Factures fictives, sociétés fantômes : La traque judiciaire s’intensifie.

Factures fictives, sociétés fantômes : La traque judiciaire s’intensifie.


La Direction générale des impôts de Rabat.

La Direction générale des impôts a lancé une campagne d’ampleur contre les factures fictives, en coordination avec les services de sécurité. 

Plusieurs réseaux spécialisés dans la création de sociétés écrans ont été démantelés, des centaines de fausses factures saisies et près de 300 personnes poursuivies, dans un effort destiné à endiguer des pertes fiscales se chiffrant en milliards de dirhams. 

La Direction générale des impôts, relevant du ministère de l’Économie et des Finances, a lancé une vaste campagne de lutte contre les factures fictives, en coordination avec la police judiciaire et les différents services de sécurité. 

Cette offensive a permis de démanteler plusieurs réseaux actifs dans ce domaine, écrit le quotidien Al Akhbar dans son édition du mercredi 26 novembre.

Citées par Al Akhbar, des sources au sein du ministère de l’Économie et des Finances expliquent que cette action s’inscrit dans le cadre de la réforme fiscale engagée ces dernières années. Une cellule de veille et d’analyse des risques a été créée au sein de la Direction générale des impôts afin de s’attaquer au phénomène des factures fictives, qui coûte chaque année plusieurs milliards de dirhams à l’économie nationale. Grâce à ce dispositif de prévention et de lutte contre la fraude, les pertes fiscales, estimées auparavant à près de 10 milliards de dirhams, auraient été réduites à environ 8 milliards. Selon les mêmes sources, cette approche a permis d’augmenter les recettes fiscales sans instaurer de nouveaux impôts, en particulier parce que certaines entreprises percevaient la taxe auprès de leurs clients sans jamais la reverser à l’État.

Depuis le lancement de cette opération d’envergure, environ 300 personnes ont été déférées devant la justice, parmi lesquelles certaines ont déjà été condamnées à des peines de prison ferme. Les mis en cause comprennent aussi bien ceux qui achètent des factures fictives que ceux qui les vendent.

Les investigations ont révélé que les membres de ces réseaux créaient des entreprises factices utilisées pour émettre et vendre de fausses factures à des tiers. Ils se servaient également de ces entités dans des opérations financières douteuses, notamment pour contracter des prêts frauduleux.

Les enquêtes ont permis d’identifier et d’arrêter les principaux suspects ainsi qu’un certain nombre d’intermédiaires impliqués dans ces pratiques. 

Les perquisitions ont abouti à la saisie de documents relatifs à la création de ces sociétés fictives, d’un grand nombre de factures, de chéquiers, de documents commerciaux, de pièces d’identité appartenant à des tiers, ainsi que de nombreux cachets et équipements électroniques contenant des traces numériques des opérations illégales. 

Tous les suspects sont actuellement soumis à des enquêtes judiciaires supervisées par le parquet compétent afin de déterminer l’étendue réelle de ces activités et d’identifier d’éventuels complices supplémentaires, explique Al Akhbar.

Parmi les méthodes utilisées par ces réseaux figure la conservation de registres commerciaux de plusieurs sociétés écrans, dont les identités et les informations sont apposées sur des factures revendues à d’autres entreprises. 

Ces dernières les utilisent pour simuler des achats ou des prestations inexistantes et gonfler artificiellement leurs charges dans le but de réduire leurs bénéfices imposables et d’échapper au paiement de l’impôt réel. Les enquêteurs ont ainsi intercepté des individus propriétaires d’un ensemble de sociétés portant des noms différents mais affichant des chiffres d’affaires annuels élevés. 

L’enquête a montré que ces entreprises n’existaient en réalité que sur le papier et ne menaient aucune activité concrète. Leurs propriétaires collaborent avec des intermédiaires opérant sur le marché noir pour faciliter la vente de factures, cédées entre 100 et 200 dirhams pour une facture dont la valeur déclarée atteint 10 000 dirhams.

La Direction générale des impôts avait déjà établi une liste noire recensant les sociétés spécialisées dans la vente de factures fictives. Plusieurs dossiers ont été transmis au parquet pour engager des poursuites contre les fraudeurs. La législation financière contient des dispositifs répressifs destinés à combattre l’utilisation de factures fictives. 

Le Code général des impôts impose que toute opération d’achat de biens ou de services réalisée par un contribuable auprès d’un fournisseur soumis à la taxe professionnelle soit effective et justifiée par une facture légalement établie à son nom. Lorsque l’administration constate que la facture provient d’un fournisseur défaillant dans ses obligations déclaratives ou fiscales, ou qu’il n’exerce aucune activité réelle, la déduction correspondante est automatiquement rejetée. L’administration fiscale met également à disposition des contribuables, via son site internet, une liste régulièrement mise à jour des numéros d’identification fiscale des fournisseurs jugés non conformes.

La loi encadre strictement les cas nécessitant l’application de sanctions pénales et exclut les plaintes liées à l’émission de factures fictives de la compétence de la Commission des infractions fiscales. Elle confère au ministre des Finances le pouvoir de transmettre directement ces plaintes au parquet. Malgré ces ajustements, plusieurs pratiques illégales persistent, notamment la création de sociétés dédiées à la production de factures fictives. Un rapport du Conseil supérieur des comptes confirme l’existence d’entreprises fantômes dépourvues d’activité réelle, dont les propriétaires se consacrent à la vente de factures utilisées pour la fraude fiscale.

Ce rapport souligne également que la majorité des directions régionales des impôts ne disposent pas de stratégie efficace pour traiter le cas des entreprises inactives, radiées ou non radiées, qui ne mènent plus aucune activité depuis des années. 
Lorsque l’administration choisit de ne pas imposer ces sociétés, elle le fait généralement sans vérifier leur situation réelle auprès des tribunaux de commerce ou d’autres instances compétentes. 

En l’absence de ces vérifications, ces sociétés conservent leur existence juridique et peuvent à tout moment reprendre des déclarations fiscales, après avoir longtemps bénéficié d’une absence d’imposition. 
À l’inverse, maintenir leur imposition automatique gonfle artificiellement les montants fiscaux impayés alors que les chances de les recouvrer sont minimes, voire nulles.

Al Akhbar

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