Khashoggi: Alors que Ryad s'embourbe, Erdogan promet la « toute la vérité » sur l'affaire.


Khashoggi : Alors que Ryad s'embourbe, Erdogan promet la « toute la vérité » sur l'affaire.

Khashoggi: Alors que Ryad s'embourbe, Erdogan promet la « toute la vérité » sur l'affaire

Le président turc Recep Tayyip Erdogan annonce des révélations choc sur le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi à Istanbul et assure que toute la lumière sera enfin faite sur cette sordide affaire. Ryad assure de son côté tout ignorer des « détails » des circonstances de sa mort, comme l'endroit où se trouve son corps.

Recep Tayyip Erdogan en a ostensiblement assez des atermoiements de Ryad ! Au lendemain des aveux – bien peu convaincants – de l'Arabie Saoudite sur les circonstances du meurtre de l'éditorialiste Jamal Khashoggi, le président turc est monté au créneau ce dimanche, lors d'un rassemblement à Istanbul. « Nous cherchons la justice ici, et toute la vérité sera révélée (...), la vérité nue », a-t-il alors lancé, avant de préciser qu'une importante déclaration sur cette affaire sera formulée mardi au Parlement.

Contradictions et perte de patience

Cette prise de position tranchée survient au moment où la crédibilité de Ryad dans cette affaire est au plus bas. Et pour cause ! Les explications fournies par les autorités saoudiennes ont suscité une vague de scepticisme, ébranlant même l'indéfectible allié américain. Après avoir qualifié de « crédible » la version des Saoudiens, le président américain Donald Trump a évoqué « des mensonges », jugeant que « leurs histoires partent dans tous les sens ». Et d'ajouter dans un entretien au Washington Post, journal auquel collaborait Jamal Khashoggi : « Il y a eu manifestement tromperie et mensonges ».  
Du côté européen, Londres, Paris et Berlin ont souligné dimanche, dans un communiqué commun, qu'il y avait « un besoin urgent de clarification » sur les circonstances de la mort « inacceptable » du journaliste, âgé de 59, au consulat saoudien à Istanbul.
Cet éclairage requis prend davantage de poids au regard des multiples versions avancées par le royaume wahhabite. Placée sous le signe des contradictions, la « disparition » de Khashoggi a finalement été qualifiée de meurtre, samedi, par les autorités saoudiennes. Bien que ces dernières soutenaient fermement que le journaliste, virulent envers le pouvoir du prince héritier Mohammed Ben Salmane (MBS), était ressorti vivant du consulat ce 2 octobre dernier, elles finissent par revoir leur sombre copie. C'est le procureur général Saoud al-Mojeb qui a confirmé sa mort. « Les discussions entre lui et les personnes qui l'ont reçu au consulat ont débouché sur une bagarre et sur une rixe à coups de poing, ce qui a conduit à sa mort », a-t-il dit, cité par l'agence SPA. Le directeur d'un centre de réflexion proche du pouvoir saoudien, Ali Shihabi, a affirmé que Khashoggi était mort étouffé des suites d'un « étranglement », relaye l'AFP.
Malgré cet hésitant premier pas vers la résolution de l'affaire, de trop nombreuses zones d'ombre persistent. Et Ryad tient résolument le mauvais rôle. Dans une vaine tentative de sauver la face, les autorités saoudiennes annoncent le limogeage du numéro deux du Renseignement saoudien, le général Ahmed al-Assiri, et de trois autres hauts responsables de ces services, ainsi que d'un conseiller « médias » à la cour royale, Saoud al-Qahtani. Dix-huit suspects saoudiens ont été interpellés. Mais des analystes occidentaux ont vu dans ces limogeages et arrestations une tentative de désigner des boucs émissaires et d'épargner le prince héritier, considéré comme l'homme fort du royaume, précise l'AFP.
Défendant cette même ligne, le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir a assuré au micro de la chaîne américaine Fox News, que MBS n'était aucunement « informé » de cette opération non commanditée par le pouvoir. « Les individus qui ont fait cela l'ont fait en dehors du champ de leurs responsabilités. Une erreur monumentale a été faite, qui a été aggravée par la tentative de la cacher », a-t-il ajouté. « Nous avons découvert qu'il a été tué au consulat (saoudien à Istanbul). Nous ne savons pas comment, dans le détail. Nous ne savons pas où se trouve le corps », a-t-il encore affirmé.

Alliés, contre vents et marées

En Turquie, les enquêteurs poursuivent les recherches et procèdent à la fouille d'une vaste forêt proche d'Istanbul, conformément aux informations recueillies sur des enregistrements sonores. Alors que les médias turcs ont d'ores et déjà évoqué une décapitation de Jamal Khashoggi, les témoins défilent pour alimenter l'investigation. Vingt-cinq nouveaux témoins ont été convoqués dimanche par les procureurs engagés dans l'enquête en Turquie, a indiqué la télévision turque NTV.
L'affaire Khashoggi a considérablement écorchée l'image de Ryad, frappée par une crise de crédibilité sans précédent. De nombreuses puissances occidentales ont ouvertement manifesté leur mécontentement et soufflé le froid sur les relations diplomatiques avec Ryad. La chancelière allemande Angela Merkel a prévenu dimanche que l'Allemagne n'autoriserait pas en l'état d'exportations d'armes vers l'Arabie Saoudite, tandis que de nombreux dirigeants et patrons de firmes internationales ont opté pour le boycott d'une grande conférence économique, chère au prince héritier, prévue à Ryad à partir de mardi, indique l'AFP.
Du côté américain, Donald Trump - ballotté de toutes part par les critiques, y compris dans son propre camp - est manifestement bien plus embarrassé par ce scandale mondial que ses homologues. S'il ne peut désormais plus défendre mordicus les explications énoncées par Ryad, il ne veut en aucun cas se résoudre à remettre en cause les méga-contrats militaires notamment passés avec l'Arabie Saoudite.
Insistant sur l'importance des liens « stratégiques » entre Washington et Ryad, le chef de la diplomatie saoudienne a estimé que cette « relation surmontera » l'affaire Khashoggi et ses répercussions diplomatiques.
Quant aux principaux alliés de Ryad dans la région - Émirats arabes unis, Bahreïn, Égypte, Jordanie, Oman, Koweït et Autorité palestinienne -, ainsi que la Ligue arabe et l'Organisation de la coopération islamique (OCI), ils ont tous unanimement salué les annonces du royaume saoudien...
Bien que les conclusions de cette terrible affaire soient suspendues aux prochains résultats de l'enquête turque, il reste fort à parier que l'implication du pouvoir saoudien ne sera jamais ouvertement énoncée. 
La pétromonarchie retrouvera invariablement sa voie (vers le rachat) d'une nouvelle virginité.   

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