Alerte : Nos magnifiques plages, un paradis gâché par l’incivisme. ...
Soumaya Naâmane Guessous.
Notre littoral est un joyau naturel à la merci d’un comportement collectif de plus en plus déplorable.
Le Maroc, pays de lumière et de brise marine, s’étire langoureusement entre deux souffles d’océan.
La Méditerranée effleure l’Atlantique, comme une étreinte discrète entre deux eaux éternelles.
3.500 kilomètres de rivages, dentelle mouvante de sable, de roches et d’écume, bordent ce pays aux visages multiples. Au Nord comme au Sud, les plages s’offrent, belles à couper le souffle.
Mais chaque été, ces rivages sublimes ploient sous le poids de l’anarchie, l’incivilité, du laisser-aller devenu habitude. Ce qui était écrin de beauté devient chaos de plastique, dépotoirs à ciel ouvert, et de vacarme.
Le sable doré, les vagues claires, le soleil éclatant… tout y est pour faire de nos plages un havre de paix. Pourtant…
Les draps colorés accrochés aux parasols donnent une allure de marché ambulant à ce qui devrait être un espace de respiration et de beauté. Chaque famille tente d’improviser son territoire, érigeant des murailles de tissus qui brisent la vue et accentuent la sensation d’encombrement.
À Casablanca une campagne a été lancée, interdisant cette laideur. Des agents municipaux sont intervenus pour retirer les bâches, inesthétiques et gênantes pour les autres baigneurs, notamment en masquant la vue des parasols voisins. Mais juste à Casablanca. Partout ailleurs, cette parade de laideur continue.
Au sol, des déchets de toutes sortes jonchent le sable: sacs dansant au vent, restes de tajines abandonnés comme vestiges archéologiques, bouteilles en plastique, restes de pique-nique, et surtout, les traces d’un mal estival bien particulier, les pastèques. Une fois dégustée, leur écorce est abandonnée sans gêne, attirant mouches et guêpes. Les plages deviennent ainsi des décharges sauvages où l’hygiène est la grande absente. Plus graves encore, des débris de verre rendent le sable dangereux.
L’autre fléau réside dans l’absence totale de contrôle sur les animaux comme sur les comportements humains. Des chiens errants ou mal encadrés par leurs propriétaires gambadent librement, effrayant les enfants ou dérangeant les baigneurs. Climat d’insécurité, de peur et une sensation de chaos.
«Résultat ? Fuite des familles disciplinées. Ce climat d’incivilité impacte la fréquentation des plages. Les familles qui aspirent au calme, à la propreté, au respect mutuel, fuient ces lieux invivables»
Quant aux enfants, leurs parents devraient leur inculquer les règles élémentaires du vivre-ensemble. Les ballons volent sans cesse au-dessus des serviettes, frappant les têtes, renversant des verres. Les cris, les pleurs, les disputes fusent de tous côtés, dans une ambiance saturée de bruit.
À cela s’ajoute la cacophonie musicale. Sur la droite, un haut-parleur crache du chaâbi à plein volume. À gauche, une autre famille préfère du raï ou du rap.Un véritable mur de son sans harmonie ni respect. Impossible de lire, de discuter calmement ou d’écouter le bruit des vagues. Chacun amène sa propre sono, comme pour marquer son territoire sonore. Ce qui devrait être un moment de repos devient une épreuve de nerfs. L’hystérie acoustique.
Au milieu de ce vacarme, des familles sortent même leurs ustensiles de cuisine. Les cocottes-minute tournent sur des braséros, des odeurs de ragoût envahissent l’air marin. Une cantine géante. Ce folklore culinaire, qui pourrait être charmant dans un cadre organisé, devient étouffant lorsqu’il s’installe au détriment des autres.
Le clou du spectacle? Le manque cruel de toilettes. Adultes et enfants, des centaines, sans issue sanitaire. Ils trouvent refuge entre deux rochers pour déposer leur offrande à la mer. Et quand la marée monte, elle draine le tout vers le rivage.
Alors que le camping de nuit est interdit, des familles s’installent jour et nuit. Des jeunes hommes font la java, la nuit. Le matin, le sable est jalonné de canettes et de bris de bouteilles de bière.
Résultat? Fuite des familles disciplinées. Ce climat d’incivilité impacte la fréquentation des plages. Les familles qui aspirent au calme, à la propreté, au respect mutuel, fuient ces lieux invivables. Celles qui en ont les moyens font des kilomètres pour aller vers les plages du sud, moins fréquentées, encore un peu épargnées.
Les chanceux choisissent l’exil vers l’Espagne. Et il est vrai que là-bas, c’est la paix. Les règles y sont claires, respectées, et surtout appliquées. On ne laisse pas son chien sans laisse, on n’improvise pas un concert au bord de l’eau. Jeter une pastèque sur le sable? Impensable.
C’est un crève-cœur de constater que nous poussons nos propres citoyens à s’éloigner de leur pays pour retrouver ce qui devrait être la norme chez nous. La plage n’est pas un lieu de fête sauvage, c’est un espace public, partagé, où le respect de l’autre est la première des règles.
Faute d’une éducation collective et de contrôles efficaces, nous assistons à un recul de la civilité… qui fait honte.
Malgré tout, il existe des plages propres, organisées, respectées. Elles sont souvent le fruit d’initiatives citoyennes ou de mairies volontaristes. Cela prouve que le changement est possible.
Mais il faut de l’autorité: la présence de la police municipale sur les plages pour rappeler les règles.
Et surtout, surtout, mettre en place des amendes dissuasives pour les comportements dangereux ou irrespectueux.
Enfin, apprendre le vivre-ensemble. Nos plages sont un trésor. Si nous n’en prenons pas soin, nous finirons par les perdre, pas seulement physiquement, mais dans le cœur des citoyens.
Ce ne sera pas seulement du sable qui s’efface. Ce sera un pan entier de notre dignité collective.
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