“L’islam traverse une grande tragédie”
jeudi, 15 janvier 2015Rachid Benzine fait aujourd’hui partie de ces nouveaux penseurs de l’islam, auxquels il a consacré un ouvrage. Le philosophe franco marocain, auteur du livre “Le Coran expliqué aux jeunes” (Seuil, 2013), prône un travail critique sur l’islam, historique en particulier. Une façon de mettre celui-ci à distance et d’éviter que les textes religieux soient érigés en vérité absolue.
Quelle réflexion vous inspirent les récents attentats islamistes en France ?
Il
est important de sortir d’un double déni. Le déni de la société
française, qui a une explication culturelle ou religieuse à ces
attentats et qui refuse de se poser la question de ce qu’elle a raté au
cours de ces trente ou quarante dernières années.
Le déni des
musulmans qui disent que cela n’a rien à voir avec l’islam. Ceux qui
disent cela sont dans le déni. Cette violence a aussi à voir avec
l’islam, comme certaines violences commises au nom du christianisme ont
aussi à voir avec lui.
Cette violence a donc à voir avec une certaine
lecture [de l’islam] qui se répand depuis une quarantaine d’années et
qui est en lien à la fois avec le wahhabisme saoudien et l’idélogie des
Frères musulmans. Rester dans ce déni empêche ce travail de distance
critique nécessaire à l’intérieur de l’islam et ne va pas aider les
musulmans.
Cela cause cette tragédie de l’islam dont vous parlez ?
L’islam
traverse une grande tragédie. Cette tragédie est marquée par un déficit
d’instances d’autorité qui seraient capables de régler les conflits
d’interprétation. Et aussi par un déficit d’histoire concernant les
origines de l’islam. A cause de ce déficit d’histoire, on raconte des
histoires et on fait des histoires. Aujourd’hui, sur Internet, les gens
n’ont accès qu’à des bribes de textes, à une représentation idéalisée du
prophète de l’islam, qui a mis deux siècles pour se construire. A
partir de cela, ils bricolent une identité religieuse, supposée
islamique, qui remonterait aux premiers temps de l’islam. Et ce qui est
enseigné dans les mosquées c’est [l’équivalent du] catéchisme catholique
des années 50, c’estàdire une histoire sainte, sacrée, sans aucun
travail historique ni anthropologique.
Sans ce travail, il n’est pas possible d’avoir autre chose qu’une représentation figée des choses ?
Non. Et c’est au nom d’une représentation figée considérée comme une vérité absolue que l’on peut tuer les gens.
C’est au nom d’une caricature que l’on peut tuer les gens. Au nom d’une insulte.
Ce
qui est marrant, c’est que dans le Coran, le prophète est insulté. Dans
la sourate 108, verset 3, le Coran dit explicitement: “Celui qui
t’insulte, c’est lui le châtré”. Mahomet, n’ayant pas de descendant
mâle, est traité par un de ses adversaires siècle, car si comme un
châtré. C’est la pire insulte dans cette société du VIIe vous n’avez pas
de descendance mâle, vous n’existez pas. Le Coran ne fait pas acte de
violence contre celui qui l’a insulté. Il lui répond par le discours.
La violence est-elle inscrite dans l’islam ?
Dans
tous les textes religieux, on trouve des discours violents. C’est en
fonction des contextes que vous les activez ou non. Mais il ne faut pas
confondre la violence du discours et le passage à l’acte.
La violence
du discours dans les textes religieux reflète très souvent l’incapacité
de passer à l’acte. Plus le discours est violent, plus il traduit
l’incapacité sociologi que de passer à l’acte. Le discours a un effet de
compensation. Il est dans le virtuel. Et ce qui est dans le virtuel,
compréhensible pour les gens de l’époque, va devenir absolu pour un
certain nombre de jeunes gens qui n’ont pas les outils critiques pour
pouvoir lire ces textes.
Cela signifie que certains vont utiliser les textes comme prétexte...
Bien
sûr. Ces gens ont une idéologie et vous pouvez trouver tout et
n’importe quoi dans les textes religieux pour la justifier. Si vous
voulez justifier l’islam de paix ou si vous voulez faire la guerre à
tout le monde, vous allez pouvoir trouver cela dans les textes.
Mais
c’est une lecture d’aujourd’hui. ....
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