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UE : la nomination d’un proche de Juncker fait scandale.
UE : la nomination d’un proche de Juncker fait scandale.
Jean-Claude Juncker et Martin Selmayr, son directeur de cabinet, nommé secrétaire général de la Commission, au grand dam des députés européens.© THIERRY MONASSE / DPA / AFP
Le directeur de cabinet du président de la Commission européenne a été promu secrétaire général. Une nomination jugée opaque qui provoque une bronca.
Jean-Claude Juncker l’a surnommé affectueusement « le monstre ». Martin Selmayr, jusque-là son directeur de cabinet, a été nommé fin février secrétaire général de la Commission européenne, faisant de lui le grand manitou de l’administration de l’exécutif européen. Une belle promotion pour ce très proche du président de la Commission européenne. Trop belle ? Car c’est peu dire que la nomination ne passe pas.
Le 27 février, le point presse quotidien du porte-parole de la Commission tourne quasiment à l’émeute. Les journalistes accrédités mettent Alexander Winterstein à la question pendant plus d’une heure et demie afin d’obtenir des précisions sur cette nomination, selon eux, expéditive et qui remet en cause l’engagement de « transparence » qu’avait pris Jean-Claude Juncker lorsqu’il avait fait campagne pour prendre la tête des commissaires européens.
Les vagues tiennent aussi à la personnalité de Martin Selmayr. Juncker l’a reconnu en annonçant la promotion de son directeur de cabinet : « Selmayr a un point commun avec moi, a-t-il lancé : nous avons tous les deux des ennemis. » L’homme lige du Luxembourgeois est en effet considéré comme l’inspirateur de l’architecture de la Commission européenne mise en place sous le mandat de Juncker : les commissaires sont encadrés par des vice-présidents, ce qui permet au président et à son directeur de cabinet de se poser en arbitres et de tenir les rênes. Un dispositif censé empêcher « les commissaires ou les directeurs généraux […] de se faire influencer depuis l’extérieur », a-t-il plaidé lors de la conférence de presse où il a annoncé la promotion de son poulain.
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Un débat houleux au Parlement
Les commissaires apprécieront… Ils sont déjà plusieurs à juger que cette mise sous surveillance est « perverse », voire « machiavélique », et accusent Martin Selmayr de peser sur les nominations. Voir « le monstre » prendre la haute main sur la machine administrative bruxelloise crée donc de très sérieux remous alors que la succession de Juncker approche. « Le prochain président de la Commission européenne peut décider de confirmer ou non le secrétaire général dans sa fonction », a prudemment souligné Jean-Claude Juncker. « Je ne veux pas me mêler de cette affaire. »
Cela n’a pas suffi à apaiser les inquiétudes qui se sont exprimées en termes très vifs au Parlement européen.
Dès le 27 février, les groupes EELV (écologistes) et GUE (gauche radicale) ont réclamé, dans une lettre, aux autres groupes politiques de l’enceinte strasbourgeoise qu’« une enquête officielle soit menée sur cette nomination. […] Il existe en effet de sérieuses préoccupations quant à l’application correcte des règles de procédure », écrivent dans ce courrier Bart Staes et Dennis de Jong, porte-parole d’EELV et du GUE. « Apparemment, toute la procédure s’est déroulée de manière assez opaque et rapide, et de nombreux commissaires européens ont été surpris », ont-ils souligné. Les autres groupes ont accepté d’en débattre.
Ce débat avait lieu une semaine plus tard, le 14 mars. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’avec une rare unanimité et une virulence non moins remarquable, les élus européens se sont insurgés contre cette nomination. « Les institutions européennes n’appartiennent pas aux hauts fonctionnaires, mais aux citoyens européens. Les premiers sont là pour servir les seconds, et non pas pour se servir eux-mêmes », a clamé la députée française Françoise Grossetête (PPE, droite), tandis qu’à l’autre bout de l’échiquier, le député néerlandais Dennis de Jong (GUE, gauche radicale) jugeait que « tout pue dans cette nomination, tout a été fait derrière des portes closes ».
« Nous pensons que Martin Selmayr est qualifié sans aucune équivoque. Nous vous demandons de bien vouloir contrôler cette décision, mais aussi de l’accepter », a répondu le commissaire européen au Budget Günther Oettinger, alors que les députés se plaignaient de l’absence de Jean-Claude Juncker pour répondre lui-même aux accusations.
« Braquage »
Quoi qu’il en soit, il y aura bien enquête : l’Allemande Ingeborg Grässle (PPE) a précisé que la commission du Contrôle budgétaire du Parlement européen allait examiner « la semaine prochaine » la procédure de nomination. Quant à la médiatrice de l’UE, l’Irlandaise Emily O’Reilly, elle a indiqué sur Twitter avoir reçu deux plaintes au sujet de la promotion de Martin Selmayr et « les analyser ».
Outre la procédure de nomination et la personnalité controversée de Martin Selmayr, on lui reproche également d’être… allemand. Parmi les quatre grandes institutions européennes que sont la Commission, le Conseil, le Parlement et le Service européen pour l’action extérieure, trois postes de secrétaire général reviennent désormais à un Allemand, soufflait à l’AFP une source diplomatique. « Ce n’est pas normal » et « ne peut donc être que transitoire », ajoutait-elle.
En pointe dans la révélation en France de ce qu’il estime être un « braquage », le journaliste de LibérationJean Quatremer ne décolère pas. Selon lui, en plaçant des hommes liges à des postes-clés, Juncker, issu du PPE, le groupe conservateur au Parlement européen, entend installer « la droite pour 50 ans à la tête de la Commission ».
Il dénonce également un exemple de quasi-népotisme de la part d’une institution qui donne des leçons de gouvernance aux pays membres, aux Grecs notamment.
« J’ai hâte de voir les gens de la Commission retourner à Athènes expliquer aux Grecs comment on fait une embauche [de fonctionnaires, NDLR] non contestable », s’est-il exclamé sur LCP.
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