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S’abstenir de faire des enfants pour sauver la planète, est-ce une si bonne idée ?
Une étrange idée est en train de se développer depuis
quelques temps : s’abstenir de faire un enfant aiderait à sauver la
planète.
Notre époque volontiers apocalyptique se doublerait-elle d’une
résurgence post-moderne du malthusianisme ?
Pourquoi rajouter des
terriens supplémentaires aux quelques milliards que nous sommes déjà et
qui ont tellement mis à mal la planète ?
Une question que des jeunes
couples de plus en plus nombreux se posent.
D’autant que la perspective
d’une démographie humaine galopante a longtemps fait son chemin dans les
esprits. Or les chiffres récents publiés par l’ONU sur l’évolution de
la population humaine sont revus à la baisse et le tsunami démographique
attendu n’aura peut-être pas lieu, ou du moins pas partout, au
contraire.
Faire son tri sélectif, éviter de
prendre l’avion, manger moins de viande et circuler à vélo ne suffit
plus pour ceux, de plus en plus nombreux, qui veulent par leurs actes
quotidiens, contribuer à sauver la planète.
Désormais une drôle de
pensée sort des cercles de l’intime pour s’exposer ouvertement dans les
conversations et les médias : Pour sauver le monde, il ne faudrait plus
faire d’enfants.
Genèse d’une drôle d’idée
Cette idée a commencé à germer au moment où les rapports du GIEC
sont devenus plus inquiétants. Ainsi, à l’occasion de celui qui fut
publié en octobre 2018, l’AFP eut l’idée d’exhumer une étude
réalisée en 2017 par des scientifiques américains établissant l’impact
d’une batterie de gestes et actions que nous faisons sur le
réchauffement climatique.
L‘AFP posta même sur Twitter une infographie
présentant les résultats. On y observe que la mesure la plus importante,
et de loin, pour lutter contre le réchauffement climatique, serait
d’avoir un enfant de moins.
Ce tweet a immédiatement provoqué le tollé de nombreux lecteurs
scandalisés.
À tel point que l’agence de presse se sentit obligée de
communiquer un nouveau tweet pour se dédouaner et expliquer qu’elle ne
s’associait pas à cette idée et qu’elle était très éloignée de toute
vocation au malthusianisme.
Pourtant, vingt-quatre heures après, le vénérable journal Le Monde publiait une tribune signée par plusieurs scientifiques, démographes et intellectuels.
Les auteurs ne prenant aucun gant déclaraient tout net : « on ne pourra pas faire l’impasse sur une réduction de l’accroissement de la population mondiale ».
Dans ce qui ressemble à la naissance d’un étrange bruit de fond, il
faut noter l’intervention de l’écologiste Yves Cochet, ancien ministre
de l’Environnement dans le gouvernement de Lionel Jospin.
Dans un débat publié
en décembre 2018 dans l’Obs il proposait à son tour de réduire la
croissance démographique dans les pays les plus développés. « Ce sont eux qui ont le mode de vie le plus polluant ».
Pour ce faire, l’ancien ministre n’y va pas par quatre chemins, il propose de « renverser
notre politique d’incitation à la natalité, en inversant la logique des
allocations familiales.
Plus vous avez d’enfants, plus vos allocations
diminuent, jusqu’à disparaître à partir de la troisième naissance ».
Ce que propose Yves Cochet n’est d’ailleurs pas une idée neuve
puisqu’en 1992 déjà un rapport, établi par un comité de l’Académie
nationale des sciences des États-Unis, affirmait : « Les impacts de
la planification familiale sur les émissions de gaz à effet de serre
sont importants à tous les niveaux de développement ».
En 2009, le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) écrivait que la Terre était «au bord du gouffre
», et que la baisse de la croissance démographique était le facteur
principal de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.
No Kids
Devant ces perspectives démographiques alarmantes, il ne faut pas
s’étonner que des mouvements se mettent en action un peu partout en
Occident.
Aux Etats-Unis, des groupes de femmes, les Ginks (pour Green Inclinations No Kids) accusent la surpopulation d’aggraver le réchauffement climatique et ont décidé de ne pas procréer pour sauver la planète.
Selon Le Point,
les militants de ce mouvement pensent sérieusement que, quand une
famille américaine se prive d’un enfant, elle réduit son bilan carbone
autant que 680 adolescents qui décideraient de recycler, à vie, tous
leurs déchets.
En France, Corinne Maier, auteur du livre No Kids : 40 bonnes raisons de ne pas avoir d’enfants,
explique que le seul moyen d’enrayer cette surpopulation et ce «
désastre écologique » est de ne pas avoir d’enfant.
Cette mère de deux
enfants va même jusqu’à regretter de les avoir mis au monde…
Panique ou hystérie collective ?
Peut-être les deux à la fois, à
cause d’une idée simple voire simpliste : tous ces êtres humains qui
vivent, qui consomment, qui respirent, qui dégagent naturellement du gaz
carbonique, qui se déplacent, travaillent, s’amusent, tous ces terriens
semblent bien nombreux pour une planète bien petite, et qui s’avère
désormais extraordinairement fragile.
Toutefois, la science de la démographie n’est pas le point fort de
la plupart d’entre nous. Nous restons sur la connaissance de grandes
masses sans voir ni comprendre la finesse des détails. Nous observons
ainsi que nous sommes 7.7 milliards de terriens alors qu’en 1950 on en
dénombrait 2.6 milliards. Cinq milliards d’êtres humains en plus sur
l’échelle d’une vie d’homme, cela fait beaucoup. D’autant que les
prévisions se traduisaient jusqu’à présent par des courbes montant
spectaculairement.
En réalité, la démographie mondiale n’augmente pas de façon
exponentielle, contrairement à d’autres grandeurs plus alarmantes. Les
études les plus récentes suggèrent une stabilisation, suivie d’une lente
décroissance, à l’horizon 2050. Les projections de population mondiale
que les Nations unies viennent de publier
établissent que la population mondiale atteindra entre 8.9 et 10.6
milliards de personnes en 2050. En 2100, le scénario moyen établit la
population mondiale à 10.9 milliards. Nous ne sommes pas dans le
scénario catastrophe que certains craignaient.
L’inégal facteur fécondité
La construction de ces hypothèses est faite par les démographes en
fonction d’un facteur déterminant : la fécondité. Gilles Pison,
anthropologue et démographe, professeur au Muséum national d’histoire
naturelle explique dans un article
publié cette semaine qu’il y a près de quarante ans, l’ONU avait retenu
comme hypothèse moyenne une fécondité de près de 2,1 enfants par femme à
terme dans tous les pays du monde.
Ce seuil correspond au remplacement
des générations – chaque couple est remplacé en moyenne par deux enfants
devenant eux-mêmes adultes.
En réalité, les chiffres que l’on connaît aujourd’hui sont beaucoup plus contrastés.
La fécondité s’est maintenue nettement en dessous de 2,1 enfants
dans beaucoup de pays industrialisés.
Et de nombreux pays du Sud ont
rejoint les pays du nord dans la basse fécondité. Les Nations unies ont
de ce fait adopté une hypothèse de convergence à terme à 1,85 enfant.
Les courbes de population prennent alors presque partout une forme en
cloche : après avoir atteint un maximum, la population se met à
diminuer.
De plus, contrairement à ce que les experts attendaient, la
fécondité a commencé à baisser très rapidement dans beaucoup de pays
d’Asie et d’Amérique latine. Enfin, une troisième surprise est venue de
l’Afrique intertropicale : on s’attendait à ce que sa fécondité baisse
plus tardivement qu’en Asie et en Amérique latine, du fait de son retard
en matière de développement socio-économique.
Mais on imaginait un
simple décalage dans le temps, avec une fécondité diminuant à un rythme
similaire à celui supposé pour les autres régions du Sud une fois la
baisse engagée.
C’est bien ce qui s’est passé en Afrique du Nord et en
Afrique australe, écrit Gilles Pison, mais pas en Afrique
intertropicale.
Dans cette région, la baisse de la fécondité, bien
qu’entamée aujourd’hui, s’y effectue plus lentement que prévu.
D’où un
relèvement des projections pour l’Afrique qui pourrait rassembler en
2100 plus de 4.3 milliards de personnes, soit un habitant de la planète
sur trois.
Comparaison des projections de population publiées en 1981 et en 2019 – Source : ONU
Le mot d’ordre No Kids et les rengaines plaidant pour un
monde avec moins de naissances sont l’apanage d’Occidentaux qui sont là
dans une logique de culpabilisation, nous sommes, disent-ils, les
responsables de tous les malheurs de la planète à commencer par le
réchauffement climatique.
Limitons donc notre nombre !
Or le problème de
la démographie ne se pose pas en Occident.
Les chiffres des démographes
sont formels.
Au contraire, en Europe, mais aussi en Chine ou en
Amérique latine, il faudrait plutôt parler de dénatalité et non de
surpopulation.
Les partisans de la décroissance démographique,
confortablement installés dans un Occident riche, devraient plutôt
regarder plus au Sud et se battre pour aider les femmes Africaines qui
n’ont aucun moyen d’accéder à la contraception et rêveraient de pouvoir
limiter leur descendance.
Car les véritables enjeux de l’avenir de
l’humanité sur cette planète sont là.
Image d’en-tête : © Vanessa DC Photographe
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