve.
Un engagement solennel que ces organismes ont pris suite à une réunion consultative tenue le 22 mars dernier à Casablanca. Ils y ont discuté des moyens de concrétiser leur soutien commun au Hirak, à commencer par celui de Jerada. À terme, c’est à la constitution d’un front social qu’ils souhaitent aboutir.
Une volonté qu’ils qualifient de légitime. “D’après nos sources sur place, plus de 70 personnes ont été arrêtées à Jerada et les interpellations continuent au quotidien”, déclare Abdeslam Alaziz, secrétaire général du Congrès national Ittihadi. Et de préciser que les motifs des arrestations les plus récurrents restent les mêmes: trouble à l’ordre public et participation à une manifestation non autorisée. Jusqu’à ce jour et depuis le déclenchement du Hirak du Rif, pas moins de 500 personnes ont été interpellées, selon ces organisations.
Vers une mobilisation nationale
Au procès des détenus des manifestations de Jerada, prévu le lundi 2 avril à Oujda, les organismes initiatrices de cette conférence feront le déplacement. Ils observeront devant le palais de justice un sit-in appelant à la libération des détenus. Une protestation à laquelle participeront des organismes locaux et les militants de la région de l’Oriental.
Ce sit-in sera ainsi l’une des initiatives inscrites dans le cadre d’un programme élargi que les organismes précités ont élaboré. Il prévoit la constitution d’une coalition à grande échelle pour le soutien du Hirak et l’organisation d’une conférence nationale sur l’état des lieux des droits et libertés au Maroc.
D’autres mouvements de protestation sont aussi au menu. Les organisations comptent décréter “une journée de militantisme national” agrémentée de sit-in dénonçant la situation sociale et économique des populations à travers tout le Maroc. Une marche nationale de soutien au Hirak dans toutes les régions du pays est également sur la liste des actions dont la préparation a débuté.
“Nous entamons, aujourd’hui, le premier pas de ce programme en l’annonçant en grand public. Nous comptons, en parallèle, adresser une lettre au chef du gouvernement”, indique Nabila Mounib. Cette lettre sera un message commun de l’ensemble de ces organisations démocratiques au gouvernement. ”Nous avions déjà adressé une lettre au chef du gouvernement au déclenchement du Hirak du Rif. Nous en lui adresserons une autre sur Jerada pour l’appeler à assumer ses responsabilités. Il n’a malheureusement pas pris en compte l’urgence des attentes”, explique la SG du PSU.
L’échec du gouvernement pointé du doigt
Le gouvernement estime pourtant avoir répondu aux attentes des manifestants à Jerada par des mesures prises au lendemain des premières manifestations. Ainsi, suite à la manifestation du 14 mars, le porte-parole et ministre délégué chargé des Relations avec le parlement et la Société civile, Mustapha El Khalfi, a assuré que le gouvernement a rempli sa part du “contrat”: écoute, dialogue, programme, visite de terrain et lancement de la mise en œuvre des mesures. Parmi celles-ci, la création de coopératives au profit des mineurs de Jerada et la mobilisation de 3.000 hectares pour l’exploitation agricole, dont 1.000 pour les ayants droit et 2.000 en faveur des jeunes. “Le gouvernement n’a pas convaincu. Les alternatives qu’il propose sont des projets et non des actions immédiates. Il devait apaiser concrètement la population au lieu de recourir à la répression”, estime Abdeslam Alaziz.
Pour ces organisations, l’Etat a ni plus, ni moins qu’échoué à gérer les crises sociales et économiques. “Et aucun responsable n’a rendu des comptes aux citoyens alors que c’est l’une des principales revendications du Hirak. C’est aussi une démarche nécessaire dans le processus de réconciliation et de réforme”, précise Abdel-ilah Benabdesselam, membre de l’AMDH.
Aux yeux de ces militants, l’unique “remède au Hirak” tient en un mot: démocratie. “Jerada relève d’une affaire de démocratie”, assure Abderrazak El Idrissi, SG de la FNE. “Les politiques publiques suivies depuis des années ne peuvent qu’aggraver la pauvreté et la vulnérabilité économiques et sociales (...) Le Maroc vit une tension sociale sans précédent et risque d’aboutir à une explosion à tout moment”, préviennent les organisations dans une déclaration à la presse.
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