Gaza : Pourquoi le mot « génocide » pose problème.
Gaza : Pourquoi le mot « génocide » pose problème.
Publié le 10 octobre 2025
L'utilisation de ce terme relève d’une accusation hyperbolique qui a plus à voir avec la « post-vérité » qu'avec la réalité des faits.
Montage CW (sources : Jean-Luc Mélenchon/X.
Publié le 10 octobre 2025
L'utilisation de ce terme relève d’une accusation hyperbolique qui a plus à voir avec la « post-vérité » qu'avec la réalité des faits.

Groupe Antifa Lyon/X, inscription sur l'entrée de la synagogue Emanu-El de Victoria, AJ+ français/X, Ligue de la Jeunesse Révolutionnaire/X).
L’invention de complots imaginaires d’une part et la dénégation de la réalité d’autre part ne sont que les deux faces d’une même pièce. C’est pourquoi, en tant qu’il relève d’une démarche fondamentalement conspirationniste, le négationnisme a toujours été au cœur de nos préoccupations éditoriales. En plus de quinze ans d’activité, Conspiracy Watch a démontré que la lutte contre tous les négationnismes faisait partie de son ADN.
Cet engagement nous oblige intellectuellement et moralement. Il nous a conduit à développer une double méfiance, aussi bien à l’égard des discours mystificateurs qui tiennent pour vrai ce qui ne l’est pas (le trucage d’une élection, la nocivité de la vaccination, le changement de sexe d'une Première Dame…) que de ceux qui tiennent pour mensonger ce qui est vrai (le réchauffement climatique, l'alunissage, les chambres à gaz…).
L’imputation de « génocide » visant le mouvement sioniste puis l’État d’Israël, est apparue dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En 1948, l'année même de la création d'Israël, Maurice Bardèche, l'un des pionniers du négationnisme, accusait le jeune État juif de « génocider » les Arabes de Palestine.
L’invention de complots imaginaires d’une part et la dénégation de la réalité d’autre part ne sont que les deux faces d’une même pièce. C’est pourquoi, en tant qu’il relève d’une démarche fondamentalement conspirationniste, le négationnisme a toujours été au cœur de nos préoccupations éditoriales. En plus de quinze ans d’activité, Conspiracy Watch a démontré que la lutte contre tous les négationnismes faisait partie de son ADN.
Cet engagement nous oblige intellectuellement et moralement. Il nous a conduit à développer une double méfiance, aussi bien à l’égard des discours mystificateurs qui tiennent pour vrai ce qui ne l’est pas (le trucage d’une élection, la nocivité de la vaccination, le changement de sexe d'une Première Dame…) que de ceux qui tiennent pour mensonger ce qui est vrai (le réchauffement climatique, l'alunissage, les chambres à gaz…).
L’imputation de « génocide » visant le mouvement sioniste puis l’État d’Israël, est apparue dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En 1948, l'année même de la création d'Israël, Maurice Bardèche, l'un des pionniers du négationnisme, accusait le jeune État juif de « génocider » les Arabes de Palestine.
Le thème selon lequel ces derniers seraient victimes d’un « génocide » a été érigé en véritable article de foi par l’appareil de propagande soviétique, infusant à l’échelle mondiale dans tous ses relais politiques et idéologiques et dans le reste de l’extrême gauche, dans les années 1950 puis, avec une vigueur redoublée dans le sillage de la Guerre des Six-Jours (1967) et après le massacre de Sabra et Chatila (1982).
L’usage propagandiste de ce mot à l’encontre d’Israël – une terre d'accueil pour de nombreux rescapés de la Shoah – est tout sauf nouveau.
L’usage propagandiste de ce mot à l’encontre d’Israël – une terre d'accueil pour de nombreux rescapés de la Shoah – est tout sauf nouveau.
Aussi perverse soit l’inversion accusatoire qu’il véhicule (Howard Jacobson parle de ce « triomphalisme sadique » consistant à faire des Juifs « les tortionnaires et non les torturés » et à « piétiner leur passé »), il ne devrait étonner personne. L’État hébreu a depuis sa création des ennemis farouches faisant flèche de tout bois et qui pour rien au monde ne se priveraient d’une telle arme symbolique.
Une accusation infamante
Mais avec la riposte d’Israël au massacre du 7 octobre 2023, cette accusation a cessé d’être considérée comme grotesque. Désormais, elle déborde largement les cercles militants et se banalise à une vitesse inédite. Comme l'écrit la revue K., « le nom d’Israël est désormais associé au mot génocide, et cette fois-ci du côté des coupables ».
Une accusation infamante
Mais avec la riposte d’Israël au massacre du 7 octobre 2023, cette accusation a cessé d’être considérée comme grotesque. Désormais, elle déborde largement les cercles militants et se banalise à une vitesse inédite. Comme l'écrit la revue K., « le nom d’Israël est désormais associé au mot génocide, et cette fois-ci du côté des coupables ».
Hormis Place publique, le PRG et Génération Écologie, l'ensemble des partis de gauche (LO, NPA, LFI, PCF, Les Écologistes, PS), des médias aux horizons distincts (Al-Jazeera, L'Humanité, Le Monde diplomatique, Blast, Mediapart), des journaux et sites complotistes (Rivarol, Égalité & Réconciliation), des ONG (Amnesty International, Human Rights Watch, Médecins Sans Frontières, Oxfam), des chercheurs, des intellectuels, des comédiens, des cinéastes, des chanteurs, des juristes, une commission d'enquête internationale mandatée par le − très controversé − Conseil des droits de l'homme de l'ONU, ainsi que Josep Borrell, l’ancien Haut-représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères, estiment qu'un génocide est en cours à Gaza.
Compte tenu des déclarations incendiaires d'un certain nombre de commentateurs ou responsables israéliens qui se reconnaissent généralement dans un courant suprémaciste représenté au gouvernement israélien par Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir (songeons à ce député du Likoud, le parti de Benyamin Netanyahou, qui a appelé à « brûler Gaza » et à « expulser tous les Arabes de Cisjordanie »), il n'est pas possible de balayer l'accusation d'un revers de la main en se contentant de l’attribuer aux ennemis d'Israël et à eux seuls. Deux organisations israéliennes de gauche, B'Tselem et Breaking the Silence, ainsi que le site internet +972 Magazine, parlent ainsi sans complexe de « génocide », sans pour autant apporter d’éléments autres que ceux déjà connus pour justifier ce parti pris. L’écrivain israélien David Grossman s’est lui aussi exprimé sur le sujet dans une interview parue début août dans La Repubblica :
« J’ai refusé pendant des années d’utiliser ce terme : “génocide”. Mais maintenant je ne peux pas m’empêcher de l’utiliser, après ce que j’ai lu dans les journaux, après les images que j’ai vues et après avoir parlé avec des personnes qui y ont été ».
Grossman milite depuis des décennies pour la paix. Il a perdu son fils au front il y a bientôt vingt ans. Il n’a rien d’un traître à sa patrie ou d’un Juif honteux qui se serait tout à coup découvert antisioniste. Placés dans la même situation que lui, renoncerions-nous à utiliser tous les moyens légaux possibles – parler de « génocide » en est un – pour combattre politiquement un gouvernement dont on est convaincu qu’il entraîne notre pays vers l’abîme ?
L’antisémitisme, l’antisionisme et cette détestation d’Israël qui prospère dorénavant dans les milieux progressistes du monde entier ne suffisent pas à expliquer l’usage inflationniste de ce terme. L’une des raisons objectives de ce basculement réside dans le nombre de victimes gazaouies que la plupart des observateurs, abstraction faite des querelles de chiffres, s'accordent à considérer comme trop élevé dans une population composée quasi pour moitié de mineurs.
Fournis par le ministère de la Santé de Gaza, contrôlé par le Hamas, ces chiffres (environ 66 000 morts et 169 000 blessés à ce jour) ne distinguent pas entre civils et combattants. Officiellement, pour le gouvernement israélien, la guerre relève de la légitime défense et les pertes côté palestinien sont presque exclusivement des combattants ou des collaborateurs du Hamas.
Compte tenu des déclarations incendiaires d'un certain nombre de commentateurs ou responsables israéliens qui se reconnaissent généralement dans un courant suprémaciste représenté au gouvernement israélien par Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir (songeons à ce député du Likoud, le parti de Benyamin Netanyahou, qui a appelé à « brûler Gaza » et à « expulser tous les Arabes de Cisjordanie »), il n'est pas possible de balayer l'accusation d'un revers de la main en se contentant de l’attribuer aux ennemis d'Israël et à eux seuls. Deux organisations israéliennes de gauche, B'Tselem et Breaking the Silence, ainsi que le site internet +972 Magazine, parlent ainsi sans complexe de « génocide », sans pour autant apporter d’éléments autres que ceux déjà connus pour justifier ce parti pris. L’écrivain israélien David Grossman s’est lui aussi exprimé sur le sujet dans une interview parue début août dans La Repubblica :
« J’ai refusé pendant des années d’utiliser ce terme : “génocide”. Mais maintenant je ne peux pas m’empêcher de l’utiliser, après ce que j’ai lu dans les journaux, après les images que j’ai vues et après avoir parlé avec des personnes qui y ont été ».
Grossman milite depuis des décennies pour la paix. Il a perdu son fils au front il y a bientôt vingt ans. Il n’a rien d’un traître à sa patrie ou d’un Juif honteux qui se serait tout à coup découvert antisioniste. Placés dans la même situation que lui, renoncerions-nous à utiliser tous les moyens légaux possibles – parler de « génocide » en est un – pour combattre politiquement un gouvernement dont on est convaincu qu’il entraîne notre pays vers l’abîme ?
L’antisémitisme, l’antisionisme et cette détestation d’Israël qui prospère dorénavant dans les milieux progressistes du monde entier ne suffisent pas à expliquer l’usage inflationniste de ce terme. L’une des raisons objectives de ce basculement réside dans le nombre de victimes gazaouies que la plupart des observateurs, abstraction faite des querelles de chiffres, s'accordent à considérer comme trop élevé dans une population composée quasi pour moitié de mineurs.
Fournis par le ministère de la Santé de Gaza, contrôlé par le Hamas, ces chiffres (environ 66 000 morts et 169 000 blessés à ce jour) ne distinguent pas entre civils et combattants. Officiellement, pour le gouvernement israélien, la guerre relève de la légitime défense et les pertes côté palestinien sont presque exclusivement des combattants ou des collaborateurs du Hamas.
Reste que, selon des données israéliennes, il serait plausible de considérer qu’une large majorité des victimes est composée de civils au sens du droit international (c’est-à-dire incluant des collaborateurs et des personnalités politiques du Hamas, qu’Israël considère comme des cibles légitimes).
Ces bilans, repris par l’ONU et l’OMS, comportent une marge d’erreur liée aussi bien à la sous-estimation potentielle des victimes (le Hamas dit ne pas comptabiliser les personnes dont les corps n'ont pas été retrouvés) qu’à un éventuel gonflement des chiffres par le Hamas.
Il n’en demeure pas moins que les chancelleries du monde entier les considèrent comme crédibles quant à l’ordre de grandeur qu’ils indiquent. Il existe également des motifs raisonnables de croire que le gouvernement de Benyamin Netanyahou s'est rendu coupable de crimes de guerre voire de crimes contre l'humanité. C'est en effet sur son ordre qu'Israël a suspendu « toutes les entrées de marchandises et de fournitures dans la bande de Gaza » pendant onze semaines, du 2 mars au 19 mai 2025. Au cœur de l'été, l'ONU a déclaré qu'environ le quart de la population de Gaza était confronté à une situation de famine.
Inventé par le juriste polonais Raphael Lemkin en référence à un discours de Churchill qualifiant les atrocités nazies contre les Juifs de « crime qui n’a pas de nom », le mot « génocide » fait partie des plus galvaudés de notre langue.
Inventé par le juriste polonais Raphael Lemkin en référence à un discours de Churchill qualifiant les atrocités nazies contre les Juifs de « crime qui n’a pas de nom », le mot « génocide » fait partie des plus galvaudés de notre langue.
Pensons à ces militants anti-IVG qui assimilent l’avortement à un « génocide » et à ces dénonciateurs du « génocide vaccinal », du « génocide » des seniors au Rivotril, ou du non moins fumeux « génocide des Blancs ».
Le pogrom du 7-Octobre n’a épargné ni les enfants ni les vieillards.
Le pogrom du 7-Octobre n’a épargné ni les enfants ni les vieillards.
Les images de ce qui constitue le pire « judéocide » depuis la Shoah, celles de ces Gazaouis en liesse qui ont acclamé les meurtres et celles d'otages décharnés diffusées par le Hamas semblent avoir découragé tout sentiment d’empathie pour les Palestiniens dans une large fraction de la société israélienne.
Nous avons récemment documenté avec effroi les horreurs proférées à l’antenne d’une influente chaîne de télévision israélienne, Channel 14. Nous savons que l’exaspération du public israélien alimente l’implacable mécanique du déni qui poussait jadis des défenseurs d’Israël à nier la mort du jeune Palestinien Mohamed Al-Dura et en pousse à nouveau beaucoup, depuis deux ans, à fermer les yeux sur l’ampleur des destructions, la mort d’innocents et la malnutrition qui frappe les segments les plus fragiles de la population gazaouie ; à éluder, en somme, les souffrances on ne peut plus réelles des Palestiniens et la co-responsabilité d'Israël dans cette situation.
Une guerre malgré tout
Il n’en demeure pas moins que ce qui se passe à Gaza ressortit à la guerre. Une guerre qui met aux prises une organisation totalitaire criminelle et ce qui est probablement le gouvernement le plus dangereux de l’histoire de l'État d’Israël.
Une guerre malgré tout
Il n’en demeure pas moins que ce qui se passe à Gaza ressortit à la guerre. Une guerre qui met aux prises une organisation totalitaire criminelle et ce qui est probablement le gouvernement le plus dangereux de l’histoire de l'État d’Israël.
Une guerre qui associe des buts légitimes (mettre le Hamas hors d’état de nuire et libérer les otages qu’il a capturés) à des objectifs moins avouables (pour Netanyahou en particulier : se maintenir au pouvoir ; pour son gouvernement en général : pousser à bout la population de Gaza pour qu’elle quitte massivement ce territoire). Une guerre meurtrière voulue par le Hamas qui sacrifie délibérément sur l’autel de la « résistance » – autre mot galvaudé – les Gazaouis qu’il tient sous sa férule mafieuse depuis plus de dix-huit ans (Yahya Sinwar comptait cyniquement sur un « grand nombre de victimes » pour imposer une pression sur Israël). Une guerre prolongée indéfiniment par un gouvernement israélien jusqu'au-boutiste qui, après deux ans de conflit, semble incapable d’éradiquer le Hamas sinon au prix d’un coût humain épouvantable. Une guerre assurément sanglante et dévastatrice, qui a provoqué d’innombrables victimes collatérales. Mais une guerre malgré tout.
Au début du mois de septembre 2025, l’International Association of Genocide Scholars (IAGS) a adopté dans des conditions controversées une résolution alléguant que « les politiques menées par Israël à Gaza et ses agissements dans l’enclave répondent à la définition juridique du génocide ».
Au début du mois de septembre 2025, l’International Association of Genocide Scholars (IAGS) a adopté dans des conditions controversées une résolution alléguant que « les politiques menées par Israël à Gaza et ses agissements dans l’enclave répondent à la définition juridique du génocide ».
Cette initiative, très largement relayée par la presse internationale, a été sévèrement critiquée par un collectif beaucoup moins médiatisé de juristes et d’universitaires spécialistes des génocides.
On compte parmi eux Eli M. Rosenbaum, juriste émérite spécialisé dans la qualification des crimes de guerre, de génocide et de crimes contre l’humanité, Jeffrey Mausner, ancien procureur américain chargé des crimes de guerre nazis, mais aussi les historiens Benny Morris, Jeffrey Herf, Günther Jikeli, Joël Kotek, Stéphanie Share (collaboratrice régulière de Conspiracy Watch) ainsi que des spécialistes de l’antisémitisme comme Izabella Tabarovsky et David Hirsh.
Selon eux, la résolution de l’IAGS maltraite les standards du droit international. Ils font remarquer que la Chambre préliminaire de la Cour pénale internationale (CPI) n’a pas retenu le chef d’« extermination » dans les mandats d’arrêt qu’elle a émis contre Benyamin Netanyahou et Yoav Gallant (l’ancien ministre israélien de la Défense) poursuivis pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre. D’autre part, ils arguent que l’ordonnance du 26 janvier 2024 de la Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction de l’ONU, répondant à la demande de mesures conservatoires introduite par l'Afrique du Sud à l'égard d'Israël, n’a pas « constaté un génocide », ni même jugé « plausibles » des actes génocidaires : elle s'est bornée à reconnaître la plausibilité des droits des Palestiniens à être protégés au titre de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, sans se prononcer sur le fond du sujet comme l’a précisé la présidente de la Cour Joan E. Donoghue.
Un élément-clé de leur argumentation est que la Convention de 1948 définit le génocide comme « l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel » et que la jurisprudence de la CIJ suppose, pour entrer en voie de condamnation, que cette « intention spécifique » (ou dolus specialis) soit établie. En d’autres termes, le droit international exigerait que les indices soutenant l’intention génocidaire soient non seulement « convaincants », mais aussi que l’intention génocidaire elle-même soit exclusive d’autres explications plausibles : « Devant la CIJ, le génocide doit être prouvé de manière pleinement concluante, ce qui signifie qu’aucune autre explication possible ne doit rester ».
Selon eux, la résolution de l’IAGS maltraite les standards du droit international. Ils font remarquer que la Chambre préliminaire de la Cour pénale internationale (CPI) n’a pas retenu le chef d’« extermination » dans les mandats d’arrêt qu’elle a émis contre Benyamin Netanyahou et Yoav Gallant (l’ancien ministre israélien de la Défense) poursuivis pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre. D’autre part, ils arguent que l’ordonnance du 26 janvier 2024 de la Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction de l’ONU, répondant à la demande de mesures conservatoires introduite par l'Afrique du Sud à l'égard d'Israël, n’a pas « constaté un génocide », ni même jugé « plausibles » des actes génocidaires : elle s'est bornée à reconnaître la plausibilité des droits des Palestiniens à être protégés au titre de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, sans se prononcer sur le fond du sujet comme l’a précisé la présidente de la Cour Joan E. Donoghue.
Un élément-clé de leur argumentation est que la Convention de 1948 définit le génocide comme « l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel » et que la jurisprudence de la CIJ suppose, pour entrer en voie de condamnation, que cette « intention spécifique » (ou dolus specialis) soit établie. En d’autres termes, le droit international exigerait que les indices soutenant l’intention génocidaire soient non seulement « convaincants », mais aussi que l’intention génocidaire elle-même soit exclusive d’autres explications plausibles : « Devant la CIJ, le génocide doit être prouvé de manière pleinement concluante, ce qui signifie qu’aucune autre explication possible ne doit rester ».
Or, il apparaît probable que les opérations militaires israéliennes à Gaza ont d’autres explications que celle d’une volonté cachée d’exterminer ses habitants.
La résolution de l'IAGS passe toutefois sous silence des éléments essentiels à la compréhension de la situation à Gaza : la stratégie systématique du Hamas de se servir des infrastructures civiles comme de boucliers humains, les ordres entravant l’évacuation des civils malgré les alertes préalables de Tsahal avant d’attaquer, l’ampleur du réseau de tunnels souterrains, la présence de combattants parmi les morts décomptés, de même que les mesures prises par Israël pour acheminer une aide humanitaire dans l’enclave.
On peut débattre de l’efficacité de ces mesures, les critiquer durement, en pointer les multiples limites. On ne peut pas faire comme si elles n’existaient pas.
La situation en cours à Gaza est inédite. Aucune guerre d’une telle intensité n’a duré aussi longtemps dans toute l’histoire de l’État d’Israël. Un bourbier comparable à ce que fut la guerre du Vietnam pour les États-Unis – sans que le Viêt Cong ne l’attaque sur son sol pour y massacrer des milliers de citoyens américains.
La situation en cours à Gaza est inédite. Aucune guerre d’une telle intensité n’a duré aussi longtemps dans toute l’histoire de l’État d’Israël. Un bourbier comparable à ce que fut la guerre du Vietnam pour les États-Unis – sans que le Viêt Cong ne l’attaque sur son sol pour y massacrer des milliers de citoyens américains.
Aux yeux de beaucoup, l’effroyable coût humain de la guerre Hamas-Israël qui a suivi le massacre du 7-Octobre est insupportable. Il est alors aisé de comprendre les motifs psychologiques qui poussent certains, y compris en Israël même, à parler de « génocide » : si ce mot peut contribuer à abréger la guerre, s’il peut sauver ne serait-ce que la vie d’un seul innocent, alors son usage s’en trouverait à leurs yeux justifié.
En l'espèce, Conspiracy Watch s’est refusé et se refuse encore aujourd’hui à utiliser le mot « génocide ».
La première raison tient à ce que, dans un contexte d’explosion mondiale des propos, agressions et meurtres à caractère antisémite et d’indifférence corrélative à l’antisémitisme, l’accusation de « génocide » est dangereuse. Elle a toutes les chances d’encourager des passages à l’acte violents contre les Juifs ici, en Europe, et dans le reste du monde.
En l'espèce, Conspiracy Watch s’est refusé et se refuse encore aujourd’hui à utiliser le mot « génocide ».
La première raison tient à ce que, dans un contexte d’explosion mondiale des propos, agressions et meurtres à caractère antisémite et d’indifférence corrélative à l’antisémitisme, l’accusation de « génocide » est dangereuse. Elle a toutes les chances d’encourager des passages à l’acte violents contre les Juifs ici, en Europe, et dans le reste du monde.
A contrario, on ne voit pas de quelle manière l’usage dévoyé de ce terme pourrait conduire à une amélioration des conditions de vie des habitants de la Bande de Gaza.
L’accusation est si dangereuse qu’à moins d’être sûr que ce qui se déroule à Gaza est un « génocide », la prudence la plus élémentaire devrait commander de s’abstenir d’utiliser ce mot.
Qui ne voit en effet la fantastique aubaine qu’une telle imputation représente pour les antisémites ? Comme le montre magistralement le philosophe Gérard Bensussan dans son essai Des sadiques au cœur pur (Hermann, 2025), l’accusation infamante de « génocide » prolonge celle, immémoriale, de « déicide ».
Nous savons trop la liste interminable des crimes commis sous ce prétexte à travers l’histoire. Il est impossible d’ignorer que la démonisation d’Israël, en ce qu’elle constitue l’une des formes privilégiées de l’antisémitisme contemporain, est étroitement corrélée à la violence antijuive.
Comment ne pas voir que l’usage généralisé de ce mot de « génocide » contre Israël revient à nazifier les Juifs par métonymie tout en réactivant des schèmes moyenâgeux ? Comment ne pas voir qu’il autorise à les présenter comme des êtres non seulement haïssables (l’activiste antisémite Sarah Wilkinson, membre de la Global Sumud Flotilla, vient de déclarer que les Israéliens n’étaient « pas des êtres humains comme nous » mais « des monstres »…) mais qu’il est aussi vertueux de haïr (voir Eva Illouz,
Le 8-Octobre. Généalogie d'une haine vertueuse, Gallimard, 2024) ? Au début du mois d’août dernier, un individu est venu inscrire sur la porte de la synagogue Emanu-El de Victoria (Canada) les mots suivants :
« Les Juifs sont le mal ! Car le génocide est le mal ! Arrêtez le génocide, arrêtez les Juifs ! Les Juifs assassinent des milliers d'enfants non-juifs. À l'avenir, les Palestiniens se vengeront de vous, monstres juifs tueurs d'enfants ! »
La deuxième raison est tout simplement que l'utilisation de ce terme est fallacieuse. Parler de « génocide » ne relève pas d’une description objective soucieuse du réel mais d’une accusation hyperbolique qui a tout à voir avec la corruption qu’impose au langage cette ère orwellienne de la « post-vérité » dont on s’inquiète à juste titre depuis une dizaine d’années. La sociologue Eva Illouz parle à cet égard d’« effondrement sémantique » qu’elle décrit comme cette situation où « les mots ne veulent plus rien dire ».
« Les Juifs sont le mal ! Car le génocide est le mal ! Arrêtez le génocide, arrêtez les Juifs ! Les Juifs assassinent des milliers d'enfants non-juifs. À l'avenir, les Palestiniens se vengeront de vous, monstres juifs tueurs d'enfants ! »
La deuxième raison est tout simplement que l'utilisation de ce terme est fallacieuse. Parler de « génocide » ne relève pas d’une description objective soucieuse du réel mais d’une accusation hyperbolique qui a tout à voir avec la corruption qu’impose au langage cette ère orwellienne de la « post-vérité » dont on s’inquiète à juste titre depuis une dizaine d’années. La sociologue Eva Illouz parle à cet égard d’« effondrement sémantique » qu’elle décrit comme cette situation où « les mots ne veulent plus rien dire ».
Un mensonge répété un million de fois finira peut-être par être cru mais restera toujours un mensonge.
Il en est de même avec ces mensonges « pour la cause », proférés au nom du « Bien » et avec d’autant plus d’aplomb qu’aucune mauvaise conscience n’existe pour les entraver.
Là où l’on aurait pu s'attendre de la part de beaucoup d’adversaires patentés de la désinformation à un redoublement de vigilance à l’égard de cette opération de chantage intellectuel commanditée par une organisation terroriste – doit-on encore le rappeler ? –, on a trop souvent constaté l’abdication de l’esprit critique et l’indifférence aux faits matériels. Endosser des slogans militants par conformisme ne relève pas du journalisme mais de l’idéologie. Lorsque de grands médias d’information cèdent devant un tel coup de force, ils dérogent à l’éthique journalistique élémentaire et au devoir d’exactitude. Nourrissant la défiance endémique à l’égard de toute la profession, brouillant la frontière qui devrait les séparer des consultants en communication, ils facilitent en définitive la tâche des désinformateurs.
La dernière raison est que nous percevons trop bien les fonctions psychologiques et politiques que remplit l’accusation de « génocide » pour accepter d’en être les dupes volontaires. À observer le comportement de certains participants à la Flotille pour Gaza, on peut raisonnablement douter que tous ceux qui utilisent le mot de « génocide » y croient eux-mêmes. Cette incrimination a toujours occupé, on l’a vu, une place de choix dans le dispositif de propagande visant à délégitimer le seul État juif du monde – un État dont pas une seule dictature criminelle n’a subi le quart de la réprobation onusienne qui lui est réservée depuis sa création.
La dernière raison est que nous percevons trop bien les fonctions psychologiques et politiques que remplit l’accusation de « génocide » pour accepter d’en être les dupes volontaires. À observer le comportement de certains participants à la Flotille pour Gaza, on peut raisonnablement douter que tous ceux qui utilisent le mot de « génocide » y croient eux-mêmes. Cette incrimination a toujours occupé, on l’a vu, une place de choix dans le dispositif de propagande visant à délégitimer le seul État juif du monde – un État dont pas une seule dictature criminelle n’a subi le quart de la réprobation onusienne qui lui est réservée depuis sa création.
Elle dispense en outre l’activisme anti-israélien de se remettre en question après les atrocités commises le 7 octobre 2023 par le Hamas et ses alliés (FPLP, Djihad islamique, FDLP, Brigades des martyrs d'Al-Aqsa). Elle permet notamment de faire passer au second plan les aspirations proprement génocidaires de l’organisation islamiste, déjà présentes dans sa Charte fondatrice (« L'Apôtre de Dieu a dit : "L'Heure ne viendra pas avant que les musulmans n'aient combattu les Juifs (c'est-à-dire que les musulmans ne les aient tués), avant que les Juifs ne se fussent cachés derrière les pierres et les arbres et que les pierres et les arbres eussent dit : 'Musulman, serviteur de Dieu ! Un Juif se cache derrière moi, viens et tue-le »), et qui a appelé publiquement, plus récemment, à « attaquer et à tuer chaque Juif dans le monde » ainsi qu'à « répéter le 7-Octobre encore et encore, jusqu’à l’anéantissement d’Israël ».
Non seulement l’accusation de génocide contribue à noyer la spécificité du 7-Octobre dans le continuum du cycle de la violence terroriste palestinienne et des représailles militaires conventionnelles israéliennes, mais elle suggère également que l’État hébreu se rend coupable d’un crime symboliquement aussi grave que celui – la Shoah – sur lequel toute sa légitimité est réputée reposer.
De plus, le « génocide » fait fonction d'alibi pour le Hamas. L’organisation terroriste, qui poursuit la création d’une Grande Palestine islamique « du fleuve à la mer », y trouve en effet un argument l’autorisant à refuser la création d'un État démilitarisé : si les partisans de la cause nationale palestinienne se persuadent qu’Israël est un ennemi si mortel, comment le Hamas pourrait-il accepter de déposer les armes ?
Peut-être le sens de l'histoire est-il d'aller vers un étirement continu de la notion de « génocide » qui conduira à ce que ce mot, sans lequel il est difficile de penser le XXème siècle, finisse par se démonétiser irrémédiablement. Conspiracy Watch n’accompagnera pas ce mouvement. Nous croyons qu'il est aujourd’hui de notre déontologie de résister à cette douteuse injonction.
Une fois cela posé, il va sans dire que nous prendrons en compte tout élément nouveau qui pourrait être de nature à réviser ce jugement. Nous ne nous retrancherons pas derrière l'argument selon lequel seul un tribunal international aurait la légitimité pour employer le terme de « génocide ».
Peut-être le sens de l'histoire est-il d'aller vers un étirement continu de la notion de « génocide » qui conduira à ce que ce mot, sans lequel il est difficile de penser le XXème siècle, finisse par se démonétiser irrémédiablement. Conspiracy Watch n’accompagnera pas ce mouvement. Nous croyons qu'il est aujourd’hui de notre déontologie de résister à cette douteuse injonction.
Une fois cela posé, il va sans dire que nous prendrons en compte tout élément nouveau qui pourrait être de nature à réviser ce jugement. Nous ne nous retrancherons pas derrière l'argument selon lequel seul un tribunal international aurait la légitimité pour employer le terme de « génocide ».
Si, par hypothèse, il devait être démontré que l’État d’Israël s’est rendu coupable de crimes commis dans l’intention de « détruire » le peuple palestinien « comme tel » – pour reprendre la lettre de la Convention de 1948 –, nous le dirons sans attendre.
À l’inverse, si une juridiction internationale venait à condamner un État, quel qu’il soit, pour un génocide imaginaire, nous joindrons notre voix à celles qui critiqueront cette décision. Dans tous les cas, nous nous en tiendrions à la ligne de conduite qui est la nôtre et n’a jamais cessé de l'être : nommer correctement les choses.
☆ Mise à jour du 12/10/2025 : Ajout d'une précision au paragraphe 9 sur le statut de certains civils ciblés par Israël.
☆ Mise à jour du 12/10/2025 : Ajout d'une précision au paragraphe 9 sur le statut de certains civils ciblés par Israël.
Par Rudy Reichstadt
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