Filmer la police ou dans les lieux publics au Maroc : Ce que dit réellement la loi.

Filmer la police ou dans les lieux publics au Maroc : Ce que dit réellement la loi.


1re Parution du journal Le : 15 avril 2025

Au Maroc, filmer dans l’espace public est un réflexe courant, surtout face à des contrôles policiers ou des scènes d’intervention. 
Mais entre droit à l’information, vie privée et protection des forces de l’ordre, que dit réellement la loi ? Cet article fait le point sur ce qui est légal, toléré ou risqué, avec un éclairage clair sur les règles juridiques applicables.

Filmer la police ou dans les lieux publics au Maroc : Ce que dit réellement la loi.

La scène est devenue courante : un citoyen dégaine son téléphone pour filmer un contrôle routier ou une intervention policière. Mais au Maroc, est-ce vraiment légal ?
Peut-on filmer un agent en fonction ? Garder la vidéo ? La publier ? 

Voici ce que dit le droit marocain, sans détour.

Filmer dans la rue ou les lieux publics : autorisé, mais encadré.

Filmer ou prendre des photos dans un lieu public (rue, place, marché...) n’est pas interdit en soi. La Constitution garantit la liberté d’expression et la loi ne sanctionne pas la simple captation d’images dans l’espace public.

Mais attention : Filmer des personnes identifiables sans leur consentement peut poser problème si cela porte atteinte à leur vie privée ou leur dignité.

Filmer un policier ou un gendarme : Zone grise… très surveillée.

Un policier ou gendarme en uniforme est un agent public dans l’exercice de ses fonctions. 
À première vue, il ne bénéficie pas du même niveau de protection qu’un simple citoyen… sauf que dans la pratique marocaine, c’est l’inverse.

Depuis une circulaire de la DGSN (police nationale) en 2018, les agents sont instruits d’arrêter toute personne qui les filme sans autorisation. 
Officiellement, il s’agit de les protéger contre les atteintes à la vie privée et les diffamations en ligne.

Donc, même si la loi ne l’interdit pas explicitement, filmer un policier est considéré comme illégal dès lors que la vidéo est conservée ou diffusée sans autorisation.
Et si je garde la vidéo juste pour moi ?

C’est là que tout se joue. Garder une vidéo pour un usage strictement personnel (sans la publier, sans la partager) est toléré dans la majorité des cas, à condition que la captation ait eu lieu dans un lieu public et qu’aucune conversation privée n’ait été enregistrée.

Mais si les agents le découvrent, ils peuvent te saisir ton téléphone et te soupçonner d’intention de diffusion, ce qui peut compliquer la situation.
Publier la vidéo ? C’est risqué !

Là, aucun flou : Publier une vidéo d’un policier identifiable sans son autorisation est illégal.

L’article 447-2 du Code pénal
punit de 6 mois à 3 ans de prison et jusqu’à 20.000 dirhams d’amende toute personne qui diffuse une photo ou vidéo d’autrui sans son accord, si cela porte atteinte à sa vie privée ou son honneur. Et cela s’applique même dans la rue.

Publier sur TikTok ou Facebook une vidéo d’un contrôle routier, même sans insulte, peut donc valoir des poursuites pour atteinte à la vie privée, diffamation, voire outrage à agent.
Et si on me force à ouvrir mon téléphone ?

Même en cas de flagrant délit, les forces de l’ordre ne peuvent pas légalement t’obliger à déverrouiller ton téléphone sans autorisation judiciaire. 
Tu as le droit de refuser poliment, sans agression, en demandant qu’une procédure légale soit respectée.

Conclusion : vigilance et prudence.Filmer dans un lieu public ? Oui, mais avec prudence.
Filmer un policier ? 
À éviter sans nécessité absolue.
Publier la vidéo ? Fortement déconseillé, c’est presque toujours illégal.
Garder la vidéo pour soi ? Possible, mais reste discret et prêt à justifier ton intention.


Par Achraf Sym Tameloucht, Juriste.

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