Temple de Salomon : Une arnaque archéologique ?
La quête de preuves attestant l’existence du Temple de Salomon, mythique lieu au cœur même de la religion juive, ressemble d’une certaine manière à celle du saint Graal. En effet, excepté sa mention dans l’Ancien Testament, il n’existe aucune donnée archéologique le concernant. Une telle situation peut s’avérer être un terreau fertile pour toute personne mal intentionnée dans la ville antique (et pleine d’antiquaires) de Jérusalem. Démonstration…
Ce périple commence au milieu des années 80 par une découverte historique et religieuse faite chez un antiquaire de la ville sainte. Il s’agit d’un petit objet vraisemblablement très vieux et fracturé, où un message en hébreu est inscrit. Trouvaille d’apparence anodine, mais André Lemaire, un épigraphiste français, va pourtant l’authentifier comme étant une grenade cérémonielle en ivoire datant du VIIIe siècle avant J.-C.
Celle-ci prouverait l’existence du Temple de Salomon par la traduction des gravures présentes : « appartient au temple de Yahvé [Dieu], sacré pour les prêtres ». Du côté israélien, l’officielle IAA (Autorité israélienne des antiquités) approuve l’analyse du Français et l’Israel Museum tente alors d’acquérir cette pièce unique, qui a entretemps mystérieusement disparu.
C’est finalement en 1987 que la Grenade d’Ivoire est retrouvée (grâce à un coup de fil anonyme), acquise (en échange de 700 000 dollars en liquide offerts par un donateur anonyme et déposés sur un compte secret en Suisse), puis exposée en tant que seul vestige au monde du Temple de Salomon, malgré une ignorance totale concernant les circonstances de son exhumation et l’identité de son ancien propriétaire [1].
C’est finalement en 1987 que la Grenade d’Ivoire est retrouvée (grâce à un coup de fil anonyme), acquise (en échange de 700 000 dollars en liquide offerts par un donateur anonyme et déposés sur un compte secret en Suisse), puis exposée en tant que seul vestige au monde du Temple de Salomon, malgré une ignorance totale concernant les circonstances de son exhumation et l’identité de son ancien propriétaire [1].
En 2002, le milieu de l’archéologie en Israël est de nouveau en émoi. En effet, une autre découverte prouvant la véracité du mythique temple est faite chez un antiquaire. Il s’agit cette fois d’une tablette en pierre couverte de textes en hébreu antique.
Ces textes mentionnent des travaux accomplis par le roi Joas sur le temple de Yahvé, en totale concordance avec ce qui est écrit dans le Livre des Rois, dans l’Ancien Testament. La tablette de Joas est étudiée par le Geological Survey of Israel (l’institut géologique d’Israël, géré par le gouvernement) qui conclut à son authenticité. Cependant, des doutes naissent quant à ces conclusions quand la presse dévoile que l’homme qui se cache derrière cette révélation n’est autre qu’Oded Golan.
Alors qui est Golan ? Cet homme, qui se définit lui-même comme collectionneur d’antiquités, s’est fait connaître quelques mois auparavant pour avoir révélé au grand jour une pièce religieuse unique : le polémique ossuaire de Jacques [2]. Polémique car l’authenticité de ce dernier est ouvertement critiquée par de très nombreux spécialistes, mais aussi parce qu’il contredit l’histoire de Jésus Christ comme elle est décrite dans la Bible.
En bref, nous avons une découverte à portée historique et mondiale, reconnue par l’État israélien qui plus est, révélée par un type que peu hésitent à qualifier d’escroc. C’est donc logiquement qu’une contre-expertise indépendante doit être faite. Celui qui s’en chargera est Yuval Goren, un professeur de Tel Aviv.
Il étudiera la patine [3] de la Tablette et son compte rendu sera sans appel : la pierre ne provient pas de Jérusalem ni de ses environs, et les gravures sont très récentes et probablement faites avec des outils modernes [4]. C’est l’écœurement général.
Il étudiera la patine [3] de la Tablette et son compte rendu sera sans appel : la pierre ne provient pas de Jérusalem ni de ses environs, et les gravures sont très récentes et probablement faites avec des outils modernes [4]. C’est l’écœurement général.
Pour répondre aux pressions, le gouvernement israélien demande à la police et à l’IAA d’enquêter sur Golan, qui passe en toute logique pour le responsable de cette mascarade. Les conclusions sont effarantes : on a carrément découvert chez lui un atelier et des outils indispensables pour contrefaire des antiquités ainsi que des œuvres inachevées [5].
On trouvera même une photo montrant le soi-disant collectionneur tenant dans ses mains la fameuse tablette alors que celui-ci s’était toujours défendu de ne l’avoir jamais vue. Plus tard, les enquêteurs iront jusqu’à démontrer que Golan a déjà vendu beaucoup de ses contrefaçons à des collectionneurs et des musées partout dans le monde, malheureusement sans jamais dévoiler le nom des victimes. Dans un tel contexte, l’IAA ne peut que reconnaître que la tablette de Joas est un faux, tout comme l’autre grande création de Golan, l’ossuaire de Jacques.
On trouvera même une photo montrant le soi-disant collectionneur tenant dans ses mains la fameuse tablette alors que celui-ci s’était toujours défendu de ne l’avoir jamais vue. Plus tard, les enquêteurs iront jusqu’à démontrer que Golan a déjà vendu beaucoup de ses contrefaçons à des collectionneurs et des musées partout dans le monde, malheureusement sans jamais dévoiler le nom des victimes. Dans un tel contexte, l’IAA ne peut que reconnaître que la tablette de Joas est un faux, tout comme l’autre grande création de Golan, l’ossuaire de Jacques.
En décembre 2004, Golan et trois de ses complices sont inculpés pour contrefaçon. Les enquêteurs les accusent même de pratiquer cette activité depuis une vingtaine d’années au moins. De plus, l’opinion générale est d’avis que Golan n’est que la partie émergée d’un système de fraude élaboré, qui n’a pu être mené à bien que par l’existence d’une organisation compétente et structurée mais criminelle [6]. Une mafia d’antiquités bibliques, en somme.
Il est alors indispensable, pour comprendre l’intérêt d’une telle escroquerie, de comprendre avant tout la situation du marché des antiquités en Israël. La valeur d’un objet archéologique biblique possédant des traces d’écriture est cent fois supérieure à celle d’un même objet qui est quant à lui vierge de toute inscription [7] En gros, il suffit de graver, bien comme il faut, quelques mots en hébreux sur un vase datant d’avant notre ère pour que son prix passe de 1 000 à 100 000 dollars.
Directement après ces révélations, des interrogations se portent inévitablement vers la Grenade d’Ivoire dévoilée au grand public en 1987. Des interrogations qui s’avèreront fondées, puisque c’est encore Yuval Goren [8] qui démontrera par l’étude de la patine et d’autres observations [9] la falsification du seul et unique vestige officiellement reconnu par l’Israël Museum comme étant lié au Temple de Salomon [10]. L’enquête policière démontrera même qu’il y a toutes les chances de croire que Golan et ses acolytes sont derrière cette arnaque [11].
À l’heure actuelle, la Grenade n’est plus visible par le public et la Tablette n’est jamais exposée. Les défenseurs de l’authenticité des différents objets ont perdu beaucoup d’estime aux yeux de la communauté archéologique mondiale. Oded Golan n’a jamais payé pour ses actes [12]. Et, plus grave encore, chaque antiquité dite biblique et qui possède des traces d’écriture en Israël est maintenant déclarée suspecte, qu’elle se trouve sur l’étal d’un antiquaire ou sur le présentoir d’un musée.
Notes
[1] Les Trésors perdus de Salomon (2007), documentaire de Robert Eagle :
http://www.dailymotion.com/video/xjzuoj_les-tresors-perdus-de-salomon-1_tech
http://www.dailymotion.com/video/xjzyvq_les-tresors-perdus-de-salomon-2_tech?search_algo=2
http://www.dailymotion.com/video/xk045q_les-tresors-perdus-de-salomon-3_tech?search_algo=2
http://www.dailymotion.com/video/xjzyvq_les-tresors-perdus-de-salomon-2_tech?search_algo=2
http://www.dailymotion.com/video/xk045q_les-tresors-perdus-de-salomon-3_tech?search_algo=2
[2] Ossuaire de Jacques : il s’agit d’une boite en pierre qui sert d’urne funéraire où il est gravé en araméen ancien « Jacques fils de Joseph, frère de Jésus ». Cet objet apporterait la preuve d’un lien biologique entre Jésus et Saint Jacques, l’un des douze apôtres.
[3] Patine : fine couche sur la surface d’une roche créée par les altérations chimiques et physique du temps. En archéologie, étudier la patine est une méthode reconnue pour définir l’origine géographique et l’ancienneté d’un objet en pierre.
[4] Journal of the institute of archaeology of Tel Aviv university vol.31 n.1 (2004) : http://www.academia.edu/292630/Authenticity_Examination_of_the_Jehoash_Inscription
[5] The art of authentic forgery, (14/04/2008) haaretz.com, http://www.haaretz.com/print-edition/features/the-art-of-authentic-forgery-1.243934
[6] Israel Indicts 4 in ’Brother of Jesus’ Hoax and other Forgeries (30/12/2004), nytimes.com, http://www.nytimes.com/2004/12/30/international/middleeast/30mideast.html?_r=0
[7] Robert Eagle, op. cit.
[8] Analysis of Photographs (05/2007), Biblical Archeology Society, http://www.bib-arch.org/online-exclusives/ivory-pomegranate-02.asp
[9] Parmi ces observations, l’inscription en hébreu ne répond pas à la logique de la fracture de l’objet et, à certains endroits, les lettres s’arrêtent même avant les brisures. Cela signifie que la fracture est antérieure à la gravure. Enfin, l’objet n’est pas en ivoire mais en dent d’hippopotame. Enfin, l’objet n’est pas en ivoire mais en dent d’hippopotame, une donnée facile à démontrer que l’IAA n’avait bizarrement pas été capable de voir en 1987.
[10] Ivory pomegranate ’not Salomon’s’ (24/12/2004), bbcnews.co.uk, http://news.bbc.co.uk/2/hi/middle_east/4123595.stm
[11] Solomon relic a fake, Museum concludes (24/12/2004), nbcnews.com, http://www.nbcnews.com/id/6753063/ns/technology_and_science-science/t/solomon-relic-fake-museum-concludes/#.Ukk7p4ZSirg
[12] Golan a finalement été acquitté le 14 mars 2012. Le juge en charge a considéré qu’ « il n’y avait aucune preuve que la majorité des artefacts aient été contrefaits et que l’accusation à échouer à prouver quoi que ce soit, ne révélant en fait que des doutes compréhensibles ».
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